CHAPITRE 6 - Zoé [5|6]

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J'acquiesçai lentement, gardant pour moi mes opinions. Segger n'avait certainement pas été averti. Il avait beau l'air de jouer le rôle du grand méchant, je savais qu'il y avait en lui encore une part d'humanité. S'il avait été totalement fou, il nous aurait tous déjà tué pour nous disséquer comme des souris de laboratoires. Mais ce n'était pas le cas et je savais qu'il faisait tout ça pour une raison.

Laquelle ?

C'était ce que j'ignorais.

Du bout des doigts je touchai le cercle métallique et fixai la bille noire. Comme avant chaque nuit, les soldats de Segger nous plaçaient de nouveaux bracelets, vides de pouvoirs. Si nous les avions pas, nous aurions pu nous enfuir depuis bien longtemps...

— Ça va ? demandai-je à Aldo après avoir fini de bander sa blessure. Tu peux bouger la jambe ?

Aldo se redressa légèrement et essaya. Mise à part quelques grimaces de douleur, cela semblait supportable. Je lui tendis ma main pour l'aider à se relever et tester ses capacités à se déplacer. Il boitillait et je savais qu'il ne serait jamais en mesure de courir. Il fallait qu'on trouve au plus vite un moyen pour fuir sans que les soldats ne nous tombent dessus.

— Vous ne trouvez ça pas bizarre ? Les soldats nous ont laissé seuls dans cette pièce, sans aucune surveillance, lâcha Néo, suspicieux. Et aucun ne semble visiblement attendre derrière la porte... Avec le raffut que l'on a fait, ils nous auraient entendu depuis longtemps et nous auraient tout de suite empêcher de bloquer cette porte, vous ne croyez pas ?

— À quoi tu penses exactement Néo ? s'inquiéta Lise.

— Rien en particulier... Seulement cela me paraît étrange tout ça. D'abord le soldat qui empêche son collègue de tirer sur Aldo, alors que j'avais enfreint l'une de ses consignes. Puis ce même homme qui nous enferme ici, avec plein d'objets que l'on pourrait utiliser pour ouvrir la porte. Ensuite ces derniers mots « Ne cherchez pas d'issue, il n'y en a aucune !» comme s'il voulait nous pousser à en chercher une... Et maintenant ce silence, prouvant que personne ne surveille l'entrée. Vous ne trouvez pas ça trop louche ?

— Si, tu as raison, accorda Aldo. Tu crois que ces hommes sont venus finalement pour nous permettre de nous échapper ? Malgré ce qu'ils nous ont dit ?

— Aucune idée...

— Je ne sais pas vous et peu importe si c'étaient leurs intentions finales, mais je serais d'avis de nous tirer de là avant qu'ils ne changent de décision et reviennent ! s'exclama Loan.

D'un accord commun, on commença à entrer un à un dans le conduit étroit, moi en tête. À quatre pattes j'avançai dans l'obscurité, sans vraiment savoir où j'allais. Tout droit, c'était certain. Je me guidai au toucher, suivant avec mes mains les parois des côtés pour repérer une nouvelle échappatoire. Mais il n'y avait rien pour le moment, seulement un long conduit qui nous menait tout droit vers l'inconnu.

— Vous croyez que cela va où ? murmura Lise. Il va bien falloir que l'on quitte cet endroit pour quitter l'enceinte de la Sigma Corpse...

— Pour le moment je préfère avancer là-dedans, malgré les toiles d'araignées, avouai-je doucement. Au moins il n'y a ni caméras ni soldats.

— Sauf que l'on ne sait même pas où l'on va. Pas moyen de savoir si on se rapproche d'une potentielle sortie ou si on s'en éloigne...

— Je sais bien, Néo, mais que veux-tu que l'on fasse ? On ne va tout de même pas retourner dans le débarras ? Au moins ici les soldats ne savent pas où nous sommes, c'est le principal...

— Minute, Zoé ! m'interrompit Aldo. Et nos bracelets ? Tu ne crois pas qu'ils doivent être dotés d'un traceur ?

— Je... j'en sais rien, balbutiai-je, stupéfaite de ne pas y avoir pensé plus tôt.

Je me tus, inquiète. Aldo avait raison. Peut-être même que les soldats nous suivaient à distance pour nous attraper à la sortie de ce conduit d'aération ?

Comme je n'avais aucun moyen pour le savoir, je repris ma route silencieusement. Mes yeux s'étaient habitués à l'obscurité depuis le temps et je parvenais de mieux en mieux à me repérer dans le conduit, sans avoir besoin de me fier à mes mains.

— Le conduit se sépare en deux ! Que fait-on ? soufflai-je aux autres.

— Allons voir ce qu'il y a à gauche tous les deux. Si ce n'est par là, on ira à droite tous ensemble, proposa Loan qui se tenait juste derrière moi.

— Et si aucun des deux chemins n'est le bon ?

Ma question resta en suspens, sans la moindre réponse. Nous étions évidemment tous dans l'inquiétude constante de ne pas avoir fait le bon choix. Je pris à gauche avec Loan sans un mot. Le conduit se terminait pas très loin et donnait une vue dégagée sur le grand réfectoire. À quelques mètres, des soldats discutaient encore et riaient joyeusement. Je fis signe à mon compagnon de faire demi-tour.

De retour près des autres, je repris la tête de la file et tournai donc sur la droite. Le chemin fut tout aussi long que le premier et j'avais la ferme impression que nous étions en train de tourner en rond dans ce dédale d'obscurité.

Cette sensation ne faisait qu'accentuer mon stress et je sentais mon cœur battre à tout rompre. Si je me fiais à la complète noirceur des lieux, le conduit débouchait sur une salle éteinte.

— Que fait-on ? chuchotai-je. Vous croyez que cela mène quelque part ?

Face à l'absence de réponses de mes semblables, je ne sus quoi faire. Devais-je continuer et décrocher la plaque pour entrer dans la pièce ? Peut-être qu'après tout la porte serait ouverte ? Je décidai de tenter ma chance. Rebrousser chemin n'aurait absolument servi à rien.

La plaque enlevée en silence, j'avançai dans la salle et me relevai, suivie par mes compagnons. L'obscurité était totale. Pas la moindre interstice par laquelle pouvait s'échapper un trait de lumière, pas la moindre fenêtre laissant traverser la lueur blafarde de la lune. Rien d'autre que le noir.

Un noir abyssal, effrayant.

SIGMA ENERGY - T2 - Le Brasier de la RébellionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant