Chapitre 20 - Le choc

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La salle entière retient son souffle. Plus personne ne bouge. On entend les mouches voler. Enfin même pas, même les mouches ne volent plus.

Il passe ses mains derrière sa nuque et dénoue son foulard. Il jette un regard dans ma direction, il est apeuré. J'essaye de mettre dans mes yeux tout le courage possible pour lui transmettre et chuchote un « tu peux le faire » pour qu'il lise sur mes lèvres. Il baisse la tête vers le sol et retire le tissu. On ne le voit pas pour le moment. Il se passe peut-être trente secondes avant qu'il prenne une grande inspiration et relève son visage en direction du groupe.

- LE CHOC -

"C'est un grand jour !" dit la thérapeute "Bravo !"

Et l'assemblée se met à applaudir.

Je ne contrôle plus ni mes mouvements, ni mes pensées et encore moins ma respiration. J'ai chaud, mes oreilles bourdonnent et j'ai la tête qui tourne. Et ben quel effet ! Je vais quand même pas tomber dans les pommes à ce moment si important ! Je mets mes mains sur les pieds en ferraille de la chaise à la recherche d'un peu de fraîcheur. La thérapeute me remarque :

"Hé. Vous allez bien ? Vous êtes toute pâle d'un coup !"
"... Heu ..." Impossible de formuler la moindre phrase.

La thérapeute se lève et m'apporte un verre d'eau. Je n'ose plus le regarder, il faut que je me remette. Non mais quelle histoire encore, c'est pas vrai de faire des trucs comme ça... J'essaye de formuler quelque chose :

"Désolée, j'ai arrêté de respirer je crois, mais ça va mieux."

J'entends des rires étouffés dans le groupe et je distingue un sourire retenu sur le visage de la psy. Ravie d'amuser la galerie... Je n'ose toujours pas le regarder et termine mon verre d'eau.

Je reprends petit à petit mes esprits pendant que la thérapeute clôture la séance du jour avec de grandes phrases sur nos avancées à tous et un point d'honneur à la petite dame agoraphobe qui a passé toute la séance avec nous et bien sûr au cagoulé qui ne l'est plus.

Chacun commence à partir lorsqu'une silhouette s'approche de moi :

"Tu vas bien ? J'en ai marre de te voir tomber dans les pommes..."
"Ça va. Je suis vraiment désolée pour le mauvais timing, je voulais pas ..."
"J'ai eu trop de stress pour aujourd'hui alors j'ai plus de forces pour t'assommer mais tu le mériterais. Et je parle des excuses hein, pas du malaise. Enfin bien que ce soit quand même un peu vexant de te voir à deux doigts de t'écrouler en voyant ma tronche, mais bon..."
"Non mais attends, c'est tout l'inverse. C'est que t'es... vraiment beau."
"Ah."
"Je... Enfin j'ai appris à te connaître sans voir à quoi tu ressemblais et j'ai vraiment aimé la personne que j'ai découverte. Je ne pensais pas avoir la même sensation en découvrant ton visage..."
"Ben c'est plutôt sympa ça. Mais ne tombe pas amoureuse s'il te plaît hein, je suis trop compliqué, rappelle toi."
"Je vais essayer mais là, c'est mal parti !"

Il me sourit. Non mais ce sourire, c'est pas possible. Il sort d'où ce mec ? Je trouve son visage superbe, plutôt arrondi mais avec des traits fins, un teint coloré, un joli nez, des lèvres sensuelles et charnues et une machoîre musclée, j'adore. Nous sortons de la pièce ensemble et je reprends la discussion :

"En tous les cas, bravo pour ce que tu as fait aujourd'hui, c'est génial."
"Ouais, je suis content. J'avoue que j'ai eu un peu un déclic après la journée qu'on a passée ensemble. Tout en moi me disant de m'enfuir maintenant que tu avais autant d'infos sur moi mais tout une autre partie me disait que ça faisait un bien fou de s'être un peu ouvert et que ce serait dommage de tout couper."
"J'aime bien la deuxième partie de toi alors" dis-je en riant
"Le problème, c'est que j'ai vraiment les deux parties en moi, tout le temps." me répond-t-il l'air mélancolique.
"Et ben, on fera avec les deux ! Enfin si toi tu peux supporter une nana qui dort tout le temps et qui fait des malaises le reste du temps ?"
"Si elle s'excuse pas sans cesse pour l'un ou pour l'autre, ça se tente."

J'ai des papillons dans le ventre, j'adore ce mec et j'ai envie de le connaître plus encore. Je prends mon courage à deux mains et me lance :

"Ça te dirait qu'on aille boire un verre ensemble maintenant ? Pour continuer à discuter tranquille."
"Heu. Non."
"Ok, c'est pas grave..." (Pouah la douche froide, j'aurais jamais du proposer)

Il attrape son foulard et le replace autour de son visage quand soudain, je me sens complètement idiote ! Je lui ai sérieusement proposé d'aller boire un verre alors qu'il se couvre déjà le visage pour venir aux réunions ! Mais évidemment qu'il allait refuser ! Mais c'est pas possible d'être cloche comme ça...

"Je suis dés... Enfin, on pourrait juste boire un verre chez moi ou chez toi, pas dans un bar ? Ça fait proposition tendancieuse, je sais mais je ne sais pas comment le tourner autrement. Juste pour passer du temps ensemble quoi."
"Tu vois, c'est exactement pour ce genre de situation que je ne veux pas qu'on me connaisse trop. Pour éviter de me sentir comme une merde parce que je suis même pas capable d'aller dans un bar."
"Ouais je suis bête d'avoir proposé ça mais tu sais, pour moi non plus c'est pas le top les bars, du monde, du bruit, ça m'épuise vite."
"On va chez moi ?"
"Sérieux ? Oui !"
"Je peux pas te prendre sur la moto, j'ai pas de deuxième casque."
"Et bien, part devant, je te rejoins à mon rythme de piétonne."
"Je pars récupérer un deuxième casque et je reviens te prendre. Pose toi où tu veux en attendant."
"Bon... OK !"

Je m'installe dans un petit café à proximité pour patienter. Il fait bon, il y a une odeur agréable de chocolat et je me sens bien. J'ai juste hâte qu'il arrive pour continuer la journée à ses côtés. Lorsque j'aperçois la moto, je sors le rejoindre et grimpe derrière lui. OK, rien de mieux pour réveiller toutes mes hormones que de m'accrocher à sa taille, je me sens toute chose et je transpire. Ah non, faut pas que je transpire purée ! Nous arrivons devant son bâtiment...

Charme et Fêlures (terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant