Chapitre 10 : TIC-TAC Tic-Tac tic-tac ...

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Ça faisait bien longtemps que je n'avais pas paniqué autant à l'idée d'aller à l'école. Cette boule qui m'enserre la gorge et m'oppresse quand je respire, est-ce que je la dois à un contrôle ? Bien-sûr que non ! Si je suis si inquiète c'est parce que Lydie ne m'a pas répondu du week-end, malgré mes nombreux appels. J'étais tellement désespérée que j'ai failli appeler son frère, grand mal m'en prenne. Heureusement je me suis ressaisie et j'ai décidé de lui parler quand je la verrai aujourd'hui. En général Lydie pardonne assez facilement (si on se met à genoux) pourtant j'ai un mauvais pressentiment. Je resserre ma poigne autour de la barre du bus et guette l'arrêt de mon lycée. J'ai juste le temps d'apercevoir une espèce de corneille fendre vers la vitre du bus avant me retrouver projetée vers l'avant alors que le chauffeur pile. Décidemment, je n'aime déjà pas particulièrement les lundis, mais si je dois en plus croiser la route d'oiseaux suicidaires je vais finir par me décider à rester chez moi !

Une pensée me traverse l'esprit alors que je marche vers ma première salle de cours. Peut-être que Lydie est malade et qu'elle a dormi tout dimanche. J'aurais dû appeler Marc, ça m'aurait évité tous ces traquas. Plus qu'un couloir qu'éclaire à peine la lumière de ce ciel gris et je serai fixée. Mes pas résonnent tel le tic-tac d'un métronome à mesure que je me rapproche de la porte. Je pénètre enfin dans cette salle sombre illuminée par des néons grésillant. Un rapide coup d'œil me permet de repérer Lydie qui est arrivée en avance pour travailler comme à son habitude. Je me dirige vers elle, en prenant une grande aspiration qui gonfle mes poumons avec l'air encore froid de la salle – courtoisie des vieux lycées aux bâtiments historiques.

- Salut Lydie, est-ce que ça va ? je prends une chaise à la table voisine de la sienne pour m'assoir à côté d'elle.

- Sarah ! Dis donc tu es plus tôt que d'habitude, me dit-elle en souriant.

- Euh oui, en fait j'espérais avoir le temps de te parler de vendredi dernier. Tu sais vu que je ne t'ai pas vu partir.

- Oh ? Je ne t'ai pas prévenu ? Je suis rentrée avec Jérémy relativement tôt, j'étais un peu fatiguée.

- Et ça va mieux ? Tout va bien avec Jérémy ?

- Evidemment ! me répond-elle en affichant un grand sourire Colgate tout en tapotant le bout de son stylo sur le bord de sa table.

Le claquement du plastique contre le bois produit un rythme effréné. Il est temps que je la laisse se replonger dans ses manuels...

- D'accord, tant mieux alors. Tu veux que je te laisse travailler et on mange ensemble ce midi hein ?

- Bien-sûr comme d'habitude.

- Oui, comme d'habitude.

J'ai ensuite passé les deux heures de philosophie à me demander si cette conversation s'était bien passée ou non. Puis les deux heures de maths à me demander si je devais me réjouir du fait que je n'ai même pas eu à supplier Lydie de me pardonner. Avant la pause du midi, j'en suis arrivée à la conclusion qu'il y avait quelque chose de bizarre avec Lydie mais que j'aviserai au fur et à mesure. Le reste de la journée s'est déroulée de la même façon. Lydie m'a fait la conversation en souriant encore plus que d'habitude, elle a râlé à cause du bruit dans le CDI et a passé la pause de 16 heures dans les bras de Jérémy pendant que je discutais avec Alex et ses amis. Comme d'habitude quoi. Alors pourquoi j'ai ce sentiment bizarre ? Peut-être parce que Lydie ne fait rien gratuitement, pourquoi ne me râle-t-elle pas dessus alors qu'elle a un bon prétexte pour le faire. C'est comme si elle avait oublié vendredi soir. Elle sourit tellement que j'ai peur qu'elle ne se fasse mal aux masséters.

Cette journée au lycée c'était comme se retrouver dans une dimension parallèle où Lydie serait la même mais pas tout à fait, comme s'il y avait un toute petite différence imperceptible à l'œil nu mais que ça perturbait tout le tableau. C'est sûrement pour ça que je trouve ça aussi flippant. Alex pense que je sur-analyse la situation. Mais je connais Lydie et elle n'est pas du genre à garder ce qu'elle pense pour elle. J'ai un peu peur qu'elle soit en train d'intérioriser ce qu'elle ressent. Si c'est le cas, j'espère ne pas être en première ligne au moment où elle explosera. Parce que ce n'est pas une question de « si » mais bien de « quand ». Et je peux déjà vous dire que ça va faire des dégâts. Le compte-à-rebours est enclenché mais peut-être que je peux désarmer la bombe Lydie ? Ou alors je devrais écouter Alex et la laisser tranquille. Après tout c'est à elle de choisir comment elle veut gérer la situation. Et puis je lui dois bien ça...

Sacrés amis, sacré pari !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant