Nikolaï

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- C'est d'ailleurs pour cela, que Nikolaï vous accompagnera à Noctisia! S'exclama t-il, trop, joyeusement.
- D'accord.

Deux. C'était exactement le nombre d'yeux que possédait Yuz. Et le même nombre qu'il allait en perdre s'il n'arrêtait pas de rire comme un goret dans la seconde qui suit. Je tournais un regard indigné vers le roi en tirant sa manche discrètement. Il l'ignorait, un sourire aux lèvres. Mais c'est qu'il semblait fier de lui, par dessus le marché ! Et l'autre grande tour qui avait accepté !  Je regardais alors Mayu et Gen à la recherche de soutien. Il haussa les épaules en souriant et Gen se contenta de soupirer. Je tournais alors la tête vers Artur, la seule personne dotée de raison de cette tablée. Il me regarda avec compassion et me tapota le dos.
- Mon roi, je ne suis pas sûr que-
- Veuillez excusez mon impolitesse, mais je dois, malheureusement, m'éclipser! Me coupa alors le roi.
Il se leva et salua ses invités gracieusement, comme il en avait l'habitude. Invités qui l'excusèrent. Il se mit donc en marche, marchant légèrement jusqu'à la sortie, comme si de rien n'était. Comme si de rien n'était ! Je me levais à mon tour, ne prenant même pas la peine de saluer les personnes autour de la table, et m'élançait  à sa suite, à la recherche d'explications. Il continua sa route sans daigner me jeter un regard. Des gardes nous ouvrirent la porte et nous quittions précipitamment la salle. Je le suivais alors jusqu'à ses appartements, le noyant de questions et de réflexions, sans obtenir une quelconque réponse.
Il entra dans ses quartiers et je fis de même, refermant la porte derrière nous.
- Comment ça "Nikolaï vous accompagnera à Noctisia" ! M'exclamai-je alors.
- Tu es bien vif aujourd'hui, peut-être que tu aurais dû soigner la Wyverne toi-même, finalement, me répondit-il.
- C'est hilarant, vraiment ! Mais rassurez moi, à table, c'était une blague, n'est-ce pas...?
Il ne répondit pas et se contenta de me répondre par un sourire malicieux, tandis qu'il retirait sa cape, afin de la déposer sur son lit.
- Vous n'allez, tout de même pas, m'envoyer là-bas !
- Et pourquoi dont?
Je le regardais, il paraissait évident que je n'allais pas accompagner ce groupe jusqu'à Noctisia !
- Nikolaï, tu pourrais être utile et puis je dois m'assurer d'obtenir une réponse de la part de Grim. Tu pourras essayer de le convaincre, toi aussi.
- Ils sont grands, ils peuvent se débrouiller tout seuls, non ? Et les lettres existent, vous savez!
Il s'installa à son bureau calmement.
- Vous auriez pu très bien envoyer quelqu'un d'autre !
- Yuz est trop impulsif, j'ai besoin de Mayu ici, Gen abandonnerait ces pauvres hommes à la première occasion et franchement, tu vois Artur essayer de convaincre un roi avec ses mots ? 
Il n'avait pas tort sur ce point, je me tut.
- Et je n'ai pas confiance en quelqu'un d'autre pour le faire. J'ai besoin que tu le fasses, c'est tout, déclara t-il sévèrement.
Je soupirais, contrarié.
- Et puis tu connais les environs, tu leur éviteras de traverser les Terres Froides, et s'ils deviennent des glaçons géants, je considérerais que ce sera ta faute. Compris?
Je gromelais, m'empêchant de dire quelque chose que je pourrais regretter.
- Je te demande si tu as compris, Nikolaï.
Je hochais la tête.
- Bien, maintenant, tu peux y aller.
Alors que j'allais ouvrir la bouche afin de protester de nouveau, on toqua à la porte. Je regardais donc celle-ci, mécontent d'être dérangé dans notre conversation.
- Arrête donc de grogner face à cette porte tel un chien, et va plutôt l'ouvrir, me fit remarquer mon roi.
Je me dirigeais donc vers ce maudit bout de bois et l'ouvrit d'un coup sec, toujours tourné vers le dirigeant.
- Content ?! M'exclamai-je, agacé.
- Nikolaï, surveille ton langage face aux invités, je te prie.
Je me tournais donc vers l'entrée, découvrant cette grande perche qu'était le commandant des envoyés de Noctisia. Il parut surpris d'avoir été accueilli de la sorte. Grand bien lui fasse. Je me tournais vers le roi, attendant ses instructions.
- Quoi qu'il en soit, je ne reviendrai pas sur ma décision, Nikolaï, souviens toi de ça. Et ferme la porte en sortant.
Je m'inclinai  pour le saluer et m'écartai  pour laisser passer le commandant, du nom d'Itami, selon mon souvenir. Je lui jetais un regard en coin avant de sortir en grognant, claquant la porte derrière moi.

Je devais probablement dégager une véritable joie et bonne humeur puisque les regards des domestiques se tournaient vers moi lorsque je passais. Et lorsque je rencontrais Gen au détour d'un couloir, celle-ci m'en fit la remarque. Je lui répondait du fond du cœur, l'envoyant se faire voir,  et partait me changer les idées dans les allées de la cour arrière.
Envoyant les cailloux valser de coups de pieds, je marchais dans l'allée qui séparait la demeure des alchimistes royaux et les réserves. La nuit était déjà tombée et seule la lumière d'une petite lanterne à huile que je tenais en main m'éclairait la voie. Je pensais croiser quelqu'un à cette heure-ci, mais c'était agréablement calme par ici. Alors que je descendait les marches jusqu'aux jardins, j'aperçus la silhouette méconnaissable d'Artur, malgré le fait que celui-ci soit accroupi.
Je m'approchais et ce fut, sans surprise, que je le vis s'occuper de ses plantes adorées. Il se tourna vers moi quelques instants avant de reprendre son activité. Je m'assit à ses côtés pour le regarder faire. Je ne prit pas la peine d'identifier les fleurs dont il s'occupait et l'observait simplement, s'occuper de ses trésors.
- Qu'as dit le roi? Demanda t-il simplement.
Je haussais  les épaules en gromelant.
- Que c'était sa décision et qu'il ne reviendrais pas dessus et tout ce bouquet garni de conneries, lui répondis-je.
Il répondit par un éternel grognement.
- Qu'ont-ils fait de la wyverne? Demandais-je.
- Ils l'ont soigné et ils attendent de pouvoir la relâcher demain.
Je hochais la tête avant de regarder le ciel sombre.
- Tu vois, il n'y avait pas à s'en faire finalement, lui soufflai-je.
Il haussait les épaules de façon nonchalante.
- Je sais bien que tu t'inquiètais, mais t'en as plus besoin maintenant.
Un silence me répondit.
- Dis... Tu les trouves comment ces envoyés de Noctisia ?
J'étais plutôt curieux de connaître son avis. Et le grognement qu'il me légua me suffit amplement.
- Je vois...
Je soupirais avant de me relever. Je lui tapotais l'épaule, et lui laissais ma lanterne.
- Tu ferais mieux de ne pas trop t'attarder ici, ou Mayu va encore râler.
Il ne répondit pas, et je ne le relevais pas. Il n'était pas vraiment quelqu'un des plus parlants, lui parler pouvait parfois s'avérer aussi utile que de mettre le feu à de l'eau. Je lui tournais le dos, reprenant le chemin du palais en silence.

La vue depuis le balcon de ma chambre n'était pas des plus extraordinaires. Mais je ne m'en plaignais pas. Au moins j'en avais une, de vue. Appuyé sur la balustrade j'observais les quelques marchands s'attarder dans les rues, avant de rentrer chez eux. Grimeris n'était pas un endroit très agité, mais il arrivait parfois que les rues soient bondées durant les festivals et les évènements. Je gromelais en me rappelant que la fête des hellébores serait dans deux jours. Il y aurait du monde et de la musique à gogo dans les rues. Youhou, qu'est-ce que l'on est enthousiastes. J'entendis le bruit d'une porte que l'on ouvrais et refermais, au dessus de moi. Je relevais la tête vers le balcon au dessus de ma tête. Apparut alors, à ma plus grande joie, la tête d'Itami par dessus la balustrade.
- Non mais c'est pas vrai...! M'exclamais-je, aussitôt avec regret.
Il baissa la tête vers moi, apparemment surpris.
- Oh... Bonsoir?
Bonsoir, je vais t'en foutre des bonsoirs moi.
- Je m'excuse si j'ai pu faire quelque chose qui vous ai déplu, tout à l'heure, dit-il calmement.
Je m'éloignais de la balustrade en jurant silencieusement.
- Ce n'était en aucun cas, une intention volontaire, continua t-il.
Je m'appuyai alors  contre l'encadrement de la porte, l'écoutant déblatérer ses bêtises. Au bout d'un long monologue, il s'arrêta. Je l'entendis soupirer et rouvrir la porte jusqu'à sa chambre.
- Bonne nuit, Nikolaï.
Et la porte se referma.
Je claquais la langue sur mon palais avant de moi-même rentrer dans ma chambre. Me défaisant de mon manteau, que je posais sur le bout du lit, je m'installai sur celui-ci en soupirant.
- C'est ça, "bonne nuit", ouais... Tch...
Je m'allongeai alors  sur le dos et fermais les yeux.

Tᚺᛖ ᚺᛖᚨᚱᛏ ᚲᛖᛖᛈᛖᚱ The Heart KeeperOù les histoires vivent. Découvrez maintenant