Nikolaï

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Une foutue Wyverne. Je pensais bien que ça n'allait pas être facile de la capturer, même dans cet état. Mais nous avions réussis, au bout de quoi ? Peut-être plusieurs heures. Tout s'était visiblement passé comme prévu. On avait seulement perdu un doigt ou deux en tout. Et sans doutes quelques neurones pour certains.
Assis sur le dos de la créature afin de la maintenir en place, Yuz chantonnait à claire voix une chanson insupportable, ravi d'avoir réussi sa mission. Sa voix tonitruante résonnait dans la vallée que nous traversions, et je redoutais une avalanche dans peu de temps. Même les grognements de l'animal contre moi moi étaient plus agréables. Non, la perte de neurones n'était pas une conséquence du combat, c'était habituel chez lui. Alors que je restais près de la tête afin de garder la Wyverne calme, ou du moins dans un état qui nous permettrait de survivre jusqu'au retour, je me massais les tempes, dépité.
- Mais faites-le taire, par pitié, demandais-je alors.
J'entendis le rire distinctif de Mayu, un soupir, que je ne saurais décrire, de la part de Gen et le silence traditionnel d'Artur.
- Tu ne sais pas profiter des bons moments ! Clâma Yuz en venant me frapper l'épaule amicalement, de sa force de brute.
- Je passais un meilleur moment quand tu te faisais bouffer les doigts, répondis-je simplement.
Il gromela dans ce qui lui servait de barbe. Parfois j'avais l'impression qu'il pouvait y cacher n'importe quel objet, et que celui-ci disparaîtrait aussitôt. Il aimais raconter aux jeunes qu'il y cachait les enfants qui se sont mal comportés. La seule chose que nous allions cacher allait être son cadavre, un jour ou l'autre. Même si cela mettait le roi en colère. Quoique, peut-être que cela le soulagerait de ne plus le voir et l'entendre à longueur de journée. Ce n'est pas un lion que Yuz aurait dû être, mais un buffle. Tiens, je proposerais l'idée au palais. Perdu dans mes somptueuses pensées, je ne tiquais que sur le moment que la Wyverne avait cessé de se débattre. Je lui jettai un regard et remarquai qu'elle était inconsciente. Ou plutôt "il". Nous avions eût la chance de ne pas tomber sur la mère et ses petits. Je lui caressais le dessus de la gueule pour l'apaiser. Il était plutôt petit pour une Wyverne des glaces. D'une échelle humaine, sa tête faisait environ les trois quarts de mon corps. Une petite Wyverne, mon cul.
- On devrait se dépêcher de rentrer, il est déjà trop épuisé, déclarais-je en m'approchant du bord de la charette.
Mayu tourna la tête vers moi.
- Tu crois que tu peux le faire tenir jusqu'à l'arrivée ? Demanda-t-il avant de se reconcentrer sur la route.
Je soupirais en m'adossant contre la créature.
- Vous avez intérêt à pas jouer les enfoirés pendant les prochains jours alors.
Mayu rit un peu.
- Encore faudrait-il que tu sois assez en forme pour t'en rendre compte, non?
Je gromelais et fermai les yeux, reposant ma tête contre le flan de la Wyverne. Les respirations de celui-ci, et les mouvements de la charette étaient apaisants. Nous ne devions plus être très loin du royaume, et mis à part ce boucan d'enfer appelé Yuz, les environs étaient calmes. Je me calai alors contre la patte de l'animal, l'enserrant de mes bras. Si je pouvais faire d'une pierre deux coups, alors pourquoi hésiter. Je me concentrais alors sur ses battements de cœur, et tandis qu'une fine lumière s'échappait de mes mains pour l'apaiser, je m'endormis à mon tour.
Une soudaine bosse me réveilla en sursaut. Je regardais autour de moi et vit que nous étions en train d'entrer dans la cour du palais. Je me mit à bailler et me tournai vers la Wyverne pour vérifier son état. Il avait l'air d'aller bien pour le moment, et dormais toujours. Je couvrait correctement sa tête du drap, afin de le cacher des curieux. À peine les chevaux étaient-ils arrêtés, qu'une ribambelle de domestiques nous entouraient pour nous accueillir. Je grognait en direction de ceux qui se révélaient trop inquisiteurs à mon goût et descendit de la charette, suivit de Yuz. Il se mit à détacher les liens de son côté et je fit de même. Nos trois acolytes descendirent de cheval, en nous demandant de se dépêcher. Je levais les yeux aux ciels en gromelant. C'est bien beau de parler, mais pour participer y'a plus personne.
C'est alors que je remarquai que nous étions observés. Je tournai la tête en direction du château et aperçu à une fenêtre, un homme, que je ne connaissais définitivement pas. Je fronçais un peu les sourcils, contrarié. S'il voulait observer les gens il n'avait qu'à aller au cirque. Il n'avait pas l'allure d'un nouveau domestique. Il se détourna de la fenêtre. Je claquait la langue sur mon palais et détournait la tête à mon tour. Yuz portait déjà le corps de la Wyverne, aidé d'Artur. À eux deux, ces géants pouvaient le porter avec facilité, cela semblait presque facile. Gen s'était occupée de chasser les quelques domestiques qui restaient, en faisant mine de dégainer son arme. Très efficace comme technique. Enfin, nous prîment le chemin qui donnait vers l'arrière du palace. Nous étions les seuls autorisés par le roi. Nous empruntions alors une porte en métal, protégée par un sort que Mayu dissipa. Il ouvrit la porte et les deux armoires à glaces qu'étaient Yuz et Artur passèrent avec la Wyverne sur les épaules, Gen à leur suite.
- Sa Majesté a demandé ce que l'on place la Wyverne dans la salle des Lilas, déclara Mayu en prenant la tête de la marche.
Nous le suivions sans rechigner à travers les couloirs en pierres et les détours étroits. En sentant mes battements de cœur s'accélérer, je me mit à tirer la manche d'Artur.
- Il se réveille, et il ne va pas être content, murmurais-je
Je pût apercevoir son ennui, même à travers sa tête d'ours, et il hocha la tête avant d'accélérer le pas, malgré les protestations de Yuz.
La créature agitait les pattes doucement, encore dans une sorte de transe. Bientôt, nous arrivions dans la salle des Lilas.
- Posez-le au centre, et on en a fini pour aujourd'hui, ordonna Gen
Yuz et Artur s'exécutèrent et déposèrent la masse délicatement sur le sol, au centre de la pièce, avant de reculer. Un cercle de lumière apparu sur le sol, entourant la Wyverne qui se mit à s'agiter. Je détournait le regard en soupirant.
Nous attendions que la lumière disparaisse et que la créature se soit rendormie, avant de sortir de la pièce.
- Et maintenant ? Demandais-je, morose
Mayu passa un bras autour de mes épaules.
- Ne t'inquiètes pas pour ça, va! Les guérisseurs vont s'occuper de lui; il soupira, tout ça pour une aile cassée ! Qu'est-ce qu'on ferait pas pour faire plaisir au roi, franchement!
Je repoussais son bras en gromelant.
- C'est ton bras qui va finir cassé si tu continues.
Il se mit à rire et s'éloigna.
- Pour ma part, je vais aller profiter d'un bon bain ! N'oubliez pas que le roi nous à donné rendez-vous ce soir! À la revoyure !
Il nous tourna le dos et nous salua de la main, s'en allant en sifflotant.
Yuz était déjà parti en direction des cuisines, probablement à la recherche d'un porc à dévorer. Gen nous salua, Artur et moi, avant de s'en aller, elle aussi. Je restais donc planté au milieu du couloir avec ce bon vieux Artur. Je dut me casser le cou pour pouvoir le regarder.
- J'imagine que tu dois t'en aller aussi?
Il hocha la tête et me répondit d'un petit grognement.
- Tu vas aller dans les jardins? Demandais-je.
Nouveau grognement approbateur. Voilà enfin quelqu'un d'agréable.
- Compris, amuse toi bien, lui dis-je simplement, en lui tournant le dos.
Il me saisit le col gentiment et me souleva, de sorte à m'élever face à lui, mais je fus tout de même surpris par la force soudaine. Il n'était pas un ours pour rien. Je le regardais en haussant un sourcil. Il me pointa la porte de la salle des Lilas du doigt, en me regardant. Je soupirai en me frottant la nuque.
- Je sais bien qu'il ne lui feront rien, ils n'oseraient pas, crois moi, lui avouai-je alors.
Il jetta un coup d'œil à la porte et je me mit à lui tapoter le bras.
- Au quel cas, on s'occupera d'eux, d'accord ?
Il sembla prit dans une intense réflexion durant à peine quelques secondes et hocha la tête vivement. Il me reposa doucement sur le sol. Je le remerciai.
- Aller, va t'occuper de tes plantes et arrête de te morfondre pour ça, tu vas te faire des rides.
Il hocha la tête et me salua avant de s'en aller de son côté. Je regardais son dos, jusqu'à voir sa silhouette disparaître au premier tournant du couloir. Je soupirai et posait mon regard sur la porte, face à moi. Après quelques minutes de réflexion, je secouai la tête et reprenais mon chemin. Je me faisais probablement du soucis pour rien.

Tᚺᛖ ᚺᛖᚨᚱᛏ ᚲᛖᛖᛈᛖᚱ The Heart KeeperOù les histoires vivent. Découvrez maintenant