Chasse à l'homme

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Il avait peur. Il ne comprenait pas ce qui se passait. Ses souvenirs étaient flous. Son meilleur ami l'avait invité à sortir dans une nouvelle boite de nuit… Ils étaient entrés avec de fausses cartes… Un homme l'avait abordé là-bas. Il avait frissonné en voyant les lentilles carmines le fixer – des lentilles ? Sûrement – mais avait accepté sa proposition de lui payer un verre. L'homme ne paraissait pas dangereux… Ô qu'il avait tort !

« Mh… Si beau… Un pouvoir brut, encore inconnu de tes camarades… Après tout, il est si rare que ce soit un homme qui possède ce don… Huhu, ton âme me sera utile, chère Moire » Ricana l'ombre

Il ne comprenait pas. Moire ? Ce mot évoquait de vagues souvenirs de son lycée. Son professeur de latin avait parlé du Destin. Dans la mythologie grecque, elles étaient ses servantes, les trois filles de Jupiter – ou Zeus – et Thémis, déesse de la Justice. Elles prenaient le nom de Parques chez les romains. Existait-il une secte reprenant ce mot ? Croyait-on qu'il en faisait partie ? Il tenta de bégayer quelques phrases, apeuré, mais l'homme le fit taire… D'un geste de la main ?

« Inutile de parler petite proie. Tes mots ne valent rien face à mon pouvoir. Et ta vie m'appartient à partir du moment où tu as accepté de boire la boisson que je te proposais… Le sang d'une licorne. »

Une licorne ? Cet homme était fou. Même si c'était vrai que le cocktail avait une étrange couleur et un goût que ses papilles ne connaissaient pas, une licorne, vraiment ? Impossible. Son agresseur éclata de rire, un ricanement d'hyène le secouant de part en part.

« Ton air dubitatif est amusant. Même dans la situation dans laquelle tu te trouves, tu obéis à ta nature première d'humain. Insignifiant et ignorant, tu refuses de croire à ce qui se trouve devant tes yeux aveugles. » Son rire se transforma en grondement de fureur. « Et c'est ça qui prétend régner sur le monde, sur la Terre, qui a le droit de contempler le Soleil se lever et se coucher ! Quelle offense aux Titans ! Typhon se chargera de vous détruire jusqu'au dernier, et je danserai sur vos cadavres en décomposition ! »

Un malade. C'était un malade. Que Dieu lui vienne en aide.

« Implore donc ta divinité, elle ne bougera pas le petit doigt, humain. Je te l'ai dit, ta vie et ton âme m'appartiennent. Et elles me seront très utiles pour libérer le Cataclysme qui permettra enfin à Erèbe de régner sur ce qui lui revient de droit ! »

Sa dernière vision fut les yeux dilatés de son meurtrier… Et un étrange tatouage doré qui pulsait sur la poitrine découverte…

Marie fronça les sourcils. Jamais, de son existence de Chasseuse, elle n'avait vu de meurtre aussi étrange. On n'y trouvait la marque, ni d'un Loup-Garou furieux, ni d'un Démon sans maître, ni d'un Vampire assoiffé. Mais le pire n'était sans doute pas l'apparence effrayante de la victime humaine.

Non, le pire était sans doute que ce n'était pas la première.

Trois cas se succédaient tous semblables. Aucun lien entre les cibles, si ce n'est qu'elles n'avaient aucun lien – et elle mesurait ses mots – avec le Monde de la Magie. Même la religion de la Wicca ne les touchait pas. La dernière proie était catholique, les deux autres athées. Un homme, deux femmes.

Un seul indice, très mince : le meurtrier était sans doute bisexuel, car si les deux femmes étaient hétérosexuelles – même si on ne leur connaissait pas d'amant – l'homme lui, était tout ce qu'il y a de plus gay. Et dans la boite de nuit où il avait terminé sa soirée, juste avant de disparaître, un homme l'avait abordé. Marie n'en savait pas plus mais elle avait envoyé Alycia faire de plus amples recherches. Un Incube n'utilisait pas ce genre de mode opératoire, même si l'idée qu'il séduise ses proies correspondait bien au profil de leur race.

Le prince de l'ombre (tome 2) {Fini}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant