➵ Chapitre 73 - partie 3/3

78 16 6
                                    

Dans les coulisses, je faisais les cent pas. Ça allait bientôt être à moi. Je stressais. Évidemment. Dans les coulisses... Non, j'étais plutôt aux abords de la scène.

— Emmy ! Tu me stresses ! chuchota Ludovic, qui passait juste après moi

— Ce n'est pas de ma faute ! protestai-je

— Je n'ai pas dit ça ! Je dis juste que la fille la plus talentueuse de la classe ne devrait pas stresser pour ça, surtout pour une chanson qu'elle maîtrise sur le bout des doigts, répondit-il

— Je rêve ou tu viens de me complimenter ? relevai-je, m'arrêtant net dans mes cent pas

— A ton avis ? répliqua-t-il, perplexe

— C'est vraiment le moment, pour ça ? questionnai-je en croisant les bras

— Manifestement, oui. Tu as arrêté de tourner comme un lion en cage, étudia-t-il

Les bras croisés, je le fusillai du regard tandis qu'il riait discrètement.

— Alors comme ça tu me trouves talentueuse ? remblayai-je

— Oui, affirma-t-il, comme si c'était évident. Comme toute la classe, en fait, ajouta-t-il, face à mon air dubitatif

Je me mordis la lèvre, hésitante, et m'adossai au mur, à côté de lui. Du coin de l'œil, je m'aperçus qu'il me fixait d'un air intrigué.

— Quand j'étais au collège, tout le monde me répétait que je n'arrivais pas à poser ma voix. Mon prof' de musique m'a même avoué qu'il ne comprenait pas comment j'avais pu être acceptée ici, confiai-je en fixant le mur en face de moi

   Il ne répondit pas tout de suite. Il prenait le temps de réfléchir à sa réponse, à la meilleure manière de tourner les mots pour qu'ils reflètent parfaitement sa pensée.

— Ta voix est chargée d'émotions, finit-il par dire après quelques instants. C'est ce qui fait son charme. Mais si ces émotions sont mal maîtrisées, alors elles peuvent altérer ta voix. De même, si tu les refoules, ta voix se bloque, comme si elle était enfermée dans une cage, ce qui fait que tu peux avoir du mal à poser ta voix.

— Tu as raison, admis-je

— De plus, j'ajoute que tu n'es plus au collège, maintenant. Tu es en terminale, à Sainte-Cécile en plus. Les choses ont changé. A toi de leur prouver, conclut-il son regard sombre ancré dans le mien

Cherchant une réponse, je soutins son regard. Mais rien ne me vint. Il n'y avait rien à dire. Le moment sembla s'étirer, et les applaudissements me tirèrent de ma torpeur. Me rendant compte que je l'avais regardé dans le blanc des yeux pendant au moins une minute, je toussotai d'un air gêné.

— Je crois que ça va être à moi, dis-je en reculant de deux pas.

Je ne m'étais pas rendue compte que je m'étais adossée aussi proche de lui !

— Je crois aussi, répondit-il. Bonne chance.

   Il ponctua sa phrase d'un sourire amical que je lui rendis et montai les escaliers, attendant que M. Wiener annonce mon nom. Le danseur entrait par l'autre côté, et je n'avais aucune idée de qui il s'agissait.

   Lorsque j'entrai sur scène, sous les projecteurs, mes dents claquaient. Je tâchai de masquer mes tremblements par un sourire et marchai jusqu'au micro, soulagée d'avoir réussi à camoufler mes cernes par une couche épaisse d'anticernes. Je n'avais pas fermé l'œil de la nuit. En plus, les projecteurs soulignent les pires défauts, donc si je rate quelque chose, j'échapperai au moins à l'impression d'être un zombie.

Tout pour la musique (2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant