green light

Une lumière verdâtre, tamisée, filtrée par les arbres qui surplombent la voiture, éclaire faiblement l'habitacle. Il n’y a pas un bruit, tout est silencieux. 
Harry est assis sur le fauteuil passager, il observe tantôt la forêt, tantôt Draco qui conduit.
La couleur des rayons de Soleil, frappant le volant et le tableau de bord, lui rappelle celle du sortilège de mort qui l’a frappé dans la forêt interdite. Il frissonne imperceptiblement.
Mais étrangement, Harry ne se sent pas nauséeux, comme les autres fois où ce souvenir, de plus en plus lointain, est revenu à la surface. Peut être est-ce la vitesse à laquelle ils roulent, la fenêtre entrouverte et le vent qui balaye ses cheveux sur le côté, les odeurs de sous-bois qui remplissent ses narines, ou tout simplement la présence de Draco, et ces silences agréables qu’aucun d’eux n’ose rompre.
Ces silences ont un goût de paix. Ces odeurs et ces sensations, celui de la vie.
Et Draco tout ceci à la fois. 
D’ailleurs, celui-ci l’observe intensément, puis, sans prononcer un mot, ralentit et se gare sur le bord de la route. Harry l’interroge du regard, mais Draco est déjà sorti du véhicule, le claquement de la portière brisant le silence.
Il le rejoint. 

-Pourquoi on s’arrête ? 

Draco plante son regard dans celui d’Harry. Il semble l’analyser, regarder, et chercher des réponses dans les tréfonds de son âme. 

-Elle me fait penser à tes yeux, dit-il soudain, un vert aussi précieux que l’émeraude. 
-Quoi ?
-La lumière verte. 

Harry ouvre la bouche, la referme, ne sachant que dire. Il lui semble qu’il a toujours associé cette couleur à la mort de ses parents. Puis à la sienne, et à toutes les autres. La couleur de Serpentard, de son médaillon, des Horcruxes, du mal à l’état pur. Dépassant même le noir des ténèbres et le rouge du sang sur cette échelle malfaisante. 
Pour Harry, le vert ne représente rien de plus que la mort. Mais Draco, lui, pense à ses yeux. 
Cette conception de la chose est toute nouvelle pour le jeune homme qui ne sait comment prendre cette déclaration. Il réfléchit, et le silence retombe. En face de lui, des orbes grises semblent suivre le fil de ses pensées. 

Harry se demande si ses pupilles ont la couleur de la mort, ou la mort celle de ses pupilles. Après tout, il a lui même survécu à celle-ci, plus de fois que n’importe qui. Furieuse, déçue qu’il ne succombe jamais, malgré de multiples tentatives, elle aurait laissé une part d’elle à l’intérieur de lui. Sa couleur.  Le vert mortel dans les yeux du garçon qui a survécu. Quel jolie métaphore. 

Selon Harry, Draco a toujours eu des opinions différentes de ceux qui l’entoure. Peut être est-ce la même chose pour la couleur de ses yeux. Peut être voit-il à travers l’émeraude ses yeux, alors que le reste du monde y verra la mort et la souffrance ? 
Draco est si différent des autres, et même de la personne qu’il était il y a quelques années. La guerre a marqué tous les esprits, mais pour lui, il semble qu’elle l’a fait revivre. 
Harry se rappelle de Draco durant la guerre, des poches violettes sous ses yeux ternes, une expression de solitude et de souffrance comme marquée au fer rouge sur le visage. Le corps maigre et fatigué. Les épaules affaissées, dans une sorte de position de défense permanente, comme s’il s’attendait à souffrir, à mourir à chaques instants.
Mais ce Draco là a presque complètement disparu. Tout comme celui d’avant la guerre, prétentieux et arrogant, supportant l’idée de la pureté du sang. 
Tout cela est mort avec la guerre. Et quelque part, c’est une bonne chose. L’une des seules.
Loin de le briser, elle l’a rendu plus fort, plus sûr de lui. 

Draco veut tout découvrir : il parcourt l’Angleterre dans sa voiture moldue, il dort à la belle étoile, il marche le long des côtes, il lit toutes sortes de littérature, de la poésie à la nouvelle, en passant par le théâtre, il veut apprendre seul le latin et tout connaître.
C’est comme s'il avait été endormi pendant vingt ans, et qu’il s’était enfin réveillé.
Il a la rage de vivre. 
Parfois, Harry se demande pourquoi Draco est atterri, un jour, sur le pas de sa porte pour l’emmener dans sa voiture.
Lui parmi tant d’autres.