2020, petite ville de France.
Maintenant trois jours que la pluie ne cessait de battre, la morosité se faisait sentir sur les terrasses des cafés vides, les allées et rues étaient parcourues à la hâte, les fenêtres des immeubles laissaient entrevoir des lueurs domestiques venues éclairer ce ton grisâtre qui dominait depuis lundi.
Il était neuf heures et quatorze minutes quand une jeune femme se prit un trottoir et s'affala sur le sol bitumé, faisant voler en éclat un dossier qui, déjà mal couvert de la pluie, se retrouva dans l'eau. Trempée, la jeune femme soupira, la journée commençait bien. Elle tenta de rassembler au mieux les pages qui n'étaient pas encore toutes complètement imbibées d'eau et les replaça dans la pochette qu'elle avait oublié de fermer.
Elle accourut jusqu'au Café Merling, bondé par ceux qui venaient s'abriter de la pluie incessante. Les flaques d'eau abondaient par l'afflux de déplacements des clients qui allaient et venaient au rez-de-chaussée. Elle prit garde de ne pas trébucher une seconde fois et gravit les marches d'escalier qui la menèrent à l'étage où l'attendait son amie Alice. Elle avait hâte de lui montrer ses nouvelles idées de roman.
Elle savait d'avance quelle serait la réaction de son amie, mais qu'importe, c'était au-dessus de ses forces, il fallait qu'elle expose son exaltation à avoir établi un nouveau scénario qui la stimulait jusqu'à ses tripes. Alice s'était installée à une table de deux places, portant une tasse à ses lèvres qui frémirent à la chaleur cuisante du café.
Julie s'installa brutalement, asséna la table de son dossier et s'affala dans le fauteuil devant Alice qui sursauta à en faillir de se bruler. « Tu es dingue ! » s'exclama-t-elle en reposant soigneusement sa tasse.
-Pardonnes-moi, mais je suis trop impatiente. J'ai cogité toute la nuit,-Je me doute mais fais attention. Tu veux boire quoi ?-La même chose que toi.
Alice fit signe au garçon qui faisait le service.« Alors, racontes-moi c'est quoi cette fois-ci ?-Je pense partir vers du fantastique, pour changer me diras-tu, sur un homme qui se découvre un pouvoir qui tue sa famille, il commencera à être suivi et traqué et n'osera plus s'approcher de quiconque, ira vivre reclus jusqu'au jour où par des circonstances que je n'ai pas encore décidées il rencontre une fille qui ne succombe pas à son pouvoir...-Attends, attends, attends, interrompit Alice en posant sa tasse après avoir bu déjà plusieurs gorgées.-Quoi ?-S'il te plait, pas encore une histoire à l'eau de rose, c'est vu et revu ça.-Mais l'univers que j'ai prévu de créer après n'existe pas dans la littérature-Peut-être mais je devine quand même largement la suite, ils vont tomber amoureux non ?-Oui mais...-Ecoutes tu me demandes toujours d'être sincère et je vais l'être, à moins que ta manière de raconter l'histoire soit vraiment prenante dans la forme, personnellement, en tant que lectrice, je n'irai pas vers un roman comme celui-ci.-Qu'entends-tu par la forme ?-Ce n'est pas l'idée qui compte en soi, c'est le traitement qui fait la différence. Ton style, ta patte.
Alice marqua une pause.-Je viens un peu de me contredire en soi mais je maintiens que l'idée doit être mieux amenée que cela, je ne sais pas si tu vois ce que j'essaye de te dire.-Très bien, je vais tenter de peaufiner.-ce n'est que mon avis tu n'es pas obligée de faire quoique ce soit. Je serai ravie de le lire quand même.-Les feuilles ont pris un peu l'eau dehors, j'espère qu'il n'y a pas trop de passages effacés, dit-elle en feuilletant les pages de son dossier.-Au fait, question hors-sujet, tu as prévu quelque chose pour ton anniversaire ?-Non pas encore, je n'ai pas le temps d'y penser je sais que mes parents m'achèteront un gâteau on le célèbrera en famille mais je ne sais pas si j'ai envie de le fêter en dehors à vrai dire.-Et un petit restaurant avec moi et Marc ?
Julie s'esclaffa.-Pour vous tenir la chandelle, tu plaisantes ?-Tu sais très bien que l'on n'est pas du genre à être un couple dans ce genre de soirée. On sera entre amis. »
10h45, Alice était rentrée dans son petit studio du centre-ville.C'était son jour de congé. Après avoir retiré son blazer et ses talons noirs, elle se mit à son bureau et alluma son ordinateur portable. Congé ne signifiait pas ne rien faire, en plus de son travail de chargée de communication elle étudiait pour obtenir à distance un diplôme dans la gestion et la comptabilité dans la perspective d'ouvrir un café privé en ville dédié à la littérature et aux écrivains amateurs, leur permettant un espace de discussion loin de toutes les affres distrayantes de la modernité.
La passion qu'elle voyait dans certains écrivains et ceux qui voulaient le devenir à tout prix l'avait peu à peu amenée à développer un intérêt pour ce qui touchait à la littérature et cet intérêt n'avait fait que croître depuis.
Elle allait ouvrir ses cours quand la sonnerie de son téléphone l'interrompit. C'était sa mère.« Bonjour maman,-Bonjour ma puce, dis-moi crois-tu pouvoir te libérer maintenant ? Je viens de trouver le local parfait pour ouvrir ton café.-Tu plaisantes ?-Je t'assure qu'il serait idéal, discret, en étage, et la décoration est dans le ton que tu voulais.-Très bien envois-moi l'adresse par message, je pars tout de suite. »
Elle rejoignit sa mère en bas d'un immeuble grisâtre peu connu, les rues accolées se situant en retrait du dynamisme du centre. C'était en effet dans ses critères. Elle embrassa sa mère et elles pénétrèrent dans le bâtiment. Le rez-de-chaussée ressemblait à un accueil désaffecté, à gauche un escalier en bois contrastait avec le blanc des murs qui se trouvaient devant elles.Elles gravirent les marches et arrivées à l'étage s'arrêtèrent devant une vieille porte en bois. Sa mère inséra une clé dedans et l'ouvrit laissant à Alice le soin d'entrer la première dans la grande salle qui se trouvait derrière.
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Mystery / Thriller" Si je vous disais que tout ce qu'on vous raconte est mensongé Les méthodes, les astuces, les conseils, les exercices, Si je vous disais que ce blocage que vous connaissez, Jusqu'à ce que l'inspiration vous saisisse Ne vous amène qu'à une censure a...