Chapitre 2 - La coloc

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Le réveil sonne pour la 5e fois ? 8e ? J'en ai aucune idée. J'entends au loin l'alarme mais impossible de me réveiller suffisamment pour l'arrêter. Je lutte pourtant "allez réveille toi" mais je me rendors systématiquement. Mon coloc et meilleur ami débarque dans ma chambre :

"Aaaah j'en peux plus de cette sonnerie, lève toi par pitié !"

Putain. S'il savait comme j'essaye en ce moment même de me réveiller. Je donne tout là. Par pitié, comme il dit, faite que j'y arrive...

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Quelques minutes plus tard, j'arrive tel un légume à moitié flétri dans la cuisine. Café vous me direz ? Ben non, je peux pas le café. Ça me donne des palpitations et je me sens trop mal après. Un comble, nan ? Tisane "bonne nuit" ou deca ? Attend, deca, fait pas exagérer non plus !...

Il faudrait que je bosse un peu ce matin, 2h ce serait bien. Après, repas, sieste, et faudrait que je rebosse 2h. Allez on y croit ! Et demain réunion de thérapie, faut aussi que j'arrive à écrire quelque chose dans mon cahier pourri...

"Cher cahier pourri,
Que te dire à part que je suis épuisée ? Que je viens de dormir 12h et que j'ai envie d'y retourner ? Que je vais devoir lutter encore toute la journée pour accomplir des trucs simples comme manger, me laver ? Tu veux savoir mes peurs ? De végéter toute ma vie, de ne pas pouvoir construire une histoire d'amour, de ne pas pouvoir élever un enfant ou même un animal, tiens ! J'ai même peur de ne pas réussir à m'en sortir financièrement, là j'arrive un peu à travailler mais tout mon équilibre tient tellement sur un fil... Qui voudrait d'une personne comme ça ? Qui ne peut rien faire ni rien construire ?"

Voilà. J'ai écris au moins. Ça me fait verser une larme... Ce sont des peurs mais on ne peut pas y faire grand chose, c'est comme ça. Parfois j'envie mes copains phobiques des réunions. Leurs peurs sont démesurées mais il y a un espoir, ça peut changer, ça peut s'arrêter. Pour moi, c'est une autre histoire. Cela dit, dans 20% des cas, la maladie repart comme elle est venue parait-il. Ça, ce serait génial ! Mon coloc me sort de mes pensées :

"J'ai invité 3 potes pour l'apéro ce soir, tu te joindras à nous ?"
"Si je tiens le coup à ce moment là, OK !"
"Bien sûr, ne force pas la machine non plus"

C'est pas pour rien que c'est mon meilleur ami, je pense que c'est la seule personne de mon entourage qui comprend que j'ai une maladie et que ce n'est pas "dans ma tête" ou qu'il suffirait "que je me bouge un peu plus" pour être plus en forme. Cela dit, il me connaît d'avant donc lui a vu la différence et à quel point je n'ai rien pu faire pour empêcher cette connerie de s'installer dans ma vie.

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Apéro Time !
J'entends des "saluts" et des bises provenants de l'entrée. Je m'approche pour saluer les visiteurs :

"Les copains, je vous présente ma coloc et accessoirement amie aussi"
"Accessoirement oui, quand vraiment il a plus personne d'autre"
"Tu m'ôtes les mots de la bouche"

Je fais la connaissance des 3 visiteurs, 2 garçons et une fille. Le premier fait à peu près ma taille, corpulence moyenne, rasé de la tête et les yeux marrons. Beau Goss. Il a l'air un peu nerveux ou alors c'est juste qu'il dégage trop d'énergie pour mon cerveau mou. Le second est plus grand et un peu plus costaud. Cheveux bruns courts, yeux bleus. Moins "beau goss des magazines" mais carrément plus mon style. La fille est quant à elle plutôt grande, élancée, cheveux mi longs bruns et yeux marrons aussi. Plutôt canon. Joli trio là !

L'apéro se passe bien et traîne un peu en longueur. C'est plutôt bon signe. J'en apprends plus sur leurs vies, leurs jobs, leurs délires et leurs goûts. Je me fait un peu draguer et franchement, j'apprécie. Ils sont carrément charmants. 

La soirée continue de traîner et malheureusement je fatigue de plus en plus. Mais j'ai pas envie ! Alors je lutte et ignore tous les signaux d'alerte de mon corps. Vertiges, migraine qui débute, je galère de plus en plus à faire des phrases. Je m'en fou, je ne veux pas que ce moment s'arrête. Mais bien évidemment, ça ne marche pas d'ignorer... Je commence à sentir la chaleur monter dans ma poitrine et ma tête tourner d'avantage. Je vais faire un malaise. 

Je pars m'isoler dans ma chambre et lutte contre ce qui monte en moi. Trop tard. Ça augmente et je me mets à trembler, j'ai froid et chaud en même temps et j'ai envie de vomir. Insupportable. Je pleure... Je ne peux jamais profiter bien longtemps, ça me tue...

Je sais que mon coloc gère la situation avec les invités et doit sûrement leur expliquer la plaie que je suis. J'entends du mouvement, je pense qu'ils s'en vont et j'entends derrière ma porte :

"À la prochaine la miss"

Je ne réponds pas, j'ai honte.
Mon coloc me rejoind ensuite dans ma chambre :

"Hey, t'as trop forcé ?"
"Ouais" et je n'arrive pas à contenir de nouvelles larmes et bégaie un truc du genre "je suis désolée, j'ai gâché la soirée encore"

J'ai le droit à un gros câlin et des paroles rassurantes :

"Mais n'importe quoi, on a tous passé un super bon moment. T'as rien gâché t'inquiètes. Et puis ils allaient pas dormir là non plus, il était temps qu'ils se cassent"
"J'ai même pas dit au revoir, c'est tellement pas poli"
"Hey, on s'en fout ! Je leur ai expliqué en gros ta situation et ils ont compris. Le grand était déçu de pas te dire au revoir mais tant mieux, il aura encore plus envie de te revoir"
"N'importe quoi..."
"Ha si là, tu lui as plu, crois moi. Je le connais un peu et d'ailleurs je le vois tout le temps rembarrer les nanas et avec toi, tout le contraire. Il était tout gentil notre ours"
"Tssss t'es con mais ça me fait plaisir. Il va juste lâcher l'affaire maintenant qu'il a du entrevoir mon côté... Compliqué"
"Et ben on verra ! Maintenant tais toi et repose toi. Je veux plus te voir ni t'entendre. Au repos et à demain."

Ça c'est du pote. Je m'exécute.


Charme et Fêlures (terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant