La peinture au féminin

Qui est-elle ?

À quelques minutes de la fin de son service, un homme d'une vingtaine d'années, vint commander un verre d'alcool fort à Tasha. L'homme commença son long discours en lui expliquant qu'elle était la femme de sa vie et qu'il voulait l'épouser. Depuis qu'elle travaillait ici, elle multipliait les demandes en mariage. C'est bizarre ce réflexe que prend l'homme alcoolisé de demander la première fille venue en mariage alors qu'à jeun il fuirait toute demande de ce genre. Tasha savait comment réagir dans ses situations. Elle inventait une histoire de petit ami vigile, costaud et très jaloux. Mais ce type-là était collant, il ne s'était pas laissé impressionner par ce mensonge, et il continuait de la draguer très lourdement. Tasha le laissait faire puisque dans cinq minutes elle avait terminé. Pendant que ce gars lui faisait la conversation, la femme de tout à l'heure fit son apparition. Elle venait chercher Tasha pour aller prendre un verre et enfin comprendre qui elle était, en tout cas, elle était pile à l'heure. Elle s'installa au bar et écouta l'homme draguer grossièrement Tasha qui commençait à saturer.

« -dis-moi bébé t'as bientôt fini, on peut rentrer à la maison, j'ai très envie de toi. », dit mielleusement la jeune femme.

L'homme se tourna vers elle brusquement, il la dévisagea, prit son verre et quitta le bar pour rejoindre sa bande de potes aussi bourrés que lui.

« -merci, il commençait à être lourd. C'est comment ton nom ?

-Claire.

-merci Claire, je ne savais plus quoi faire avec lui, la plupart de mes histoires marchent bien d'habitude mais là il était coriace.

-c'était un plaisir de te rendre service Tasha. »

Là encore Tasha fut surprise, Claire connaissait même son prénom. Tasha commençait à se poser des questions sur cette femme. Était-il prudent de la suivre ? Mais Tasha était de nature curieuse, elle voulait connaître la vérité. Elle prit son blouson et demanda à Claire si elle voulait bien l'accompagner car elle devait passer au toilette avant de discuter toutes les deux. Claire la suivit sans contester, Tasha ouvrit la porte. Elles n'étaient que toutes les deux dans les toilettes. Tout à coup, Tasha plaqua Claire contre le mur et elle l'immobilisa. Claire n'avait pas eu le temps d'y voir, elle s'était retrouvée bloquée contre le mur face à Tasha.

« -avant de partir avec toi, je veux savoir qui tu es et comment tu sais toutes ses choses sur moi ?

-calme-toi bordel, qu'est-ce qui te prends ?

-réponds-moi sinon tu peux oublier ce verre.

-d'accord c'est bon tu as gagné, calme-toi. »

Puis en un seul coup, la situation s'inversa, Tasha fut bloquée à son tour contre le mur à la place de Claire. Celle-ci s'était montrée plus rapide.

« -écoute c'est très simple, sache d'abord que je ne te veux aucun mal. En fait, c'est ton frère Kevin qui m'a dit tout ça sur toi. Ma sœur est avec lui au lycée, il lui a parlé de tes toiles et ma sœur me l'a raconté. Rassurée ? »

Claire libéra son emprise et Tasha reprit ses esprits, elle était effectivement rassurée.

« -excuse-moi. Mais comment ? Enfin je veux dire pourquoi tu voulais me rencontrer, tu t'intéresses à la peinture ?

-oui en fait c'est mon métier, mais que dirais-tu si on allait en discuter dans un meilleur endroit. Allez viens avec moi, fais-moi confiance. Comme je te l'ai dit tout à l'heure, c'est le destin. »

Tasha grimpa dans la voiture de Claire. Pendant le trajet, les deux femmes étaient restées silencieuses, pourtant Tasha avait des questions plein la tête. Claire prit la route en direction de chez Tasha.

« -mais c'est chez moi par-là. Laisse-moi deviner, Kevin t'a dit qu'on habitait là ?

-en fait, je l'ai ramené l'autre jour. Tu sais il s'entend très bien avec ma sœur Jessica. Il ne t'en a jamais parlé ?

-tu sais avec mon frère on ne parle pas de ses choses-là, j'essaie de lui poser des questions mais c'est pas facile pour lui de me parler. On n'a pas grandi ensemble.

-je sais, Jessica m'a raconté votre histoire. Je te trouve très courageuse, tu as beaucoup de mérite, tu élèves seule un ado et ça ne doit pas être facile tous les jours.

-c'est vrai je l'avoue. Bon que dirais-tu d'aller le prendre chez moi ce verre ?

-à vrai dire je ne connais pas d'endroit encore ouvert à cette heure alors autant aller chez toi, tu pourras me montrer tes œuvres, enfin si tu es prête à me les montrer. En général, les artistes n'aiment pas trop montrer leurs chefs-d'œuvre à des inconnus. »