La blessure

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« C'est à toi. »

- Bon alors, la prochaine question sera pour ... Charley. Alors, en un mot, qu'est ce qui, dans ta vie, définirait un changement que ce soit en bien ou en mal ? Attention c'est quelque chose que personne ici ne doit connaître !
- À moi ? Ce qui m'a changé en bien ou en mal en un mot ? Laisse moi réfléchir ...
- Aller, toi qui nous dit jamais rien, qui ne te confie pas souvent ! Aller ! Dit nous !
- Je vois bien un mot et pour le coup, on peut dire que ça m'a changé en mal et en bien ... Après j'en ai parlé à seulement une personne ici, mais c'était il y a quelques semaines seulement. Alors on peut dire que ça ne compte pas. Ce mot ça serait harcèlement.                                                 

...

- Et bien quoi ? Ne me regardez pas avec cet air ahuri. Ça remonte à assez loin cette histoire. Je vais bien.
- M...Mais le mot harcèlement est beaucoup trop fort, non ?
- Non. Ah ça, non. Je peux te l'assurer. Après, oui on pourrait penser que c'est trop fort, après tout, même moi je n'ai pas su mettre les mots sur ce que je vivais, sur ce que j'avais vécu. C'est lorsque j'ai vu plusieurs témoignages que je me suis rendue compte que c'était vraiment ça que j'avais subi petite.
- Comment ça tu ne t'es pas rendue compte ? Quand est ce que tu as vécu tout ça ?
- Charley, tu te sens de nous en dire plus ?
- Oui si vous voulez.

« Cela s'est passé de la maternelle jusqu'à la classe de CM1 en primaire. Je me souviens en maternelle déjà, cela a commencé par de simples histoires de gamines, comme on peut les voir les fameux « je t'aime, moi non plus » tout ce qui a de plus banal. Nous étions trois. Puis nous avons finis à deux, l'une ayant déménagé. Dans mes brefs souvenirs, je me souviens que je restais souvent « à l'écart » d'elles. De toutes façons, elles étaient beaucoup plus proches qu'elles ne l'étaient de moi. Puis, arrivées en primaire, nous sommes passées de deux à quatre. On était un groupe de filles, c'était « mes amies » enfin, naïvement, c'est ce que je croyais.
Pour moi, ce qu'elles me faisaient, ce n'était rien. Je veux dire, étant jeune et ayant connue seulement cette « amitié » qu'est ce que j'aurais pu faire ? Il n'y avait rien de comparable à cela. En réalité, je ne m'en rendais même pas compte.
Avec le recul, l'une des choses qui m'ont sauvé, si l'on peut dire ça, c'est ma sœur qui était là pendant presque toutes mes années en primaire. Comme nous étions décalées d'une classe, lorsqu'elle est entrée au collège et qu'elle n'était donc plus là,  j'étais en CM1 et étrangement, c'est à cette période que, je crois, ça était le pire. À cette époque, je n'avais plus auprès de moi, ma bouée, mon repère, ma grande sœur.
A cette époque, je me souviens, c'est encore ancré dans ma mémoire, comme beaucoup d'autres choses marquantes qu'elles ont pu me faire, mais cependant, je ne me souviens pas de la totalité. J'ose me dire que c'est mon cerveau, qui durant tout ce temps, a préféré me protéger, me préserver. Je pense que c'est une bonne chose.
Je me souviens de ces matins monotones où l'on se préparait pour aller à l'école et pour mes parents au travail. Je me souviens que ma mère nous emmenait ma sœur et moi à l'école d'abord moi, puis ma sœur au collège avant de partir vers le chemin du travail. Ce que je me souviens peu, c'est ces journées à l'école, peut être certains moments, par-ci, par-là, mais était-ce dans un ordre chronologique ? Ça je n'en suis moins sûre.
Au début, pendant un certain temps, tous ces matins étaient monotones, j'allais bien. Puis un jour, cette monotonie a changé. Cela a commencé par des pleurs parce que j'avais mal au ventre, un réel mal de ventre. Alors, la première fois, je suis restée à la maison, je le pouvais, mon père pouvait me garder. Et puis, très vite, ce mal de ventre est devenu habituel.  Je finissais par pleurer toujours au moment de sortir de la voiture. Bien sûr, ma mère a fini par me dire qu'il fallait que j'arrête mon cinéma, que ce n'était plus possible: « Papa et moi, on va au travail, et tes sœurs à l'école lycée et collège et toi, tu dois aller à l'école aussi. C'est comme ça et ce n'est pas autrement. » Bien sûr qu'elle avait raison. Pourquoi elle aurait eu tort ? Après tout, je n'avais pas de raison d'aller mal. Je me souviens aussi qu'avant ça, mes parents m'ont demandé aussi si on m'embêtait à l'école, si la maîtresse était gentille-bien sûr qu'elle l'était-, alors ils ont fini par me poser la question: « pourquoi tu pleures alors ? C'est aller à l'école qui te fait peur ? », et évidemment jamais de réponse ou alors « j'ai mal au ventre », mais ce n'était pas réellement la réponse qu'ils attendaient. Comment aurais-je pu répondre ? Même moi-même, je ne savais pas le pourquoi. Pour moi, ce mal de ventre perpétuel était la cause de mes pleurs. Comment se rendre compte qu'en réalité c'est un tout ? Que je faisais des crises d'angoisses ou je ne sais quoi encore ? Impossible, je n'arrivais pas à mettre des mots sur ce que je ressentais.
Ces crises, j'ai fini par les faire à l'école. Je me souviens que la maîtresse me faisait sortir pour que je me calme. Je me souviens aussi des rires, des moqueries, de mes camarades quand celles-ci arrivées. Elles étaient de plus en plus fortes, et de plus en plus fréquentes.
Je me souviens aussi de cette maîtresse qui a remarqué de plus en plus ce qu'il n'allait pas, qui m'a remarqué. Je me souviens aussi qu'elle a essayé de savoir le pourquoi, comme mes parents, et que là encore, je n'ai pas su répondre. Elle a finit par appeler mes parents afin que je puisse parler à quelqu'un. Le lendemain, je me retrouvais tous les jeudis à la même heure en début d'après-midi, avec la psychologue scolaire pour pouvoir parler. Elle a été patiente avec moi, même si je ne parlais pas, elle me parlait, me faisait dessiner. Cela a duré un moment comme cela, elle qui essaie de me parler et moi qui dessine. Puis, après un certain temps, j'ai fini par parler, sans trop savoir pourquoi, même si le plus souvent je répondais « je ne sais pas », elle était là et elle continuait de me parler. Il y a cette chose qu'elle m'a dite, même si je ne me souviens pas à quel moment et par rapport à quoi elle me l'a dite, je m'en rappelle encore : « tu as d'autres amis dans la classe, n'est ce pas Charley ? Pourquoi ne pas essayer de parler davantage à ces personnes ? Tu sais quand des personnes sont méchantes avec toi, il vaut mieux essayer de voir comment c'est ailleurs, ça ne peut pas être pire. Tu ne crois pas ? Par exemple, cette Marion, elle est gentille avec toi, non ? Pourquoi tu n'essaierais pas d'être amie avec elle ? » et j'ai acquiescé. D'habitude, les amitiés, on ne sait plus vraiment comment elles ont commencé. Mais grâce à cette psychologue, je le sais. Je suis devenue amie avec Marion parce qu'on avait ce point en commun, sauf que Marion ne se laissait pas faire, elle avait compris dès le départ qu'il fallait s'en éloigner. Elle m'a prise sous son aile, et c'est devenue une super bonne copine et j'ai enfin pu arrêter d'être sous leur emprise. J'avais mon nouveau repère. »

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 03, 2020 ⏰

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