«En mai, fais ce qu'il te plaît»
On me l'a très souvent répété, scandé, chanté. Mais est-ce vraiment le mois de la liberté?
Dans mon quotidien où ma solitude est peau de chagrin je ne vois nulle différence avec Avril ou Juin.
Ce soir néanmoins, les étoiles brillent plus fort, multitude de petites ampoules qui éclairent la noirceur de la nuit.
Alors je saisis ma plume, mon amie, la matérialisation de ma conscience. Mon corps étant dépossédé de toute forme de tendresse, c'est avec elle que je caresse. J'effleure les carnets, j'embrasse le papier, je me masturbe le cerveau sur un bloc-notes. J'écris comme pour me parler, pas un monologue, non, un dialogue, un vrai échange avec mon Moi.
Je laisse ma main divaguer quelques instants, histoire de me chauffer le poignet. Et puisque je peux faire ce qu'il me plaît, je vais me faire l'amour. C'est décidé, je vais écrire la passion d'un instant, je vais décrire le désir d'un moment, je vais me parler des sentiments et je vais me faire vibrer.
La musique est douce, c'est celle du silence, assourdissant, rompu par l'encre qui s'imprime sur le feuillet comme le crépitement d'un vieux vinyle. Les mots sont habillés de soie, je voudrai lâcher pris. C'est comme ça qu'on jouit, en devenant un amas de sensations. Mais rien à faire, je me sens ridicule à vouloir mettre en forme un acte charnel. Fermer les yeux, se déconnecter, ne plus réfléchir, et laisser le corps parler.
Pour cela il faut se déposséder de tout, car c'est dans la nudité que l'on peut se découvrir. Je retire ma robe, mon soutien-gorge, laisse glisser ma culotte jusqu'à mes chevilles. Je garde mes bas, je ne sais pas pourquoi, je me trouve jolie comme ça. La chaire de mon cul prend contact avec le cuir de mon fauteuil, mes paupières se ferment et j'entame un voyage. Je le rejoins dans mon esprit, LUI, celui qui me hante, mon amoureux du bout du monde. Je me concentre, ses gestes sont des souvenirs, mais je veux les ressentir. Ça y est, ses mains frôlent ma peau et un frisson suit le tracé de ses doigts, comme un courant électrique. J'aime ses mains, elles m'offrent tout, et je leur ai tout donné de moi. Son regard, là je n'ai pas besoin de trop en demander à ma mémoire, il est gravé. Pénétrant, profond, des yeux qui me parlent, qui me chantent tout ce qui peut faire chaud au cœur. Ses yeux, ils me disent «je t'aime», ils me parlent de désir, de pulsions, ils expriment l'envie, la tendresse, le respect. Dans ses yeux, je suis une princesse, intouchable.
Son souffle, chaud, dans mon cou, sa respiration qui s'accélère quand il me touche, ses gémissements qu'il ne contrôle pas quand il vient entre mes cuisses.
Des souvenirs plein la tête, mon cœur qui s'affole, mon intimité qui s'entrouvre et le cuir du fauteuil qui s'humidifie. Je n'ose pas ouvrir les yeux, non, ça serait prendre conscience de son éloignement et de son absence. "Reste encore un peu mon amour, continue à me caresser". Ses mains ou les miennes peu importe, mon entre jambe est martelé par des mouvements profonds, amples, délicieux. Mes seins sont pétris avec délicatesse, mes tétons durcis doucement pincés. Mes cuisses sont tremblantes, je me pince les lèvres, retenant une expression de plaisir guttural que je ne pourrai contenir très longtemps. Je sens ses hanches que je prends plaisir à entourer de mes jambes, ses mains qui agrippent maintenant mes poignets, nous ne faisons plus qu'un, ne distinguant plus le fantasme de la réalité. Et ce plaisir, qui continue à monter, me faisant briller plus intensément que les étoiles du mois de mai, rivalisant avec la lune elle-même.
L'explosion est imminente, elle se fait pressante au creux de mes entrailles, moi-même sur une corde aussi tendue que son membre, entre deux eaux. Puis je bascule, feu d'artifice de sensations en tout genre, nuée de papillons qui s'envole, tsunami de cyprine chaude, comme si mon vagin venait de déverser ses larmes de joie.
Mes yeux restent clos, encore un peu, pour ne pas te quitter trop vite, pour ne pas que tu m'abandonnes trop rapidement, pour ne pas me confronter trop tôt à ma solitude.
Enfin, me faisant violence, je laisse mes pupilles retrouver la lumière, ma main encore tremblante rejoint la plume abandonnée sur le bureau. J'ai beau essayer mais le sexe, quand il chevauche son destrier de sentiments, il ne se décrit pas, il se vit.
Alors, puisqu'en ce mois de mai, je peux faire ce qu'il me plaît, je lâche la plume et l'encrier et je m'en vais. Je viens, je veux te rejoindre, je ne veux plus imaginer, je veux te vivre, je veux me forger de nouveaux souvenirs. C'est décidé, je prends ce train qui m'emmènera vers ton soleil. J'enfile ma robe, je regarde mes sous-vêtements négligemment posés sur le sol. Inutiles! C'est dans la nudité que tu aimes me découvrir. Et en Mars, en Mai ou en Octobre, de toutes les façons, j'ai bien envie de faire ce qu'il me plaît.
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Seule
Short StoryMoment de plaisir solitaire, fantasmes... quand l'amant ne rejoint sa bien aimée que dans l'esprit lubrique de la demoiselle.