SIGMA ENERGY - T2 - Le Brasier de la Rébellion

CHAPITRE 6 - Zoé [4|6]

Je gardai le silence. Je n'avais pas envie de signer l'arrêt de mort de l'un des miens. Pourtant, j'aurais plus que tout aimé faire taire ces hommes, leur faire regretter de s'en être pris à mon meilleur ami.

— Comme vous l'avez vu, nous avons ouvert vos cages. Vous allez sortir un à un et nous suivre sans piper un mot. Ne croyez pas que nous sommes venus vous délivrer comme de bons petits samaritains, ce n'est absolument pas le cas !

— Allez on se bouge ! s'exclama un deuxième en s'approchant d'Aldo.

Ce dernier n'était pas inconscient et grimaça de douleur. Il tenta de se remettre debout, en vain. À en croire ses expressions, Aldo était vraiment au plus mal et n'était pas en mesure de se tenir sur sa jambe ensanglantée.

Face à l'impatience des hommes, j'abandonnai ma cellule. J'aurais aimé ne pas la quitter pour une fois : je ne savais pas où on nous emmenait, mais je craignais le pire. Où était Segger ? Était-il seulement au courant de ce qu'il se tramait ici ? Un soldat me poussa vers l'extérieur de la pièce.

Néo n'était pas sorti et je vis qu'un des hommes s'apprêtait à écraser la jambe blessée d'Aldo avec l'une de ses rangers. Néo se précipita vers notre ami. Je devinai, à ses joues pincées, qu'il se retenait de crier ou de dire quoi que ce soit.

— Qui t'a autorisé à l'aider, sale mioche ? Allez, bouge de là !

— Désolé, je n'ai pas l'intention de le laisser par terre, murmura-t-il. Laissez-moi au moins l'aider à se déplacer...

Le soldat qui tenait son arme hésita quelques instants. Un autre posa sa main sur son épaule et lui demanda de concéder cette faveur. L'homme râla avant de quitter la pièce et de prendre la tête de ce cortège plus qu'étrange. Je jetai un dernier regard derrière moi et vis Néo soulever Aldo sous les aisselles et le soutenir avec l'une de ses épaules.

Lise et Loan étaient devant, autant silencieux que je ne l'étais. Après plusieurs couloirs sans jamais croiser un autre soldat, l'homme à la tête de toute cette mascarade ouvrit une porte et nous fit signe d'entrer. Il poussa Aldo et Néo à l'intérieur et claqua le battant avec fureur.

— Vous allez rester ici pour le moment. Ne cherchez pas d'issue, il n'y en a aucune ! s'esclaffa-t-il en actionnant la fermeture avec son badge.

Je quittai des yeux l'entrée et regardai autour de moi. La salle ressemblait en tout point à un débarras, rempli d'objets diverses. Pour la plupart, ils étaient inutiles : des cartons vides, des flacons probablement périmés à en voir la couleur et l'odeur qui s'en dégageait. Et malgré tout ça, il n'y avait aucune cage, aucune barrière. Nous étions pour une fois tous ensemble, sans vitre pour nous séparer les uns des autres.

Je me précipitai sur Aldo qui était au sol. Son front luisait de sueur et des grimaces marquaient son visage, d'habitude indéchiffrable.

— Mon Dieu, Aldo ! Que s'est-il passé ? lâchai-je en cherchant sur sa jambe le point où débutait le saignement.

— Je ne me rappelle pas tout exactement, mais je me souviens que je m'en suis pris à Selkins pour réchapper à l'une de ses expériences. C'est flou dans mon esprit, mais je pense que le soldat à qui je suis affecté a dû rentrer dans le labo et réussir à m'injecter le produit que je reçois avant chaque simulation. Suite à l'expérimentation, cet homme m'a pris à part et m'a asséné pas mal de coups avant de me tirer dans la jambe. Je suppose qu'il voulait me faire comprendre que c'était la dernière fois que j'essayais de me rebeller ainsi, gémit-il, une grimace se dessinant sur ses lèvres.

Je remontai le bas de son pantalon le long de sa jambe et trouvai l'endroit où l'homme avait dû visé. La blessure n'était pas belle, mais j'étais rassurée de voir que la balle n'avait fait que l'effleurer. La douleur ne devait pas en être moins importante.

— Lise, Loan, il faut que l'on trouve une trousse de soin, un truc de ce genre ! Il doit bien avoir quelque chose dans ce bordel ! m'alertai-je, effrayée par la situation peu ordinaire. Néo, trouve un objet pour qu'on bloque la porte ! C'est notre seule chance pour s'échapper d'ici !

— Mais l'homme a dit qu'il n'y avait aucune sortie ici ! s'inquiéta-t-il.

— Ça c'est peut-être ce qu'il voulait te faire croire ! Il doit forcément y en avoir une ! m'écriai-je, plus pour me convaincre que pour le convaincre lui.

— Comme un conduit d'aération ? intervint Lise.

— Oui exactement ! Il doit bien en avoir un quelque part !

Je reportai mon attention sur le visage d'Aldo. Je devinai qu'il se sentait mal d'être le centre de l'attention alors que nous aurions pu peut-être déjà trouver une solution pour fuir.

— Tiens bon, Aldo, lui soufflai-je avant de m'éloigner pour participer aux recherches.

J'aperçus Loan farfouiller dans un coin de la pièce, tandis que Néo bloquait la porte avec multiples objets : un balais au niveau de la poignée, une étagère en ruine face à l'entrée et d'autres choses qui pouvaient servir à ça.

— J'ai trouvé le conduit d'aération ! s'exclama Lise sur ma gauche. Il est en bas du mur, derrière ce monticule d'objets !

— Et moi une trousse de secours ! annonça Loan en agitant sa trouvaille en l'air.

— Vas-y envoie ! lui lançai-je.

Je rattrapai la pochette et la vidai devant moi.

— Tout est périmé ! râlai-je en fouillant parmi les produits variés.

Je m'emparai d'une bande et d'un désinfectant – celui le plus à même de pouvoir encore remplir son rôle – et m'occupai de la blessure d'Aldo. De leur côté, Néo, Lise et Loan étaient en train d'empiler tout ce qui était gênant au niveau de la porte, déblayant ainsi un passage jusqu'à la plaque du conduit d'aération.

— Pourquoi ces soldats s'en sont pris à nous ? Que comptent-ils nous faire ? soufflai-je tout bas à Aldo. Pour une fois j'aimerais que Segger soit là. Il ne doit pas être au courant, hein ? Parce que cet homme a au moins le mérite de rester droit dans ses bottes...

— Je ne sais pas, petite Zoé, rétorqua-t-il tout bas. C'est quand même à cause de lui si nous sommes enfermés, tu ne crois pas ?