Chapitre 10

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Les semaines qui suivirent passèrent aussi vite que lentement, je ne saurais l'expliquer. Je ne faisais rien de mes journées et pourtant, le soir venu, j'avais l'impression de ne pas avoir vu filer le temps. Toutes les nuits je rejoignais Connor dans sa chambre, incapable de m'endormir seule. Il partait presque tous les jours et quand il restait, il travaillait dans son bureau. Mère Georgia venait me rendre visite tous les jours, me répétant à chaque fois ô combien il était important que je me repose. J'en avais assez de rester allongée toute la journée.

Toutes les semaines, le docteur Donovan venait s'assurer que tout allait bien, accompagnée d'infirmières. Et ses réponses étaient toujours les mêmes.

« Tout est en ordre, je ne décèle pas d'anomalie, le bébé grandit normalement. Tout va pour le mieux. Soyez bénie. »

Soyez bénie, soyez bénie. Les gens n'avaient que ces mots à la bouche et je n'en pouvais plus de les entendre. J'avais déjà été bénie, laissez moi tranquille.

Et puis ce que je redoutais le plus arriva. J'avais été convoquée pour témoigner sur l'affaire Rohan Evenlor. Sur le chemin j'avais construit tout mon petit discours, anticipant chaque question.

« Quels étaient vos rapports avec Rohan Evenlor ?

-C'était mon collègue, nous étions ensemble à l'accueil du Centre des Affaires. Nous sommes devenus des amis, il me raccompagnait à mon appartement tous les soirs puisqu'il était sur son chemin.

-Vous a-t-il parut étrange ? Est-ce qu'il se rendait ailleurs que chez lui le soir ? L'avez-vous entendu ou vu parler avec des personnes que vous ne connaissiez pas ?

-Oh non, pas que je me souvienne. Notre trajet était très ritualisé, nous prenions toujours le même chemin, croisions souvent les mêmes personnes. On ne s'attardait pas pour discuter devant chez moi et lorsque nous parlions, au travail essentiellement, nous discutions des gens qui passaient, des collègues et des dernières nouvelles. Rien d'extravagant.

-A-t-il déjà eu des propos qui vous ont paru choquant ?

-Il pouvait se montrer provoquant, pour me faire rire essentiellement, mais pas choquant, pas du tout. Jamais il n'a parlé en mal du Saint ou du gouvernement, ni même de son travail.

-Êtes-vous sûre, Honorée Servante, qu'il n'a pas subit de changement de comportement ?

-Il est vrai que quelques jours avant qu'il disparaisse il m'avait paru distant Il parlait moins, riait moins. J'avais remis ça sur la faute d'une mauvaise humeur, des fois nous ne sommes pas enclins à discuter et plaisanter, alors je n'ai pas insisté.

-Pensez-vous qu'il aurait pu espionner pour un groupe de traîtres ?

-Rohan, espionner ? Oh non je ne pense pas, ou alors il le cachait très bien. Il faisait ce qu'on lui demandait comme nous tous, rien de plus. Je ne sais vraiment pas ce qui a pu se passer, je m'inquiète vous savez. Il est mon ami et j'aimerai vraiment savoir où il est.

-Nous aussi madame, nous aussi. »

J'avais joué l'innocente à la perfection et personne ne s'était rendu compte de rien pas même Connor et Mère Georgia qui avaient assisté à la scène. J'étais une bonne actrice finalement.

Suite à ça, le gouverneur avait envoyé Connor à Sanctum pour une semaine afin de faire son rapport au gouvernement concernant cette affaire et d'envisager les solutions possibles pour le retrouver. J'ai passé toute cette semaine à m'inquiéter de la décision qui allait être prise, notamment sur la tournure que prendrait les évènements si Rohn venait à être attrapé. L'exécution était inévitable mais j'espérais qu'ils ne le tortureraient pas de trop avant ça et qu'on lui donne une fin rapide et sans douleur.

ServanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant