06 | Le jeu

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      La veille, le vol s'était bien déroulé. À l'une des sorties achalandées de l'aéroport international John F. Kennedy, un valet l'avait attendu avec une pancarte et l'avait conduit à son hôtel, un très modeste Marriott où l'on s'était occupé de lui aux petits soins. Les dix-neuf autres devaient probablement y être aussi, s'était-il dit, on ne traiterait pas tous de vulgaires touristes de la sorte - ça vous prenait une demande spéciale du puissant NovaMedia pour ça. Dès son arrivée à sa chambre, il était tombé comme une bûche.

      Aujourd'hui, son périple commence. Une rencontre des participants est prévue à 10h, mais son valet le voulait debout à 9h30 pour le conduire sur le plateau de tournage. Flick se réveille à moitié habillé, somnolent et perdu. Il examine l'horloge numérique au mur, qui lui indique 9h23. Il reprend conscience totale de la réalité et enfile ce qui se trouve au sommet de sa pile de vêtements, dans sa valise: une chemise à manches courtes et un jeans. Trois coups d'un parfum somme toute coriace. Ses cheveux sont dépeignés, mais ça lui donne un style. Simple, décontracté, se dit-il.

      Attrape son sac à dos, y jette son passeport et autres essentiels à avoir sur soi et quitte sa chambre. L'ascenseur prend une éternité à arriver, ce qui frustre le jeune homme. Enfin, les portes s'ouvrent: il est le premier arrivé. Logique, puisqu'il est au dernier étage. Il commence sa lente descente du 30e étage au premier. La chance semble contre lui cette journée, il ne passait pas deux étages sans que la machine s'arrête pour faire monter un autre citadin pressé comme lui.

      Enfin, il atteint le rez-de-chaussée et court jusqu'aux portes, en esquivant hommes et femmes d'affaire au passage. Il jure même avoir renversé le café de l'une ou l'un d'entre eux au passage. À l'extérieur, son valet tente de cacher sa grimace en voyant Flick, mais fait mine de ne pas commenter son retard. « Bonjour M. Watson, » dit-il en lui ouvrant la porte arrière. Flick le gratifie d'un sourire mal à l'aise et monte.

***

      La grande salle est presque pleine. Quatre rangées de cinq sièges sont situées en avant de l'estrade. Des vingt participants, un seul manque toujours à l'appel lorsque l'horloge indique 10h. Les membres de l'exécutif patientent quelques minutes. Derrière eux, un gigantesque téléviseur à écran plat est allumé, il affiche l'heure pour le moment.

      La rouquine replace l'une de ses mèches derrière son oreille et croise les bras. Elle ferme les yeux et tombe dans un état méditatif en attendant la suite des choses. Elle supprime toutes les pensées qui surgissent à son esprit et prend quelques secondes pour se ressourcer. Ces dernières années ont été quelque peu tumultueuses, apprendre à méditer avait été le plus beau cadeau qu'elle s'était offert. Elle se sent tomber, plonger. Immergée dans ce qui semble être de l'eau, elle atteint le fond. Des lilas, à coup de centaines, émergent du sable et se mettent à pousser, grandissent jusqu'à atteindre leur taille réelle. À ce moment, les fleurs se détachent une par une et encerclent la jeune femme tel un banc de poisson floral. Son pied touche le sol...

      CCCRRRRRIIIEEEEEEEEKKK!

      La porte principale s'ouvre dans un grincement assourdissant. Elle revient sur Terre dans un sursaut, quelque peu déçue que ça ait été aussi court. Elle se retourne vers le fond de la salle, d'où provenait le bruit.

      Un jeune homme de son âge vient de faire irruption dans la salle. Il est en sueur, porte un habillement simpliste et on dirait qu'il a un raton laveur sur la tête. Ce dernier s'assoit au dernier siège de libre, au fond, assez loin pour qu'ils n'aient pas à se saluer, mais pas assez loin pour ne pas sentir son parfum. Oh merde, ça pue maintenant...

      Ravi de l'arrivée du vingtième du groupe, l'un des membres de l'exécutif atteint le milieu de l'estrade, devant un podium sur lequel il dépose sa pile de feuilles. Il est corpulent, mais son sourire est candide. Il tape des mains pour gagner l'attention des jeunes adultes qui lui font face. Quelques secondes suffisent à faire taire son audience:

VIRTUEL (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant