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PDV BILLIE
1 mois plus tard
Vendredi
16h00

Je réajustai légèrement le long manteau noir qui couvrait mes épaules, et enfonçai mon bonnet sur mon crâne.
Il faisait terriblement froid aujourd'hui.
Le soleil avait décidé de se reposer, laissant place à un vent violent et des nuages grisâtres.
Un temps parfait pour venir au cimetière finalement.

Ce matin, j'avais ressenti le besoin de venir ici.
Depuis son décès, je ne lui avais jamais rendu visite, et à vrai dire je m'en voulais un peu.
Elle me manquait de plus en plus en ce moment.
Les choses étaient devenues difficiles, entre l'emprisonnement d'Alpha, la difficulté du rythme cours/travail, et l'absence de Mathieu à cause du boulot.
J'étais un peu à bout.
Et ça me rappelait à quelle point ma soeur me soutenait dans ce genre de passes.
Alors, pour la première fois depuis deux ans, j'allais enfin avoir une « discussion » avec elle.
Peut-être que ça me ferait du bien de savoir qu'elle m'écouterait.

Je jetai un regard aux alentours, puis contemplai les tombes des morts, ornées de fleurs plus ou moins colorées.
La plupart se ressemblaient, toutes aussi sombres les unes que les autres.
Malgré tout, j'aurais reconnu celles de ma famille entre mille.
Je me souvenais de chaque enterrement, chaque personne présente à ces derniers, et chaques larmes qui avaient pu couler sur le visage de ces gens.
Tout ça resterait gravé dans ma mémoire à tout jamais.
C'était le genre de truc qu'on oubliait pas.
Le genre de truc qui te blesserait jusqu'à la fin.

En poussant un soupir, je m'approchais de la rangée dans laquelle les corps de ma lignée reposait, et enfonçai mes mains dans mes poches.
Il fallait que je reste forte.
Si j'étais là, c'était pour expulser ma douleur, pas pour en ressentir encore plus.

Lorsque je vis enfin sa tombe, je m'arrêtais vivement, et braquais mon regard dessus.

Son nom était écrit en gros sur cette énorme pierre grisâtre, marquée d'une croix catholique.
Une photo d'elle se trouvait juste en dessous de son identité, et quelques roses étaient éparpillées près de son visage.

Je restais figée une bonne dizaine de secondes, puis m'accroupissais auprès d'elle.

-Salut.

Évidemment, je ne reçus pas de réponse.

Ça faisait bizarre de se dire que j'allais lui parler, sans entendre son rire et ses blagues à la noix.
Je regrettais chaque fois où j'avais pu lui ordonner de se taire lorsqu'elle me racontait ses histoires stupides et dénuées de sens.
Malheureusement, il était trop tard pour les remords.
Et croyez moi, on ne s'en rendait compte que lorsque la personne partait pour de bon.

-Je sais que j'aurais du venir plus tôt, je suis désolée. Il s'est passé beaucoup choses depuis que t'as disparu. C'est pas une excuse, mais finalement j'ai été très occupée.

Je marquais une pause, et décidai de m'asseoir sur le sol, malgré les flaques de boue et les insectes qui grouillaient autour de moi.

Il fallait que je le fasse.
C'était dur, mais j'en avais besoin.
J'avais besoin de savoir qu'elle m'entendrait.

-...Quand t'es partie ça a été dur Marie. Je t'en ai beaucoup voulu de m'avoir laissée. J'avais la haine. La rage. Tu m'avais promis que tu serais toujours là et du jour au lendemain tu t'es...Bref. Aujourd'hui j'ai compris. J'ai compris que si t'avais fais ça c'était pas pour me laisser tomber. Tu savais que j'étais forte et que j'allais m'en sortir. Au début j'ai eu du mal à remonter la pente, mais aujourd'hui tout va bien. Maintenant je travaille, j'ai repris les cours...Je suis en deuxième année de psycho et putain qu'est-ce que j'aime ça. Je fais enfin un truc que j'adore, j'ai arrêté les conneries...Et j'habite avec Mathieu. Je sais pas si tu te rappelles de lui, mais en tout cas tu l'adorais...Tout ça je l'ai fais pour vous rendre fières, toi et maman, et aussi mon entourage. J'ai rencontré des personnes incroyables et je crois que j'ai de moins en moins la haine contre ce monde. Maintenant quand je me réveille j'ai plus envie de tout cramer, d'envoyer chaque être humain se faire foutre...Aujourd'hui je suis enfin apaisée.

POLAKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant