Prologue :
Je m'appelle Elin Adam, j'ai dix-sept ans, et juste avant mon année de terminale, mes parents ont décidé de déménager définitivement aux États-Unis pour le travail de mon père. Ce n'est pas une mutation temporaire, mais un départ sans retour. Cela ne me pose aucun problème, d'autant que je ne me suis attachée à rien de ce que j'ai connu en France ces dernières années. Ni la famille, ni les quelques amis que j'ai, ni l'atmosphère... Rien ne va me manquer. Ce n'est pas la première fois que je change de pays, et cette fois-ci ne me semble pas différente. Rien ne me retient, rien ne me retient jamais... J'ai oublié beaucoup de choses, seules des images floues me reviennent. Mais comment savoir si elles m'appartiennent vraiment ? Comment être sûre que ces souvenirs ne sont pas une illusion, comme celles que s'inventent tant d'enfants ou même d'adultes pour combler un vide ?
J'ai beau essayer, rien ne me revient d'avant mes douze ou treize ans.
Cela ne me dérange pas vraiment. Rien ne me dérange.
J'ai tenté de me montrer plus vivante. Mais à quoi bon ? Il me manque quelque chose, quelque chose que je sais pourtant être en moi... Comment l'atteindre, le trouver, le récupérer ? Je n'en ai aucune idée.
Je me sens vidée, et je n'arrive pas à réapprendre à ressentir. Comme si un blocage psychologique m'empêchait d'éprouver des émotions, de m'exprimer, de trouver ma place dans ce monde.
Il n'y a personne à qui poser des questions, personne pour y répondre... Mes parents le pourraient peut-être, mais ils ne sont presque jamais là. Et même, comment leur en parler ? J'ai déjà essayé, mais je ne sais même plus ce qui s'est passé ensuite.
Il y a tant de choses que je ne comprends pas sur moi, sur mes parents, sur la vie... Des phénomènes étranges m'arrivent de plus en plus souvent, et le pire, c'est que j'ai l'impression que c'est moi qui les provoque. Je fais des rêves bizarres, où je suis une enfant, heureuse. Il y a un homme, toujours avec moi... À chaque fois, j'essaie de retenir un détail sur lui, son visage, un indice sur qui il pourrait être. Mais rien ne reste. Peut-être que je devrais arrêter de me tourmenter avec ça. Ce ne sont que des caprices d'enfant, une manière inconsciente de combler des attentes irréalisables, de s'inventer une vie.
Je terminais de lire mon chapitre et marquais ma page avec une vieille carte postale de ma mère. Ma tante m'avait accompagnée à l'aéroport et m'aida à trouver mon vol.
Avant de partir, elle m'enlaça et m'embrassa sur la joue, me faisant promettre de prendre soin de moi et de toujours rester sur mes gardes. Je n'ai pas très bien compris, mais visiblement, elle ne parlait pas de mes parents ni du voyage. Elle faisait allusion à autre chose... Peut-être n'était-ce qu'un excès d'inquiétude de ma part. À quelques mètres de la sortie, elle se retourna et m'interpella :
« Je t'en prie, Elin, essaie de te souvenir ! » Puis elle s'éloigna sans rien ajouter.
De quoi voulait-elle parler ? De quoi devais-je me souvenir ? Peut-être que j'ai mal compris... Oui, sûrement. Elle voulait sans doute simplement que je ne l'oublie pas.
Je rouvris mon livre et me remis à lire en marchant, évitant les passants pressés. Finalement, j'arrivai au quai d'embarquement, où la dernière chose que je lus fut une petite note écrite ni par ma mère, ni par mon père, mais qui resta gravée dans ma mémoire :
PS : « Si les sentiments étaient des plantes, ils grandiraient en fonction de l'eau qu'on y verse. »
CHAPITRE 1 :
J'étais arrivée en Idaho il y a deux ou trois jours, où mes parents avaient acquis une vaste demeure, bâtie selon les plans conçus par ma mère, architecte. J'étais ravie d'avoir une maison comme celle-ci, mais pour être honnête, elle était plantée en plein milieu d'une forêt, isolée de tout. Pour rejoindre la ville la plus proche, il fallait au moins une vingtaine de minutes en voiture.
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Three Single Words
WerewolfCe monde a toujours été instable, mais en arrivant aux États-Unis, Elin réalise qu'elle n'a jamais vraiment trouvé sa place. Ce qu'elle considérait comme ordinaire n'était en réalité qu'un voile dissimulant une réalité bien plus complexe. En effet...