CHAPITRE 4 - Aldo [3|4]

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— Si tu cessais de me prendre pour l'un de tes ennemis, je n'aurais pas à jouer les faux-semblants, rétorqua-t-il en fronçant des sourcils. Ce n'est pas comme si l'on te cachait l'objectif de ces expérimentations : je t'ai déjà dit tout ce que tu avais à savoir sur les enjeux de nos recherches...

— Ah ouais ? Parce que ces simulations vous apportent quelque chose ? grinçai-je amèrement. À quoi vous servent-elles si ce n'est de me faire souffrir ?

— Nous agissons dans un but commun, Aldo. Et même si tu n'es pas en mesure de comprendre l'importance de ces expériences, un jour, tu sauras vraiment à quoi elles ont contribué. Allez, assez discuté ! Place-toi sur le fauteuil.

Je restai immobile et le dévisageai sans faillir.

— Si tu as l'intention de réchapper aux simulations du jour, c'est peine perdue, jeune homme. Je ne suis peut-être pas psychologue, mais je reste un scientifique : je sais pertinemment quand quelqu'un cherche à me duper, comme tu l'as fait ces derniers jours. J'ai voulu te laisser du temps pour t'adapter, mais tu ne fais aucun effort. J'ai déjà été trop patient.

Je soupirai. Tout cela m'épuisait... Malgré les apparences, je n'étais pas fait pour tenir tête à ces hommes à longueur de journée. J'avais essayé plusieurs fois au cours de ces deux semaines, mais cela m'avait valu bien des hématomes qui marquaient à présent ma peau à diverses endroits.

Je ne voulais pas que l'on me prenne pour le faible du groupe. Je voulais être fort. Aussi fort que l'avait été Rex...

Même Zoé n'avait pas cessé de se comporter en combattante, malgré le chaos que devaient être ses émotions.

Comme l'avait mentionné Selkins, j'avais essayé une nouvelle méthode : la feinte, et avais entrepris de leur faire croire que je ne me sentais pas bien. Mon jeu d'acteur avait suffi pour le convaincre deux fois consécutives. Après avoir simulé un évanouissement subi en haut des escaliers et après avoir prétendu une envie irrépressible de vomir, j'avais espéré que cela fonctionne encore une fois aujourd'hui, en simulant des spasmes incontrôlés.

« Jamais deux sans trois ! » comme disait l'adage.

Quelles foutaises !

Selkins avait vu clair dans mon jeu, avant même que je n'agisse. Je soufflai et pris place sur le fauteuil noir, précédemment indiqué par le scientifique. Ce dernier fouillait dans ses affaires et semblait trop occupé pour me surveiller. J'en profitai pour détailler la salle, une fois de plus, sans trouver la moindre idée pour m'enfuir. Je baissai les yeux sur le bracelet. La petite bille qui aspirait mon pouvoir était déjà blanche à moitié.

— Ne t'avise pas de tenter quoi que ce soit, Aldo, s'exclama l'homme en me fixant de ses petits yeux de rat. Si tu t'efforçais de comprendre au lieu de rester entêté, on pourrait progresser davantage... Reprenons la séance de la dernière fois veux-tu ?

Il sortit de l'un de ses tiroirs deux bracelets et attrapa mon bras sur lequel il les cercla, les ajoutant au premier. Il s'empara ensuite d'une seringue qui contenait un liquide verdâtre peu ragoûtant et l'approcha de mon avant-bras pour me piquer.

Sans crier gare, j'attrapai son poignet avant que l'aiguille ne se plante dans ma peau et récupérai la seringue de mon autre main. Hâtivement, je me levai et quittai le fauteuil, menaçant Selkins de l'instrument qu'il détenait encore il y avait peu.

— Que penses-tu faire armé de cette injection ? ricana-t-il. Tu sais pourtant que je ne reste jamais seul lors d'une expérience, peu importe à quel point ces bracelets inhibent ton don !

Sur ces mots, la porte s'ouvrit dans un fracas et laissa apparaître la silhouette du soldat qui m'avait tenu en joue auparavant. J'avançai d'un pas prudent et tentai de menacer les deux hommes avec ma petite seringue.

— Cesse de te comporter tel un enfant ! s'écria l'homme, désobligeant. Dans tous les cas, tu as perdu.

— Pas si je vous plante avec ! fulminai-je, la main tremblante.

Je ne voulais pas subir une nouvelle simulation. J'avais supporté les expériences de Selkins une dizaine de fois déjà et je n'étais pas sûr d'en être encore capable. Je ne connaissais pas les expérimentations que subissaient mes amis – surtout parce qu'aucun d'entre nous ne voulaient en parler – mais celles que je devais endurer étaient pour moi ce qu'il y avait de pire.

— Arrête ça, Aldo ! intervint Selkins sur un ton ferme. Tu perds ton temps ! Tu ne peux rien contre nous deux. Quoique tu fasses, cela ne sera pas en ta faveur !

— Certes, mais je peux vous faire souffrir comme vous m'avez fait souffrir ! tempêtai-je, liant mes gestes à ma parole.

J'avais rejoint Selkins en deux enjambées : l'aiguille désormais enfichée dans son bras, il cria de surprise avant de s'écrouler au sol.

C'était à son tour de subir les maux de ses plus mauvais souvenirs.

Je m'éloignai de quelques pas du soldat, dans l'espoir de trouver un moyen de me débarrasser de lui avant qu'il ne dégaine son blaster. Repérant sur le bureau du scientifique une seconde injection, identique à la première, je me ruai vers la table, l'attrapai et tentai de le menacer à nouveau. L'homme se mit à rire en me voyant agir ainsi et s'approcha.

— Tu penses vraiment que cela marchera une deuxième fois ? Repose sagement cette seringue là où tu la prises et j'envisagerais peut-être que ton supplice ne dure pas trop longtemps.

J'hésitai. Je savais que, sans mes aptitudes, je n'étais pas de taille à affronter cet homme. Face à lui, je ressemblais à un oisillon tout juste sorti de sa coquille. Malgré cette prise de conscience, je n'avais pas envie d'abandonner.

C'était la première fois que j'entrevoyais la lumière, que je touchais du bout des doigts l'opportunité de fuir...

— Deux soldats t'attendent derrière cette porte, alors cesse de te fatiguer à trouver une solution qui n'existe pas ! s'énerva le soldat.

Il plongea sa main dans l'une de ses nombreuses poches et en tira un pistolet, plus petit que celui avec lequel il me menaçait en me conduisant ici.

— Vois-tu, je me contrefiche à quel point cela pourrait te faire mal si je te tirais dessus. Un gosse de plus ou un de moins, quelle serait la différence ? Segger n'est pas en accord avec moi là-dessus, mais je suis prêt à parier que, si je ne faisais que te blesser, il ne m'en tiendrait pas trop rigueur.

SIGMA ENERGY - T2 - Le Brasier de la RébellionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant