05 | En vol

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      L'aéronef avait pris son envol il y a une vingtaine de minutes. Flick est écrasé contre le hublot, regarde plus bas pour y voir une myriade de points lumineux: phares, lampadaires, maisonnées. La constellation qu'ils forment sur cette vaste plaine céruléenne dégage une certaine gaîté, elle rappelle à Flick qu'il y a de la vie, de l'espoir, de la lumière en quelque part.

      Il y a une part de vérité dans les paroles du beau-père. Il laissait bel et bien sa sœur derrière, c'est vrai, mais c'était temporaire. Il reviendrait avec la solution qui la sauverait. Dans le cas contraire, se dit-il, il aurait tout donné.

      Son imagination part à la dérive. Il se voit à son retour, les bras pleins de son butin sous la forme de liasses de billets, présentant sa cagnotte à Jana qui, à moitié endormie, esquisse un sourire. Puis, dans son rêve éveillé, Jana se dissipe dans un nuage de fumée. Devant Flick, se tiennent désormais dix-neuf autres jeunes de son âge. Ils ont tous l'apparence de silhouettes, leur visage est assombri. Il s'agissait de ses dix-neuf adversaires, les autres qui avaient passé au-travers de toutes les étapes auxquelles il était passé. Tous ont, comme Flick, une ambition ardente de gagner et ont été sélectionné pour leurs personnalités uniques. Flick, il présume, correspondait à l'un des types de personnes recherché pour l'émission. « Celui qui a tout à perdre » peut-être?

      Il découvre donc ses adversaires, les uns à la suite des autres. Il en imagine un, costaud, d'une grandeur immesurable, qui lui brandit le poing à la figure. « Le grand gaillard au cœur de pierre qui a une histoire touchante »? Une autre s'approche: elle tasse une silhouette de son chemin, ses longs cheveux semblent en feu. Elle se dirige vers Flick, d'un pas menaçant. « La guerrière sanguinaire qui se rapprochera graduellement de ses émotions? »

      Le reste du convoi suit l'exemple des deux personnages stéréotypés qui agiraient fort probablement d'adversaires au jeune homme. Le grand gaillard se découvre le visage: c'est Bill, son beau-père, qui lui envoie un autre coup de poing.

      Flick sursaute en sortant de sa transe. Les lumières sont éteintes. À côté de lui, les autres passagers dorment paisiblement, son voisin semble ne pas s'être réveillé à l'agitation soudaine du jeune homme. Je me demande à quoi ils rêvent, eux.

      À vrai dire, Flick est terrifié à l'idée de prendre part à cette émission. La vie de quelqu'un joue dans la balance. Il ne joue pas pour empocher le gros lot et s'enfuir aux Caraïbes pour le reste de ses jours: il jouait pour sa sœur.

      Mais croit-il vraiment en ses chances?

      Théoriquement parlant, ils sont vingt, il a donc une chance sur vingt de gagner. À cela on retire le fait qu'il s'est engagé dans une émission de détectives sans avoir de connaissances approfondies sur le sujet et on tombe présumablement à une sur trente. Moins le fait qu'il est dans un abominable état mental, qui le plonge à une sur quarante. Il a gardé son excellente forme physique cependant: une sur trente-cinq alors, peut-être?

      Ce qui lui alloue approximativement 2.857% de chances de l'emporter. Rassurant.

      Il soupire, croise les bras et se détend dans son siège, tente de bâillonner la voix de la raison qui l'implore de faire demi-tour, qu'il n'y arriverait pas. Mais Flick est un homme borné. Il renie les commentaires alarmistes de son amygdale limbique et se dit qu'il serait préférable qu'il dorme un peu avant d'arriver à New York.

 Il renie les commentaires alarmistes de son amygdale limbique et se dit qu'il serait préférable qu'il dorme un peu avant d'arriver à New York

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