Chapitre 19: Bonnes vacances !

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On pourrait penser que quatre heures de route me donneraient tout le temps nécessaire pour réfléchir aux événements de la veille et à ce qu'ils impliquent. Mais en réalité j'ai dormi comme un chat étendu au soleil – mis à part qu'il fait moins deux degrés en dehors de notre vieux break blanc qui prend toujours les virages et les nids de poule comme dans sa prime jeunesse. Cela dit, ce ne sont pas les chemins cahoteux de campagne qui m'ont réveillée mais mes deux parents alors que nous franchissons le portail de la maison de mes grands-parents paternels.

En descendant de la voiture je vacille légèrement sur mes appuis – tel un girafon à peine né – éblouie par la lumière d'un ciel sans nuage. Les feuilles déjà glacées crissent sous mes pieds et un petit nuage de buée se forme à chacune de mes expirations. Cadeaux par milliers sous les bras, nous sommes chaleureusement accueillis par ma grand-mère qui elle a une bouteille de pommeau à la main. Rapidement je suis engloutie par la masse de mes jeunes cousins et cousines ; notre propre petite tribu qui court et fait du bruit à travers toute la maison. Entre les embrassades à droite à gauche et le charivari ambiant, je mets quelques temps à atteindre le salon où je peux enfin déposer mes affaires et les paquets. Je prends alors le temps de m'imprégner de l'endroit, de ses bruits et de ses odeurs. La route entre Nantes et le Havre (qui est la grande ville la plus proche de là où je me trouve actuellement) étant plutôt longue j'ai rarement l'occasion de venir ici plus de deux fois par an et encore moins avec toute la famille réunie. La règle pour Noël du côté de ma famille paternelle c'est que d'une année à l'autre on change le foyer qui accueille tout le reste de la famille. Du moins dans la mesure du possible étant donné la taille de ladite famille. Et ça fait des années que cela fonctionne et qu'on tourne de maisons en maisons, une année on s'est même retrouvés chez mes grands-parents maternels. Ce qui était plutôt exceptionnel vu qu'ils habitent à la Réunion. Ce fut le seul Noël de ma courte existence où j'ai pris un coup de soleil.

Il semblerait que notre arrivée ait interrompue l'apéro – il n'est pourtant que 17 heures – mais les adultes s'empressent d'y retourner après nous avoir aidé à vider la voiture. Je me joins à eux et essaie tant bien que mal de communiquer dans ce joyeux capharnaüm. Au milieu de bribes de conversations j'apprends que ma tante Sophia a décidé de changer de travail et a donc démissionné de son poste avant-hier, que le mari de la sœur de mon père s'est enfin mis au yoga depuis sa dernière conversation avec ma mère et que ma grand-mère a réussi à forcer mon papy à réessayer de passé son permis. Les grands font tellement de bruit qu'on n'entend pas les petits. Je décide donc d'aller vérifier que mes cousins ne font pas de bêtises. Une fois hors du salon, j'hésite quand à la direction à prendre pour les retrouver. Il fait bien trop froid pour jouer dehors, mais avec eux on ne sait jamais. Autant vérifier l'étage avant de m'aventurer dehors par un temps pareil.

A part le grincement du vieil escalier en bois, je n'entends pas un son. Après avoir essayé une ou deux des chambres je finis par les retrouver tous calmement assis en cercle sur la moquette autour d'un jeu de société. Rassurée, je décide de défaire mes affaires et de m'installer dans une des chambres encore libres. C'est seulement à ce moment, que je me décide à brancher mon portable à son chargeur afin de le rallumer. Alors que l'animation qui s'affiche à l'écran au démarrage commence à défiler, je fais un rapide bilan de la soirée de la veille : on est allés au concert, Tom m'a embrassée, Lydie était éméchée et Marc plus qu'énervé. Et Alexandre dans tout ça ? Je ne l'ai même pas vu avant de partir. Et, voila le moment des notifications est arrivé. Une, deux, trois, sept ?! Quatre messages et trois notifications Facebook ; ça pourrait être pire.

J'ouvre ma messagerie pour voir s'afficher trois messages de Lydie. Jusque là rien de surprenant: "Oh. Mon. Dieu. Sarah, ne me laisse plus jamais toucher à une goûte d'alcool. J'ai l'impression qu'on utilise un marteau-piqueur dans ma tête. Heureusement que mes parents sont partis à une de leurs conférences, parce que je ne sais pas si j'aurais pu leur cacher mon état. Si j'en crois Marc j'étais dans un état IN.AD.MI.SSIBLE hier soir... Si seulement il pouvait éviter de crier quand il me fait la leçon, peut-être que j'aurais moins mal au crâne." puis, "Oh. Mon. Dieu. Mais Sarah. Je viens de me souvenir, tu as embrassé Tom hier ! Est-ce que vous êtes ensembles ?" et enfin "Réponds-moi Sarah! Comment tu peux me cacher un truc pareil, je suis censée être la première au courant. Or, même mon frère a l'air d'en savoir plus que moi !" Qu'est-ce qu'elle a l'air d'entendre par Marc "a l'air d'en savoir plus" ? Pourquoi est-ce qu'il parlerait de ça avec sa soeur ? Et qu'est-ce qu'il sait d'ailleurs ? Mais qu'est-ce qu'ils s'imaginent tous les deux. Comment ils peuvent parler d'une relation entre Tom et moi alors que je ne suis même pas au courant d'un quelconque statut entre nous. Qu'est-ce que je réponds à ça. Je crains encore plus le dernier message qui s'avère venir de Tom lui-même. Je ferai mieux d'aller voir ... "Salut Sarah :) C'était génial hier soir. Tu crois qu'on pourrait se voir aujourd'hui ?" Tout compte fait j'aurais peut-être mieux fait de laisser mon portable à la maison. Ou au moins ne pas le recharger avant Noël.

- Ma chérie, qu'est-ce que tu fais toute seule dans ton coin ? me demande mon papy en passant sa tête par l'entrebâillement de la porte.

- Je réfléchissais juste à un problème.

- Quel genre de problème ? Rassure-moi tu ne fais pas partie d'un gang. Aux informations, on raconte que c'est une chose courante chez les jeunes de nos jours.

- Non papy. Tu n'as pas de soucis à te faire de ce côté.

- Tant mieux, mais sache que si tu cherches un endroit où te cacher tu pourras toujours venir ici ma chérie.

- J'y penserai, mais je ne suis pas sûre que rester cachée résolve mes problèmes.

- Mais qu'est-ce que tu es sage. On dirait bien que de nous deux c'est toi l'adulte. Bon alors si ce n'est pas la drogue qu'est-ce que c'est le problème. Un garçon ?

- Euh ...

- Deux garçons alors ?

- Papy !

- Héhé ! Je veux seulement t'aider. Si tu ne veux pas en parler, peut-être que de descendre manger t'aidera à résoudre tes problèmes. Ça a toujours marché pour moi. Et puis on a sorti le champagne, ça aussi ça peut aider !

J'éclate franchement de rire cette fois-ci, alors que je l'entends s'éloigner dans le couloir. Finalement, il n'est pas si loin du compte. Entre Tom et Marc je me suis mise dans un joli embrouillamini...

Faute de répondre à mes deux amis, j'envoie un message à Alex avant de quitter la chambre: "Hey buddy! Je ne t'ai pas vu avant de partir hier soir, j'imagine que tu étais trop occupé à roucouler avec une jolie fille un peu plus loin. En tous cas, merci pour la soirée. C'était vraiment sympa." Alors que je descends à mon tour les escaliers, sur les traces de mon papy, j'entends le bip caractéristique d'un nouveau message. "De rien Frédéric. Tout le plaisir était pour moi. Et figure-toi que j'étais en fait aux premières loges pour assister à ton roulage de pelles avec mon pote, puis à ton engueulade avec ton crush obsessionnel. Je suis fière de toi. You go girl!"

- Qu'est-ce qui t'arrive ma puce ? Tu es rouge écrevisse, me demande ma mère alors que j'entre dans la salle où tout le monde semble déjà attablé.

- Oh rien, il faisait juste chaud là-haut, je réponds avant de m'asseoir rapidement pour échapper aux regards que me jette ma famille.

Petit à petit, le brouhaha ambiant reprend et je peux enfin me faire oublier. Les plats s'enchaînent au cours du traditionnel repas familial qui dure plus de trois heures, mais j'ai du mal à avaler grand chose. La réponse d'Alex ne devrait pas me gêner autant. On passe notre temps à nous charrier. Pourtant, je ne m'attendais pas à cette réponse de sa part et j'ai du mal à savoir sur quel ton le prendre. Maintenant, je ne sais quoi répondre à aucun de mes trois amis. Me voilà bien avancée.

Sacrés amis, sacré pari !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant