Il pleuvait. Une pluie ininterrompue qui gouttait des balcons et formait des rigoles, coulait le long des façades et dans les gouttières. Les nuages plongeaient la ville hors du temps, dans un entre-deux étrange où les gens disparaissaient des rues, où on ne voyait plus le ciel, où ce n'était ni le jour, ni la nuit.Jungkook écoutait les gouttes s'écraser contre sa grande fenêtre, à demi-allongé sur son lit. Des plantes vertes se découpaient en clair-obscur devant le rectangle de lumière. Dans la pénombre de l'ancien appartement régnait un grand silence. Jungkook n'entendait que la pluie battante contre son carreau, et sa propre respiration, profonde, lente. Il troubla ce calme en se levant, posant ses pieds nus sur le sol froid. Froissement de drap, pas feutrés sur le parquet qui grince. Jungkook se baissa et referma ses doigts sur le pot en terre d'une de ses plantes, et, la calant contre son torse et au creux de son coude gauche, il saisit la poignée de la fenêtre et la fit tourner. Il dut forcer un peu dessus pour qu'elle s'ouvre. Au moment où il réussit, des notes de piano s'élevèrent de dehors. Lentement, Jungkook rabattit les deux pans de fenêtre pour ouvrir en grand, et déposa sa plante contre la rambarde. La rue était pourtant déserte. Un air frais et humide souffla sur son front, sur ses lèvres, venant faire voleter les mèches brunes de ses cheveux un peu trop longs. Il ferma les yeux. A force d'écouter, il comprit peu à peu que la mélodie mélancolique s'échappait sûrement d'une fenêtre ouverte de l'appartement d'en-dessous.
Jungkook fit dos à la fenêtre et retourna sur son lit, en la laissant grande ouverte. Il ramena le drap sur son corps pour se protéger de l'air glacial qui s'engouffrait à présent dans l'appartement. Et il écouta. Pendant ce qui lui sembla être une éternité. Les nuages sombres empêchaient aucune indication de l'heure. Alors il regardait la pluie tomber, et respirait cet air frais qui sentait le bois, les plantes, et l'humidité. Et il écoutait, et écoutait encore. Le morceau semblait être remis au début dès qu'il touchait à sa fin. Pendant des heures, il n'y avait plus que le piano mélancolique, le bruit de la pluie, et Jungkook dans son appartement sombre, les yeux fixés sur les nuages.
Et il pensait. Il pensait à celui qui vivait dans l'appartement d'en-dessous. Il ne savait pas son nom, seulement qu'ils avaient l'air d'avoir à peu près le même âge, et Jungkook s'était demandé si c'était à ça que ressemblait les anges quand il l'avait rencontré. Il avait emménagé il y avait peu de temps de cela, seulement quelques mois. Mais Jungkook le voyait de plus en plus rarement. Son voisin avait perdu peu à peu son sourire, et s'était fané comme une fleur manquant d'eau. En voyant cela, Jungkook avait lui-même perdu sa joie, et s'était renfermé sur lui-même. C'était étrange, comme son cœur un peu fragile s'était attaché en un battement de cils, par un regard, par le son d'un rire, par le frôlement d'une main.
Il ne pouvait plus rien faire qu'écouter ce piano, comme si les notes étaient la seule chose faisant battre son cœur, ce dernier s'affolant au moindre silence, s'apaisant lorsque le morceau reprenait. Des heures passèrent encore. Jungkook ne trouvait même plus étrange que l'averse dure encore, ou que le morceau ne cessait pas d'être remis. Il se noyait dans la mélodie, dans la pluie, dans les méandres de son esprit. Il n'avait jamais trouvé sa place. Toute sa jeunesse était passée trop vite, ne lui laissant pas le temps de se rendre compte que le temps s'envolait sans l'attendre. Alors il s'accrochait à ces instants d'éternité. Il se sentait mourir et vivre à la fois. Il pensa à celui qui repassait le morceau de piano, encore et encore. Lui aussi semblait mélancolique. Deux âmes nées pour être tristes, pour confondre leurs larmes dans la pluie, pour tourbillonner dans des mélodies en écho qui allongeaient l'éphémère.
Le morceau prit fin, mais, avec une angoisse grandissante, Jungkook ne l'entendit pas reprendre. Il resta de longues minutes immobile, essayant de distinguer un son par-dessus le seul bruit de la pluie. Plus rien. Longues minutes d'angoisse. Jungkook ne savait pas pourquoi, mais il avait un mauvais pressentiment. Il frissonna d'un coup, comme s'il s'était soudain rendu compte du froid ambiant. Il repoussa les draps et se leva, vacillant un instant sur ses jambes engourdies, son t-shirt trop grand retombant sur le haut de ses cuisses nues. Grâce à la demi-clarté du ciel, il trouva un bas de survêtement qu'il enfila. Ses mains tremblaient. Il laissa la fenêtre grande ouverte et saisit ses clefs sur la table basse, avant de sortir pieds nus de son studio et de fermer la porte derrière lui.
Jungkook descendit les escaliers en bois qui sentaient le vernis, se prenant sûrement quelques échardes dans la plante des pieds au passage. Lorsqu'il arriva à l'étage d'en-dessous, il se dirigea silencieusement vers la porte qu'il recherchait et colla son oreille au bois de la porte. Aucun bruit. Essayant de réprimer un souffle paniqué, il posa son front contre la porte et prit plusieurs inspirations. Il ne savait même plus ce qu'il faisait, mais il était sûr d'une chose, c'était qu'il fallait qu'il toque. Qu'il essaie. Des mois déjà qu'il aurait dû le faire. Le regret lui laissa soudain un goût amer.
Il leva un poing mal assuré et toqua deux coups. Rien ne sembla bouger dans l'appartement. Jungkook posa une main sur son cœur qui battait douloureusement dans sa poitrine, et toqua à nouveau, un peu plus fort.
Un sanglot brisé.
Jungkook était sûr de l'avoir entendu. Ses épaules se détendirent de soulagement, bien qu'il sentit son cœur se serrer. Il toqua à nouveau, et entendit des pleurs ténus s'élever, étouffés par les murs. A ce moment-là, il sut qu'on ne viendrait pas lui ouvrir. Devait-il essayer d'ouvrir, et s'il réussissait, devait-il s'introduire sans permission ? Jungkook prit sa décision, dût-elle être bonne ou mauvaise. Il en assumerait les conséquences s'il le fallait.
Il posa ses doigts sur le bouton de porte et le tourna lentement. Soudain, un déclic se fit entendre. Jungkook donna une légère poussée sur la porte, qui s'entrouvrit sans résistance. Il prit à nouveau une grande inspiration et ouvrit assez pour lui permettre de se glisser dans l'appartement. Puis, il referma la porte derrière lui et se retourna. L'appartement était plus ou moins semblable au sien. Aucune lumière n'était allumée chez lui non plus, la pièce plongée dans la pénombre mais quelque peu éclairée par la fenêtre ouverte. Ainsi, Jungkook le vit lui. Dans le clair-obscur, prostré sur le sol, le visage posé sur ses genoux ramenés contre son torse. Il semblait si humain, avec le dessin de sa nuque, de ses épaules, de ses omoplates saillantes, de sa silhouette fine ; si frêle, dans son haut transparent dans lequel il nageait. Jungkook fit quelques pas vers lui, hésita lorsque son voisin releva la tête et se tourna vers lui, baissant les genoux et posant ses mains au sol. Il n'avait pas l'air de questionner la présence de Jungkook ici, mais il n'avait aucun air, et c'est ce qui n'allait probablement pas. Ses grands yeux semblaient morts. Alors Jungkook se laissa tomber à genoux, et referma ses bras autour de lui. Et soudain, il sentit des sanglots secouer les épaules de celui qu'il enlaçait. Un front se posa sur son épaule et des mains s'accrochèrent à son t-shirt. Alors Jungkook le serra contre lui aussi fort qu'il le put, incroyablement près, comme s'il voulait fondre leurs deux corps ensemble, enfouissant son nez dans son cou et lui caressant le dos.
Je suis là.
***
Il pleuvait. Une pluie ininterrompue qui gouttait des balcons et formait des rigoles, coulait le long des façades et dans les gouttières. Les nuages plongeaient la ville hors du temps, dans un entre-deux étrange où les gens disparaissaient des rues, où on ne voyait plus le ciel, où ce n'était ni le jour, ni la nuit.
Jungkook se réveilla au son de la pluie contre le carreau. Il bougea à peine et sentit le drap glisser contre sa peau. Lorsqu'il ouvrit les yeux, son regard tomba sur Jimin. Ce dernier dormait encore, une expression paisible sur ses traits détendus. Jungkook passa sa main dans ses cheveux noirs en désordre, effleurant de ses doigts ses paupières, ses tempes, ses pommettes, ses lèvres. Jimin ouvrit les yeux et les plongea immédiatement dans ceux de Jungkook. Ce dernier baissa la tête et embrassa son front, puis son cou, remontant lentement et suspendant ses lèvres au-dessus des siennes. Jimin étira ses lèvres dans un sourire et brisa la distance, enlaçant ses bras autour du cou de Jungkook, le rapprochant encore et encore, goûtant ses lèvres contre les siennes sans s'en lasser, son cœur menaçant d'exploser d'euphorie, Jungkook répondant au baiser avec autant de fougue, autant de passion, autant d'amour.
Et ils restèrent dans ce lit pendant ce qui leur sembla être une éternité, la pluie assombrissant le jour et brouillant toute notion d'heure. Ils restèrent enlacés entre les draps, peau contre peau, petite bulle d'infinité à deux, écoutant du piano et le bruit des gouttes de pluie contre la fenêtre. Ils se suffisaient l'un à l'autre. Ils n'avaient besoin de rien de plus que d'écouter l'autre respirer, de le voir sourire, de sentir sa présence tout près. Ils s'étaient sauvés l'un l'autre, s'étaient retrouvés après s'être cherchés. Deux âmes faites pour se compléter, deux corps faits pour se confondre l'un dans l'autre. Nés pour partager leurs éternités. Amour scellé dans des baisers, promis au-delà du temps, né au cœur de la tempête pour guérir toutes les plaies.
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rain ◐ jikook
Fanfictionj'ordonnerai le chaos en toi du bout des lèvres du bout des doigts laisse-moi réparer ton âme avec des bouts de moi -