Le verdict.

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                       Après trois jours distincts de procès dans la même semaine, le jour tant attendu du verdict vint enfin. Après s'être presque fait ridiculiser par la partie adverse, l'avocat commis d'office des quatre garçons ne s'attendait pas à être surpris par le verdict qui allait bientôt être annoncé. Après avoir été surpris par ses clients, qui s'étaient tous déclarés non coupables malgré ses conseils, leur préconisant de faire le contraire pour espérer une indulgence de la part du juge.

Le moment était venu, la porte par laquelle entrait la juge s'ouvrit et elle pénétra les lieux, elle procéda à son rituel ordinaire et en vint au fait :
- bien, après avoir entendu les arguments et plaidoiries des deux parties, et après délibération. Les membres du jury sont-ils parvenus à un verdict final ? Un homme de type caucasien, avec une fine paire de lunettes sur le nez et une maigre carrure se leva de son siège avec un papier entre les mains et lut:
- après délibération des membres du jury, nous sommes parvenus, d'un accord commun, que pour l'accusation de viol aggravé avec préméditation, les accusés Amadeus Couruelle, Amhed Cissé, Philippe Laurent et Rahim Boudali, sont déclarés, coupables. Toute l'assemblée s'exulta face à l'annonce et la juge dut exiger le silence.
- merci beaucoup chers membres du jury. Suite à cette décision unanime, moi, Agathe Nadd, juge à la cour d'assises, condamne les accusés à quinze ans d'emprisonnement ferme sans sursis, avec possibilité de libération pour bonne conduite après dix ans. La motion prendra effet aujourd'hui même. Les accusés seront d'abord placés au centre disciplinaire pour mineurs et seront ensuite conduits dans l'une des prisons d'État à leur majorité, où ils commenceront à purger leur peine. Pour vous, monsieur Couruelle, ayant déjà dix-huit ans, vous serez immédiatement transféré à la prison de [•••].
- sauf votre respect madame la Présidente. (Intervint l'avocat commis d'office), mais, mes clients n'ont jamais fait de prison et sont pour les trois quarts mineurs. Je crois que quinze ans est un peu trop excessif pour eux.
- vous croyez ? ( Lui demanda-t-elle, subtilement.) Dans ce cas je vous propose d'en discuter avec madame Assin qui n'a plus l'opportunité de revoir sa fille. Je crois que pour elle et la mémoire de sa fille, quinze ans, n'est qu'une maigre consolation. La séance est levée ! (Termina-t-elle, sur un ton directif.)

Des forces de l'ordre vinrent menotter les criminels pour les conduire dans ce qui deviendra leur future demeure pour les quinze prochaines années. À la sortie de la salle, la orde déchaînée de journalistes se pressait sur les criminels pour recueillir des commentaires, ensuite ils se penchèrent sur les familles des criminels, sur les avocats et enfin sur Béatrice. Ils la harcelèrent de questions en tout genre :
- pensez-vous que c'est son agression sexuelle qui l'a poussé au suicide ? (Demanda l'une d'entre eux.)
- comment vous sentez vous face au verdict du jury ? (Surenchérit un autre.)
- et la sentence, la trouvez-vous assez juste ?
- que diriez-vous aux mères dans votre cas ? Puis le procureur intervint pour l'aider à s'extirper des griffes des fauves face à elle, tel un dresseur, il leur ordonna de se calmer, et Béatrice prononça :
- la sentence qui a été prononcée ne me satisfait pas amplement. En tant que mère qui souffre, je réclame vengeance et j'aurais préféré qu'ils soient condamnés à perpétuité. Mais en tant qu'humain, je me dis qu'ils ont eus bien plus que ce qu'ils méritaient. Alors, je tiens à apporter mon soutien aux familles de ces garçons, et je tiens également à leur dire que je ne leur en veux pas. Mais que je ne suis pas sûre de pouvoir pardonner à leurs fils. Merci beaucoup. Elle se dépêcha de partir, laissant l'attroupement de hyènes, encore affamées, derrière elle et se précipita dans la voiture de Aaron, suivie de Becca et ils quittèrent les lieux en trombe.

Le lendemain, vers dix heures chez les Simonet, Béatrice était assise au balcon, admirant la vue extraordinaire qui s'offrait à elle, quand Aaron vint interrompre son instant de paix et de recueillement.
- comment vous sentez-vous ? (S'enquit-il.)
- bien. Enfin mieux. (Confia-t-elle.)
- je suis heureux pour vous. Heureux qu'au moins une chose soit rentré dans l'ordre.
- oui. (Dit-elle vaguement.)
- que comptez-vous faire maintenant ?
- eh bien je vais terminer ce week-end avec vous et rentrer chez moi, demain.
- si tôt ?
- oui, si je veux être au boulot lundi, c'est mieux. Et puis j'ai pris un congé bien plus long que ce qui m'a été accordé.
- ce sera différent sans vous ici.
- voyons j'ai habité votre maison pendant presque qu'un mois. Je croyais que vous sauteriez de joie à l'annonce de mon départ.
- pourquoi l'aurais-je fait ?
- je sais pas. Peut-être pour retrouver la tranquillité de votre maison. Aaron sourit légèrement, et prononça :
- décidément, on est pas prêt de se tutoyer naturellement. Béatrice, réalisa alors, qu'en effet, ils se vouvouyaient encore et sourit à son tour.
- je crois que ça viendra, avec le temps. Puis le silence prit place un instant, et Béatrice le rompit :
- comment vous...tu as fait pour passer à autre chose ? Pour faire en sorte que Andréa te manque moins? Aaron observait pieusement la vallée devant lui et lâcha :
- j'ai fait des erreurs. Je pensais qu'elle me manquerait moins si je passais à autre chose, mais quatre ans plus tard, je me retrouve à faire une thérapie pour espérer pouvoir donner à nouveau mon cœur à quelqu'un d'autre. Mais vot...ta situation est différente, Annabella était ton enfant. Ta fille, tu as souffert pour la mettre au monde, tu t'en es occupée toute seule, tu as vu ses premiers pas, entendu ses premiers mots, son entrée à l'école, etc. Tu pourras passer à autre chose, mais pas en essayant de l'oublier. Non. Plutôt en l'intégrant à ton futur, en gardant en tête qu'elle n'est plus là. C'est ça qui t'aideras à avancer et à ne plus t'apitoyer, car la vie, même si on la trouve injuste, vaut la peine d'être vécue, mais surtout elle ne s'arrête pour personne. Béatrice l'écoutait religieusement et le remercia.
- de rien. Pas la peine de me remercier pour ça, c'est normal, venant d'un ami. J'aurais aimé que votre fille soit encore là, elle avait une excellente influence sur la mienne. Pas comme avec ce garçon avec qui elle sort. Ce and... Andrew... André...
- Andrade ?
- voilà ! Ce garçon.
- qu'est-ce que vous lui reprochez? J'ai discuté avec Becca à propos de lui et, il me semble tout à fait correct, il est intelligent, poli, très beau garçon d'après les photos, et ses parents sont des gens distingués, à ce qu'elle m'a dit.
- si vous le dites. Moi, il me laisse un goût amer sur le palais.
- c'est normal, vous êtes son père. Et peut importe son âge, vous la verrez toujours de la même façon.
- oui, c'est incroyable à quel point ça grandit vite.
- à qui le dites-vous ? (Dit-elle en s'esclaffant.)
- bien je vais vous laisser. Je dois aller m'occuper de quelque chose de très important.
- dans ce cas, descendons ensemble, je vais aider Sylvie.
- vous n'êtes pas obligée.
- ça me fait plaisir. Et puis j'ai déjà terminé le nouveau livre que vous m'avez prêté.  Il descendirent tous deux. Arrivés au rez-de-chaussée, ils trouvèrent Becca dans le salon, assise sur le tapis devant son ordinateur portable. Son père se sépara de Béatrice pour aller dans son bureau, mais Becca l'arrêta ;
- papa, attend.
- qu'est-ce qu'il y a ? (Souffla-t-il, presque agacé.)
- je veux que viennes vérifier quelques détails.
- depuis quand tu me demandes de l'aide pour tes devoirs ?
- papa, dans bientôt nous sommes en juillet et les cours vont bientôt s'arrêter. Donc plus de devoir.
- alors qu'est ce c'est ?
- ton profil pour un site de rencontre ! (Annonça-t-elle, euphorique.)
- quoi? (Scanda-t-il.)
- oui. Béatrice m'a dit que c'est comme ça qu'elle a rencontré Robert et ils ont fait presque un an ensemble. Donc c'est plutôt fiable.
- vous ne perdez rien à essayer. (Lâcha Béatrice.)
- ouais. Aller ! Ça va être cool !
- ça ne va pas être, "cool", ça va être du grand n'importe quoi !
- comment pouvez-vous en être aussi sûr?
- parce que c'est souvent comme ça, avec internet. Et puis je ne suis pas encore prêt à rencontrer quelqu'un de nouveau.
- tu préfères attendre d'être tout rabougri et flasque ? (Son père lui jeta un regard mi-vexé, mi-autoritaire), Faut profiter, tu as encore... D'ailleurs tu as quel âge ? Bref, en tout cas, tu as tout pour plaire. Pourquoi tu refuses ?
- parce que.
- tu n'as aucun argument. Bien, tant mieux, voici ce que j'ai déjà écrit : Aaron Simonet, ex-champion de boxe, nouvellement homme d'affaires, multimillionnaire, toujours précisé qu'on a de la tune, ça attire plus de candidatures. (Dit-elle en lui faisant un clin d'œil.) Né le dix-sept décembre mille neuf cents soixante-seize, veuf, un enfant. Recherche relation sérieuse et peut-être, future madame Simonet qui devra être approuvée par sa fille. Alors qu'est-ce que tu en penses ?
- que je ne suis pas le seul à avoir besoin d'une thérapie.
- du sarcasme. Quelle bassesse. Elle appuya sur la touche <<s'inscrire>> et lâcha :
- te voilà officiellement membre de [•••].
- j'abandonne. (Souffla-t-il en s'en allant.)

prédateurs chassésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant