Lorsque vous voyagez en train, vous rencontrez trois types de personnes. Les premiers s'isolent dans leur bulle, s'occupent de toutes les façons possibles et n'émergent qu'à l'arrivée en gare. Les seconds consacrent d'avantage leur temps à l'observation du paysage. Ils regardent la voie sur laquelle le train roule, ce vers quoi il se dirige. Ils savent où ils vont, quand et comment. Et puis, il y a un troisième et dernier type de voyageurs, beaucoup plus nostalgiques. Ces gens-là regardent le paysage défiler sous leurs yeux, disparaître à toute vitesse. Ils observent ce qui est perdu, ce qui est fuit et laissé derrière. J'ai le terrible regret de vous annoncer que j'appartiens à cette troisième catégorie de passagers.
Depuis trois heures, je regarde les terres qui s'évanouissent après le passage du train. Je suis déçue de ne pas pouvoir regarder plus longtemps cette grande bâtisse qui surprend les champs, ou encore ce moulin dont les ailes tournent lentement. Le train suit sa voie ; plus que quelques heures et il arrivera en gare de Falador-sur-mer. J'ai fait ce trajet des centaines de fois. Pourtant, c'est la première fois cette année. En m'installant à Paris, j'avais promis à mes parents de venir les voir régulièrement et puis, avec mes examens, mes activités, mes sorties... Je ne suis pas revenue ici depuis le mois de décembre, à l'occasion des fêtes de fin d'années. Pour me faire pardonner, j'ai mis de côté tous mes projets de vacances et je me suis engagée à venir travailler dans l'hôtel familial. Pendant la saison chaude, mon aide ne leur sera pas de trop ! Vous savez maintenant comment je me suis retrouvée là, à poireauter sur le quai de Falador-sur-mer (en plein soleil), le vendredi 2 juillet à dix-sept heures quarante-cinq.
Après vingt bonnes minutes d'attente, j'entends enfin la voix de ma soeur qui hurle mon nom depuis l'autre bout du quai. « Misa ! Miiiiiisa ! Hé ho ! » Toujours aussi discrète celle-là... J'empoigne ma valise, remets mon sac sur mon épaule et vais à sa rencontre. Depuis la fête du Nouvel An, elle a bien changé ! Elle a décoloré ses longs cheveux et porte un rouge à lèvres rose vif. Où est donc passée ma petite Lola, haute comme trois pommes ? Nous nous étreignons, tous sourire.
« _ Toujours aussi ponctuelle la demoiselle, je lui dis en rigolant.
«_ Maman m'a dit que ton train arrivait à dix-huit heures ! », me répond-elle d'un air surpris.
Je lève les yeux au ciel. Même si mon train était arrivé à dix-huit heures, elle n'aurait pas été à l'heure pour m'accueillir.
Pour se faire pardonner, Lola prend mes bagages. Nous marchons pendant vingt minutes jusqu'à l'hôtel familial. En chemin, je suis heureuse de reconnaître tous les lieux de mon enfance. La maison des Belaygue, l'office de tourisme, le restaurant des Saint-Germain et, enfin, la plage de Falador. Je la connais par coeur. C'est là que j'ai appris à nager, là que j'ai pris mes premières leçons de surf et là que je voyais mes amis le soir, lorsque j'étais au lycée. J'ai même eu mon premier baiser sur cette plage, en seconde. Finalement, nous arrivons rue des lavandières. Devant moi se dresse l'immense bâtisse du Bronze Resort Hotel, l'établissement familial.
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Un été au Bronze Hotel
Genel KurguMisa a promis d'aider ses parents à l'hôtel familial. Mais depuis qu'elle a quitté la région pour ses études, beaucoup de choses ont changé... Arrivera-t-elle à retrouver ses marques au Bronze Hotel ? Parviendra-t-elle à se frayer une place dans l'e...