Juché sur une caisse en bois clair, l'odeur des fleurs enivrant l'espace et les sens, Choi Mingi saisit les derniers rubans servant à empaqueter les bouquets sur l'étagère. Une fois redescendu, il rangea la caisse, nota sur sa liste de course de penser aux rubans et fila disposer les derniers sur son plan de travail. Avec efficacité, il changea les bobines vides et fit le tour de la boutique afin de s'assurer que toutes les fleurs et plantes étaient propres, prêtes à vendre. Il arrosa avec précaution des pétunias blancs et changea l'eau du bac des roses rouges. Il se glissa sous le rideau de fer à moitié relevé pour disposer deux sellettes pour fleurs à la tige. Parmi celles-ci, Mingi avait concocté quelques idées de bouquets composés de diverses fleurs colorées, attirant avec élégance l'œil et, bien sûr, l'odorat des plus délicats.
L'extérieur installé, le jeune homme revint à l'intérieur pour se laver les mains, enfiler son tablier et ouvrir complètement le rideau de fer blanc. Il tourna une pancarte déclarant "Ouvert" vers la rue qui commençait peu à peu à s'animer avant de se poster derrière le bureau.
Chaque matin, le même sourire apaisé s'étendait sur le visage du Coréen. Il avait hérité du Temps des Fleurs suite au décès prématuré de sa tante et il souhaitait lui rendre hommage en offrant une boutique des plus plaisantes à tous les clients. La façade en pierre avait été conservée tandis que l'intérieur contrastait avec des tons plus modernes. Du blanc, du bois, des couleurs qui dégageaient une atmosphère à la fois intime et rassurante. Une étagère en fer blanc, à la gauche du bureau aligné avec le plan de travail, était garnie de toutes les plantes grasses, succulentes, cactées et cactus dont disposait l'établissement. Le vert superposé au blanc invitait ainsi les clients à la fraîcheur, au repos. Au centre, agencées sur deux petites tables rondes de taille différente, reposaient d'autres compositions élaborées par le gérant. Elles étaient un peu plus chères que celles de l'extérieur, plus travaillées et conséquentes. Du côté opposé, il y avait d'autres sellettes de fleurs à tige, celles qui étaient dites plantes d'intérieur, craignant un peu plus le soleil. Enfin, il y avait bien sûr des plantes en pot, dans des vases, de différentes grandeurs, exposées ça et là dans le magasin.
Il se sentait à l'aise dans cet endroit qui lui permettait d'avoir ses pensées continuellement tournées vers les clients et les fleurs. Il n'échangerait pour rien au monde son métier, même si celui-ci n'était pas toujours au goût de sa famille. Mingi s'était lancé dans ce projet il y avait environ deux ans et demi, au moment où il ne savait plus vraiment où il en était dans ses études. Il avait commencé une formation sur un an pour devenir fleuriste tout en utilisant sa part de l'héritage de sa tante, ses propres économies et un prêt d'argent pour donner un coup de neuf au Temps des Fleurs. Il savait que c'était un pari risqué, qu'il n'aurait probablement qu'une seule chance, mais il avait choisi de jouer avec le destin. Aujourd'hui, il sortait petit à petit la tête l'eau en parvenant à rembourser les mensualités de son prêt.
Mingi avait toujours été près des fleurs. Il se rappelait parfaitement toutes les après-midi qu'il avait pu passer ici, avec sa tante. Il quittait l'école pour venir dans la boutique aider sa tante puis faire ses devoirs. Il adorait réussir à assortir une fleur avec une autre, jouant avec les senteurs, les couleurs, les textures. Pourtant maladroit, le garçon avait sans doute la main verte qui lui permettait de ne faire que peu d'erreurs. Sa tante le félicitait toujours en ayant préparé des biscuits ou des gâteaux faits maison. Il l'aidait ensuite à balayer et ranger tout ce qui traînait. Une véritable bulle de bien-être qu'il n'avait pas voulu laissé s'envoler à la mort de la sœur de sa mère.
La mélodie de la clochette placée au-dessus de la porte d'entrée tira le jeune homme de son passé. Il accueillit sa première cliente et il ne tarda pas à s'avancer vers elle afin de lui déclarait qu'il restait à sa disposition si elle le désirait. Elle le remercia et l'interrogea sur quel genre de bouquet offrir pour une collègue qui partait à la retraite dans son entreprise. Mingi ne réfléchit que quelques secondes avant de la diriger vers un bouquet rond de fleurs variées avec de jolis germinis et de tendres roses dans les tons pâles.
La journée de Mingi se déroula sans la moindre encombre. Il eut plusieurs clients avec des envies et des demandes diverses qui lui permirent de faire travailler un peu plus encore son imagination et ses talents de décorateur. Il déjeuna dans l'arrière boutique vers une heure de l'après-midi et reprit ensuite le travail. Il reçut deux commandes à faire livrer le lendemain et prépara les bouquets avec soin, imaginant les pupilles surprises de ceux qui recevraient ces cadeaux. Même les hommes aimaient les fleurs, c'était une attention délicate qui faisait toujours plaisir. Finalement, un peu avant dix-neuf heures, alors que le fleuriste commençait à ranger les sellettes qu'il y avait à l'extérieur, il reçut un client de dernière minute.
— Bonsoir, excusez-moi, est-ce que vous êtes encore ouvert ?
Mingi se retourna pour tomber nez-à-nez avec un jeune homme à peine plus âgé que lui. Il semblait essoufflé d'avoir couru jusqu'ici. Le fleuriste jugea qu'il sortait du travail car il portait un costume et tenait un attaché case sous son bras.
— S'il-vous-plaît ? tenta-t-il encore.
Mingi cligna des pupilles et reprit ses esprits en secouant doucement la tête. Il adressa un sourire à son dernier client en acquiesçant.
— Oui, bien sûr. Bienvenue au Temps des Fleurs, ajouta-t-il un peu par réflexe. Est-ce que vous cherchez quelque chose en particulier ? Pour une occasion ?
— Ah, vous me sauvez la mise, se détendit son interlocuteur. Il me faut un bouquet pour l'anniversaire de ma mère. Je n'ai rien eu le temps de lui acheter avec toute cette promotion...
— J'ai exactement ce qu'il vous faut, ne vous en faîtes pas. Venez à l'intérieur.
Son client marcha dans ses pas. Le fleuriste lui proposa tout de suite une sorte de petit terrarium avec des plantes grasses. Il lui expliqua que ces plantes n'avaient pas besoin de beaucoup d'entretien, seulement un peu d'eau de temps en temps, mais que, par conséquent, elles duraient dans le temps. Mingi adorait montrer des succulentes car elles avaient la chance de ne pas faner aisément. Un cadeau idéal pour prouver son amour envers un membre de sa famille.
— C'est parfait, décréta son client visiblement absorbé par l'atmosphère apaisante de la boutique.
Un délicat sourire se traça sur les lèvres du gérant qui le laissa à sa contemplation. Il se faufila derrière son plan de travail avec le terrarium et entreprit de l'emballer avec grâce. Il ajouta du ruban ainsi qu'une petite carte de joyeux anniversaire avant de relever ses pupilles vers son invité. Il n'osait pas couper son instant de bien-être, voyant qu'il était un peu moins pressé qu'à son arrivée en trombe. Le calme qui régnait dans la boutique aurait peut-être dû les mettre mal à l'aise tous les deux, mais cela sembla au contraire les conduire en une sorte d'apaisement réciproque.
Ce ne fut que lorsque la sonnerie du portable du client retentit qu'ils revinrent sur terre. Mingi se hâta de terminer son paquet et d'encaisser l'argent. La musique sonna une nouvelle fois.
— Désolé, c'est mon agent, rit le jeune homme brun. Je n'ai jamais vraiment terminé ma journée.
— Vous avez parlé de promotion tout à l'heure. Vous êtes dans la vente ? demanda le fleuriste en lui rendant sa carte de crédits et son reçu.
— Ah, non, je suis plutôt dans le monde de l'art.
— Donc vous êtes un artiste.
— A une échelle bien différente de la vôtre, bien entendu.
Mingi se sentit rougir à ce compliment sous-entendu. Jusqu'alors, personne ne l'avait jamais considéré comme un artiste. D'ailleurs, lui-même n'avait pas eu cette prétention. Pouvait-il désormais l'avoir ? C'était agréable de l'entendre.
— J'espère que ces plantes feront plaisir à votre mère.
— Je reviendrais vous le dire.
A ces paroles, le garçon emporta le paquet en remerciant le fleuriste puis il sortit de la boutique. Mingi demeura quelques secondes un peu étonné ; est-ce qu'il reviendrait vraiment ? Cet homme avait un comportement étrange mais sans doute était-ce le propre des artistes. Il haussa vaguement les épaules avant de fermer le Temps des Fleurs avec quelques minutes de retard. Il récupéra ses affaires, descendit le rideau de fer et attrapa le bus qui arrivait de l'autre côté de la route.
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Mirabilis jalapa (belle-de-nuit)
FanfictionIl est peu de choses plus délicates que la fleur qui s'épanouit à la lueur de la nuit. La mélodie entêtante du clair de lune brillant au-dessus de sa couronne. « La poésie de cet instant demeurera à jamais en moi. - Est-ce que tu crois qu'on va se...