12 | Homard et désespoir

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      Après son refus d'entrer, Flick déambule dans les rues de Maple Cove et s'admire du paysage maritime. De chaque côté de la rue, se trouve une maison aux couleurs vives, de couleurs pétillantes et aux volets tous grand ouverts. Il se dégage de chaque maisonnée une gaieté et une légèreté que le monde s'était jadis départi: le canadien ne se rappelle pas la dernière fois qu'il ait mit les pieds dans une ville si hop-la-vie.

      Son estomac gronde, il lui faut manger quelque chose. Du coup, je peux avoir faim ici. Un peu plus loin sur le boulevard se trouve une petite cantine de rue, un camion converti en resto sur le pouce. Il y commande leur spécialité, un « lobster roll », et croque dedans à pleines dents.

      Wow.

      Le curieux repas est composé d'un pain à hot dog dans lequel une mixture de mayonnaise, de chair de homard et d'oignons verts y est déposée. Ça ne goûte rien comme ce que Flick avait jadis mangé dans sa tumultueuse ville.

      Autour de lui, les civils rient, discutent de choses mondaines, échangent des sourires avec leur voisin. Il fait bon vivre ici. Il croit pouvoir s'habituer à cette tranquillité.

      Il finit son repas en moins de deux, en complément avec une généreuse portion de frites graisseuses. Au moment de quitter la scène de crime, les autres participants faisaient la file afin d'entrer à leur tour dans l'horlogerie. Il est plus brillant, se dit-il, de procéder comme au défi et d'attendre un peu. D'ici quelques heures ils y seraient tous passés et iraient dormir. C'est à ce moment que Flick brillerait: seul, il résoudrait l'énigme par lui-même, ce soir, et partirait avec le gros lot.

      Il y croit fermement. Il doit compléter ce jeu au plus sacrant.

      Mais pour l'instant, il valait mieux se reposer: la nuit serait longue.

***

      23h arrive et Flick retourne à l'horlogerie. Dans la pénombre, seules de petites lucarnes projettent leur lueur sur la petite baraque où le meurtre eut lieu. Les NPCs qui entouraient la boutique ont disparus, soit au lit ou au bar, ce qui ne laisse plus que ce cher agent McInnis pour surveiller les entrées et sortie de la scène de crime.

      À son arrivée, le jeune homme montre son badge au policier. Avant même de recevoir une réponse, il pénètre dans le commerce, cette fois sans qu'un champ de force ne lui barre le chemin.

      Il s'agit d'une petite boutique aux tons sobres et aux sons multiples. De tous bords tous côtés, des horloges produisent des cliquetis et de lourdes basculent pivotent d'un côté puis de l'autre, en parfait synchronisme avec les secondes qui s'écoulent.

      Un grand tapis jaunâtre couvre la vaste majorité du plancher de bois franc, impeccable, sans une trace ni une empreinte. Curieux, surtout sachant que seize autres pseudo-détectives avaient piétiné dessus.

      Il n'y a absolument rien de choquant ici. On ne se croit pas dans une scène de crime.

      Au fond, sur un vaste comptoir rectangulaire se trouve la caisse ainsi que quelques carnets. Il s'en approche, puis découvre les pièces à conviction dont il était à la recherche: derrière le comptoir, se trouvait un tracé de la victime en ruban blanc. Un identifiant numéroté 1, petite hutte de plastique jaune pour localiser des indices, se trouve juste à côté. L'identifiant 2 est à quelques centimètres d'une paire de lunettes qui appartenaient vraisemblablement à la victime. L'identifiant 3 est au pied du mur derrière le comptoir: une balle est logée dans le mur, de laquelle un coulis rouge a séché sur le mur.

      Il observe les alentours, ne repère pas d'autres identifiants.

      C'est tout? Trois indices?

      Que sait-il désormais? Un, que la victime est morte; deux, qu'elle portait des lunettes; trois, qu'elle est morte par balle?

      Rien d'autre? Pas même un crayon sur le comptoir qui aurait des empreintes digitales? Ou un cheveu par terre? Rien? Ils auraient placé l'un de ces identifiants sinon, il suppose.

      Enfin, cela n'a pas de sens. Faulkner lui-même lui avait bien dit que chaque détail compte, cela s'applique-t-il ici aussi?

      Agité, il bouge de façon erratique dans le magasin, cherchant un indice qui serait demeuré caché tout ce temps. Impossible qu'il parvienne à résoudre le meurtre avec aussi peu de détails.

      Ouvre la porte d'une horloge grand-père. Relève les coins du tapis pour voir s'il s'y cachait une trappe secrète. Inspecte le comptoir méticuleusement à la recherche d'un poil quelconque. Trouve du ruban adhésif: en colle sur la poignée de porte pour tenter de déceler une empreinte. Ses efforts sont vains.

      Flick soupire et s'assoit par terre, ses ambitions folles de vaincre le jeu le premier soir se volatilisent à vue d'œil. Pense, bordel, pense! Faulkner lui a dit de ne pas abandonner, mais que pouvait-il faire d'autre? La scène ne donnait aucun indice en ce qui a trait au tueur. Comment résoudre un meurtre sans indice?

      Mais sa réflexion s'arrête là. Derrière lui, une voix baryton chantonne:

      « Toi aussi tu t'attendais à travailler seul cette nuit, n'est-ce pas? »

      « Toi aussi tu t'attendais à travailler seul cette nuit, n'est-ce pas? »

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