Tᚺᛖ ᚺᛖᚨᚱᛏ ᚲᛖᛖᛈᛖᚱ The Heart Keeper

Nikolaï

Les bras chargés de caisses, nous étions en train de nous frayer un passage à travers les rues, d'ors et déjà, bondées de ce début de journée.
Malgré ce qu'elles contenaient, c'est qu'elles étaient lourdes ces conneries ! À l'aide de mon genou, j'essayais de remonter la mienne pour arranger ma prise dessus. Yuz le remarqua du coin de l'œil et se mit à rire.
- Ferme-la, c'est pas parce que tu portes une caisse de plus que tu mérites plus de respect, lui lançais-je.
- Ce n'est, tout de même, pas de ma faute si tes bras sont aussi épais que des brindilles!
Je grognais en sa direction.
- Moi, au moins, j'ai pas à ramasser le gras de mon ventre quand il touche le sol.
Il rit de nouveau et posa les deux caisse qu'il portait sur ses épaules, se pavanant devant moi. Je vis les épaules d'Artur, ayant suivi la scène derrière nous, s'affaisser de désolation, malgré les trois caisses qu'il portait. Il s'approchait de moi et se penchait.
- Tu veux que je porte ta caisse ? Me chuchota t-il.
Mais allez tous vous faire voir, et arrêtez de vous foutre de moi un peu.
Une veine palpitante au niveau de la tempe, je serrais les dents pour éviter de lui balancer une remarque cinglante et secouait simplement la tête. Non, je n'avais pas besoin d'aide. Non, je n'avais pas besoin que l'on me porte non plus. Et non, je n'avais pas besoin de Wyverne. Attendez, quoi?
Devant nous, les habitants s'agitaient, certains se mettant à crier. Je levais le regard vers le ciel, et je vit planer en cercle au dessus de nous une forme gigantesque, qui nous hurlait aux oreilles. La Wyverne d'hier! Ils avaient dû la libérer, mais apparemment ça ne s'était pas passé comme prévu. Alors que la panique envahissait les rues, nous déposions nos caisses sur le côté, afin de rejoindre la place principale en courant. La magie l'ayant probablement fatiguée, la Wyverne ne se trouvait qu'à quelques mètres du sol, volant irrégulièrement et zigzaguant dangereusement vers celui-ci. Ses grandes ailes rasaient parfois le sol, renversant les étals des marchands, sur les pavés des rues. Nous chassions en priorité les habitants de la place, afin d'avoir la voie libre. Plusieurs minutes plus tard, Mayu et Gen nous rejoignirent en courant eux aussi. Quelqu'un les avait prévenus, c'était une bonne chose. Mais j'aurais aimé avoir une explication pour les autres gusses de Noctisia qui les suivaient. Mais ce n'était pas le plus important en ce moment même. Je ne m'attardais pas plus longtemps sur ce détail. La Wyverne venait de s'écraser contre une petite habitation, la détruisant à moitié et emportant les matériaux en même temps. Avec Artur et Yuz, nous nous précipitions pour l'immobiliser avant qu'elle ne fasse plus de dégâts. Du coin de l'oeil, je remarquais que Mayu était en train de se mettre en place, pour jeter un sort. Alors que la Wyverne était en train de se débattre pour essayer de retirer les débris sur ses ailes, Artur et Yuz grimpèrent sur son dos avec agilité. La Wyverne se mit à s'agiter en sentant cette soudaine masse. Je courut vers la créature et m'accrochais à ses cornes pour essayer de me hisser au niveau de son cou. Mais la Wyverne ne sembla pas d'accord avec cette décision et se mit à secouer la tête frénétiquement, au point de m'en faire tomber. Je me retrouvais les fesses sur le sol et grognait avant de me relever et de me jeter sur lui dans un nouvel assaut. Je glissais cette, fois-ci, mes mains entre ses écailles afin d'avoir une meilleure accroche. Au bout de trois tentatives, je parvint à me tirer et utilisais mes pieds pour me pousser vers le haut. Une fois atterrit sur le haut de son cou, je me laissais glisser afin d'atteindre sa tête. D'un bond, je vint m'accrocher à sa gueule, passant mes bras autour, essayant de la maintenir un minimum fermée. Il ne manquerait plus que l'on se fasse transpercés par des pics de glaces! Je m'agrippais donc fermement à sa gueule, sentant les vibrations de ses grognements contre moi. J'essayais de caresser son front pour l'apaiser, sans percevoir de réels résultats, et je dut faire un effort monstrueux pour rester, ne serait-ce, qu'accroché. Je jurais et essayais de voir ce que faisaient les autres, sans pour autant relâcher la prise, presque allongé sur sa tête. Les hommes de Noctisia s'étaient, enfin, décidés d'agir et maintenaient les ailes et les pattes de la Wyverne au sol. Je ne parvenais pas à entendre ce que récitais exactement Mayu, mais je voyais qu'il bougeait ses mains et ses lèvres avec agitation. Cette scène ne dura que quelques minutes, mais paraissait en durer le triple. À peine Mayu avait-il fini tout son charabia, que la Wyverne cessa de bouger. Je vérifiais son état et soupirais de soulagement en sentant son poul contre ma main. Je relâchait prudemment sa gueule et me redressait en soufflant. En jettant un coup d'œil aux autres, je vit que Mayu paraissait à la fois soulagé et fatigué, Gen était à ses côtés et le maintenait debout, un bras autour de ses épaules. Yuz était déjà descendu du dos de la bête et s'étirait, l'air de rien. Artur, lui, caressait le dos de la créature en silence. Je soupirais et laissais mon dos retomber contre le front de la Wyverne en fermant les yeux. La journée ne faisait que commencer et j'étais déjà fatigué. Un attroupement de gardes arriva enfin, depuis le palais, afin de s'occuper du corps de la Wyverne.
- Besoin d'aide ?
Je rouvrit les yeux et tournait la tête, remarquant alors Itami, se tenant sur le côté.
- Pardon?
- Pour descendre, dit-il.
Est-ce que j'avais l'air d'une gonzelle en détresse ? Je ne crois pas, non.
- J'ai pas besoin d'aide.
Je m'accrochais à une écaille de la Wyverne, par simple précaution, et descendait d'un bon pour atterrir sur le sol. Il me regardait un moment avant de soupirer.
- Rien de cassé ?
Mais qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire à celui-ci, aussi! Je ne prit pas la peine de répondre et haussait les épaules avant de m'éloigner pour rejoindre Mayu et les autres.

La Wyverne avait été prise en charge par une équipe spéciale qui allait la ramener directement là où on l'avait trouvée. Après ce petit incident de matinée, Mayu était partit se reposer, et oui, la magie a un prix. Gen avait disparue et je ne l'avais plus revue, tout comme Artur, mais je supposais qu'il était partit se changer les idées dans les jardins après toute cette agitation. Il devait en être perturbé, malgré lui. Quant à Yuz, il était partit vanter ses mérites auprès de chaque personne qu'il croisait. Je m'étonnais encore aujourd'hui, de ne jamais avoir vue sa tête exploser. Ça aurait soulagé tout le monde. Et bien sûr, c'était à moi qu'était refourgué le rapport des faits au roi. Apparemment, il aurait été surpris, tout comme la plupart des personnes ici présentes, par la tournure des événements. Et il semblait plutôt content que nous ayons réagis rapidement en évacuant les habitants, et sans blesser la Wyverne. Il aurait manqué plus que ça ! Faire tout ces efforts pour au final achever la pauvre créature. Ça aurait été le pompon surtout, oui!
Apparemment, les Wyvernes n'étaient pas communes à Noctisia, au vue du nombre de questions que me posaient cette escouade d'envoyés. Ils étaient trop curieux et c'était agaçant. Mais les remettre en place n'aurait sans doutes, pas plu au roi, pas du tout. Alors je m'abstenais et les laissaient parler tout seuls. Et en plus de cela, qui devait ramener toutes ces foutues caisses que l'on avaient oubliées? Et bien, c'est moi! Génial. J'aurais pû prendre un cheval et une charrette pour les transporter plus facilement et en un seul voyage. Seul bémol, elles avaient été mobilisées pour réparer les dégâts et pour nettoyer les rues salies. Je devais donc utiliser la seule force de mes bras.
Je dû y passer la moitié de la journée. Quelle idée de faire le château aussi loin, aussi! Déposant la dernière caisse dans le hall, je m'appuyais sur celles-ci en soufflant, me faisant la remarque intérieure que je brûlerais ces damnées fleurs après la fête. Je fit mon rapport au roi, et il me confia du temps libre. Je décidais presque aussitôt de retourner dans ma chambre. Et alors que j'y rentrais, je me laissais tomber sur le lit en râlant. Maudite soit cette foutue fête.