Le banc

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Il marchait, concentré sur la musique qui grondait dans ses airpods, perdu dans sa propre bulle. Il se rendait à cet endroit qu'il aimait tant. Il était tard. Tard dans la nuit pour aller dans le parc, mais il s'en fichait. Il voulait oublier le temps pour un moment. Alors qu'il arrivait à son endroit favori, il remarqua que quelqu'un était déjà assis là. À la silhouette, il concluait que c'était une jeune femme. Il pensa soudain au vide qu'il ressentait en lui. Sans parler, il s'avança et alla s'asseoir à l'opposé. Il mis ses mains dans ses poches et poussa un soupir lassé. En effet, soupira-t-elle intérieurement. Le soupir profond de cet homme se suffisait à lui-même pour qu'elle comprenne que lui aussi, cherchait à fuir quelque chose. Quelque chose de trop grand pour son corps trop fin, qui avait l'air prêt à se briser. Quelque chose de terrifiant. Elle ferma les yeux et calma sa respiration. Comme chaque fois lorsque quelqu'un apparaissait, elle prenait peur. Elle n'avait jamais su contrôler la terreur qui la saisissait à l'idée de prendre la parole. Étrangement, le silence de cet inconnu ne la dérangeait pas le moins du monde. Elle trouvait même cela apaisant. Elle décida donc de rester là, immobile dans la nuit, à écouter le silence de cet homme qui semblait aussi désespéré qu'elle de trouver le sommeil. Quelques gouttes commencèrent à tomber. Aucun des deux n'esquissa le moindre geste pour se mettre à l'abri. Ils n'en voyaient pas l'intérêt. La pluie était les larmes qu'ils ne parvenaient à verser. C'était extrêmement difficile pour eux. D'être là, et de ne pouvoir se libérer, comme piégé dans une cage sans barreaux. Enfermé dans leur invisible souffrance commune. La pluie se fit battante. Il ferma les yeux, appréciant l'humidité et la fraîcheur qui battait son visage. Elle jeta un regard à ce personnage étrange qu'était cet inconnu, ne parvenant à déterminer si c'était la première fois, lui aussi, qu'il s'asseyait sur ce banc. Quant à lui, obnubilé par l'envie de dormir, mais incapable de trouver un sommeil réparateur, il tentait en vain de faire fuir ses pensées sombres. Sans aucun bruit, comme prit d'un même élan, ils se levèrent et marchèrent chacun de leur côté. D'une certaine façon, qu'ils n'avaient pas encore comprise, les deux c'étaient apaisés de leur mutisme.

Il marcha lentement, surpris par le calme qu'il ressentait. Est-ce cette femme, qui m'a permis de trouver un peu de répit dans son silence ? Se demanda-t-il tout en traînant des pieds. Il fit le chemin à l'envers, rejoignant sans hâte l'hôtel dans lequel il séjournait. Il se mit en tête de retourner au banc le lendemain, pour voir si cette étrange jeune femme faisait à nouveau son apparition. Il n'avait même pas remarqué que celle-ci marchait dans la même direction que lui. Elle était simplement sur le trottoir d'en face. Il soupira une dernière fois avant d'entrer dans le bâtiment de luxe. Il était un riche chanteur. Il faisait parti d'un groupe. Elle. Elle est n'était qu'une simple passante du temps. Là sans vraiment l'être, elle cherchait un moyen d'échapper à sa vie, qu'elle jugeait si futile. Lui, ne le savait pas encore, mais elle le sauverait. Elle, le savait déjà, jamais elle n'y parviendrait. Il avait fait beaucoup, sans même avoir dit un mot. C'était comme s'il l'avait accepté en sachant que ce serait une cause perdue. Et ça, ça lui faisait du bien, à elle. Parce qu'elle s'était dit que cette simple action de sa part en faisait quelqu'un de bien. De respectable. Parce qu'inconsciemment, il avait commencé à mettre un peu de couleur dans sa vie si pâle. Il était sombre à l'intérieur et pourtant, sa peau semblait luire d'une aura si blanche qu'elle en était presque aveuglante.

Elle. Elle était douce, il en était certain. Elle lui avait paru si déboussolée, qu'il en avait presque oublié que lui aussi était sonné. Il ne savait pas pourquoi il continuait de se battre contre ses démons, mais sa curiosité envers cette jeune inconnue lui donnait envie de vivre encore un peu. Il monta les escaliers en marbre sans bruit. Il était si silencieux que s'il avait été un fantôme, personne n'en aurait été étonné. Il était quelque part agacé de l'avoir croisé. Parce que sans elle, la vie lui aurait échappé. Ce soir là, il avait pensé profiter de la solitude de la nuit paisible pour sauter. Oui, il y avait pas mal réfléchit, et ne voyant que cette option, il s'était convaincu qu'il pourrait sauter du haut de ce pont immense, qui gisait au beau milieu du parc. Là, il aurait touché l'eau glacée de la rivière, et il s'en serait allé. Là, ses amis auraient juste cru qu'il avait trébuché. Mais elle, elle avait été présente. Pendant qu'il y pensait, il l'avait sentit, comme si elle s'était immiscée en lui, pour lui dire d'arrêter. Une douce voix avait retentit dans sa tête. Une voix qu'il lui avait imaginé, puisque jamais encore, il ne l'avait entendu parler.
Elle avait fait la même chose, laissant ses pensées vagabondées. Sans bruit, sans vague, elle avait entendu ce cœur qui battait à l'autre bout du banc. Et elle avait été surprise, car son coeur à elle n'avait pas fait de bruit. Elle n'avait entendu que le sien, assourdissant. Elle avait eu l'impression qu'il tapait fort pour sortir de sa prison. Et cela l'avait touchée. Parce qu'elle aussi, son cœur voulait s'échapper.

Le Silence du ParcOù les histoires vivent. Découvrez maintenant