CHAPITRE 6 - Zoé [2|6]

8 4 10
                                    

Avant d'entrer dans la pièce, on m'équipait d'une dizaine de bracelets que l'on m'accrochait aux bras et aux chevilles. Et quand on refermait la salle à double tour, l'expérience commençait. Cette dernière se faisait pas salve et envoyait des jets de flammes de tous les côtés. La première fois, j'avais tellement eu peur que cela m'avait paralysé. Ce fut sans doute à ce moment-là que j'avais récolté la plupart de mes brûlures.

La seconde fois, Selkins avait précisé ses explications : il voulait que je réitère à l'identique mes gestes quand je m'étais placée devant Lise pour la protéger des flammes ardentes. Mais cela avait été par impulsion et j'ignorais encore comme j'en avais été capable. De plus, je prenais le risque de retomber dans l'état d'inconscience et je n'en avais pas la moindre envie. Je préférais vivre malgré les souffrances que cela suscitait, au lieu d'être dans l'incapacité de me mouvoir.

Au moins, en étant vivante, je pouvais faire quelque chose et chercher un plan d'évasion...

Ce matin, j'avais réussi à maîtriser une bonne partie des flammes. C'était pour cette raison que ma peau était si brûlante : elle renvoyait la chaleur que j'avais dû absorber dans la journée. Selkins avait été satisfait et m'avait autorisé à me libérer pour la soirée.

Quelle ironie ! J'étais libre mais enfermée dans une cage...

— Allez sors de là, gamine ! cria Veren en martelant son poing contre la porte.

Cette femme était tellement agaçante. Et ce n'était pas seulement parce qu'elle coupait à cours ce moment où j'avais l'impression de me retrouver un peu, mais c'était aussi et surtout parce qu'elle était jalouse de nous.

C'était la première personne en qui j'avais lu ce sentiment. J'aurais aimé lui faire oublier ses désirs de pouvoirs, mais son regard hautain m'avait bien vite calmé.

Elle ne voulait que notre don pour se rendre un peu plus exceptionnelle aux yeux des autres.

Ce n'était sûrement pas notre place de cobayes qu'elle convoitait...

Je sortis des sanitaires et rejoignis Veren qui s'impatientait. Rapidement, deux autres soldats vinrent nous escorter jusqu'au self. C'était la procédure habituelle : trois soldats par Sigma, trois armes braquées à longueur de journée sur notre tête.

Après une dizaine de couloirs dans lesquels je parvenais à présent à me repérer, j'arrivai dans le grand réfectoire. Une petite table nous était réservée dans un coin, les autres étant occupées par des soldats qui se rassemblaient ici quand leurs missions étaient achevées.

J'aperçus Loan et Lise. Cette dernière s'était réveillée depuis à peine quelques jours et semblait apprendre, peu à peu, à faire face à ce quotidien que je supportais depuis déjà un long mois.

Je pris une place sans un mot et jetai un regard dédaigneux sur la mixture qui remplissait mon assiette. Ou alors j'avais oublié ce qu'était la notion de l'art culinaire à force de vivre dehors, ou alors les compétences du cuisinier devaient être remises en question d'urgence.

Loan me donna un coup de pied discret et me fixa une demi-seconde. C'était la première fois qu'il cherchait à s'adresser à moi et je sentis qu'il avait besoin de me parler de quelque chose de la plus haute importance. Sa main se glissa sous la table et il me tendit un morceau de sa serviette en papier sur laquelle il avait griffonné – je ne savais comment – quelques mots.

« Ne mange surtout pas ».

Je lui lançai un regard déconcerté, mais Loan avait les yeux rivés sur son assiette. Pourquoi devais-je m'abstenir de manger ? Même si la bouillie avait l'air peu succulente, j'avais plus que besoin de reprendre des forces. Que voulait-il dire par là ? Je mis fin à mes interrogations, sans tenir compte de son avertissement plus qu'étrange, et m'emparai de ma fourchette.

Sans crier gare, Loan fit tomber son verre d'eau par terre et vis valser mon assiette en plastique qui s'échoua au sol. Les soldats qui avaient détourné leur attention pendant ces quelques secondes sautèrent sur le blondinet pour l'empêcher de bouger. D'autres braquèrent leurs armes sur Lise et moi. J'observai Loan, inquiète. Que lui arrivait-il ? Lui qui était si calme d'habitude...

— Qu'est-ce qui te prends morveux ? vociféra l'un d'entre eux. La nourriture coûte cher, tu pourrais en prendre plus soin ! Ramasse cette assiette et son contenu ! Tu vas tout manger, ça t'apprendra !

Loan s'affaira sans un mot et reprit place à la table. Lise ne disait rien et semblait avoir compris quelque chose. Pas moi. Le jeune garçon me fit un clin d'œil avant de me glisser discrètement un nouveau morceau déchirée de sa serviette. Après m'être assurée qu'aucun soldat ne me regardait faire, j'observai le bout de papier. Une tête de morte était dessinée.

Mon regard se porta de nouveau sur Loan qui venait de manger la première bouchée de l'assiette qui était anciennement la mienne. Un infime instant, je vis ses yeux se révulser. À en croire l'attitude de Loan et le dessin qu'il avait gribouillé sur sa serviette, manger mon repas m'aurait été mortel...

Comment s'en était-il aperçu ?

Et comment pouvait-il rester aussi calme alors qu'un poison était peut-être en train de faire ravage dans son corps ?

SIGMA ENERGY - T2 - Le Brasier de la RébellionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant