Contexte: "Une mort heureuse". J'en ai passé du temps à tourner et retourner un flot d'idées de galères causées par ce thème imposé par le concours de rédaction de l'école. C'est finalement google qui m'a sauvée (je suis allée taper "mort heureuse" sur google, n'allez pas croire que j'ai de la culture). Malgré les avis mitigés de mes proches, j'ai le plaisir de vous annoncer que je suis l'heureuse lauréate (excusez-moi, c'est mon égo qui me contrôle).
Je vous souhaite, une fois de plus, une bonne lecture!
Les débuts et les fins ont toujours une saveur très particulière.
Si à la toute première page d'un roman, l'esprit et la curiosité sont à l'apogée de l'âme humaine, si lors de la toute première bouchée les papilles découvrent et redécouvrent les parfums qui se mélangent, si la toute première fois que l'on voit une personne, ses gestes et ses paroles reste à jamais gravés dans notre mémoire, les derniers instants du jour ou de la nuit sont les plus beaux, la dernière larme essuyée avant le début du générique est toujours la plus émouvante et le dernier jour des vacances est toujours le plus inoubliable.
Une saveur bien particulière, cela peut paraître un mot bien trop faible pour Audrey qui se traîne péniblement à travers le salon, les yeux bouffis et les cheveux en bataille. De l'extérieur, elle n'est qu'une loque. Dépourvue d'énergie. À quoi bon ? Tout est fini pour elle.
Pourtant, de l'intérieur, les choses sont différentes. Elle voudrait trouver les mots pour expliquer cette tempête intérieure. Audrey tourne ses yeux bouffis en direction de l'immense bibliothèque en se demandant si ces années de trésors collectés par son passionné de tout type de littérature pourraient contenir assez de mots et assez de nuances pour expliquer ce harpon qui lui transperce la poitrine, là, tout de suite, à l'instant. Audrey ne sait déjà plus si ses jambes pleines de crampes se sont dérobées sont son poids ou si c'est elle qui s'est jetée sur la parquet. Quelle importance ? Elle ne sent même pas la dureté de celui-ci, non, elle ne remarque même pas la quantité de cheveux collés sur ses joues par les larmes.
Elle doit déjà essayer de se traîner vers ce rayonnage de la bibliothèque. Le plus ironique est le faite qu'il n'aura jamais pu réaliser cet objectif. Certes, les livres sont bien au nombre de mille mais il n'aura jamais pu lire le dernier. Sous le regard des rayonnages figés, elle attrape l'objet de ses mains pleines de larmes. Il est tout nouveau, les lettres de la couverture sont encore brillantes et l'ensemble de page encore fin. C'est le dernier livre que Guillaume ait acheté. La mort heureuse. À chaque fois qu'Audrey traversait le salon et apercevait ces mots elle se demandait comment une mort pouvait bien être heureuse mais aujourd'hui, la question ne se pose plus : ça n'était qu'une vaste blague ou à la rigueur un éclair d'espoir inutile. Une flaque des larmes se forme au sol dans un cri de souffrance : Guillaume vient d'apparaître.
C'était la veille, elle était assise à la table avec un sirop à la fraise quand Guillaume était rentré. «Au'? Devine quoi ! »
Cette voix...Une autre larme tombe sur la couverture neuve du livre. Audrey sent ses ongles s'enfoncer profondément dans la chair du livre.
« e vais pouvoir finir mon défi. Toi qui était sûre que je n'y arriverai jamais. J'ai le millième livre. Regarde. » Il semble à Audrey qu'il avait essayé en vain de se recoiffer à ce moment-là. Peu importe, il avait toujours les cheveux en bataille. «Camus ? Sérieusement ? Tu as rien trouvé de mieux ? Montre. La mort heureuse ? Une horreur qui parle de mort...chéri. Enfin c'est ton défi après tout»
Audrey n'a pas la force de renifler et la boîte de mouchoir est bien trop loin. Elle a l'impression que cette scène s'est déroulée il y a des millénaires, elle ne peut pas s'imaginer que c'était seulement il y a quelques heures. Quelques heures séparées d'un puissant camion, d'une bicyclette fluette et d'un allé inutile d'ambulance.
Jamais Guillaume n'aurait pu laisser quiconque critiquer ce génie : «La mort est un thème important et pas forcément défaitiste» La voix de Guillaume s'était atténuée tandis qu'il avait sorti une bière du frigo. «Ce monde occidental et cette vision si défaitiste, si...binaire» «Binaire ?» avait demandé Audrey, sceptique, avant d'avaler une gorgée de sirop. «C'est le premier roman de Camus, publié bien après sa mort.» Il avait plongé ses yeux dans les siens. «Le début, la fin, la vie, la mort tout est si confus finalement. C'est comme les jours et les nuits, les fins sont des débuts et les débuts sont des fins. Les émotions sont indépendantes de tout cela».
Sauf respect d'un mort, Audrey pensait que Guillaume se trompait : il lui aura fallu plusieurs heures de puissante souffrance pour atteindre la boîte de mouchoir. Elle ignore encore que cette fin est aussi un début et qu'elle ne devrait pas se mettre dans un état pareil. C'est si mauvais pour le bébé.
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Mon ramassis de divagations
DiversosTous les textes et toutes les histoires qui me sont passés par la tête, alors je les recycle car recycler c'est bien et je suis une très grande flemmarde. (La photo de Brendon Urie que j'ai volée sur internet:https://www.ultimate-guitar.com/news/gen...