SIGMA ENERGY - T2 - Le Brasier de la Rébellion

CHAPITRE 8 - Zoé [2|7]

Une vingtaine de jours s'étaient écoulés et j'étais sortie de l'hôpital. Je souffrais à cause du coma d'une telle confusion que je ne savais plus qui j'étais vraiment : j'en avais même perdu tout repère.

Face au désordre de mon esprit, je n'avais pas eu d'autres choix que de consulter un psychologue. Sa première séance avec lui avait été un vrai désastre : j'avais même failli repartir en courant. Dans la vraie vie, Segger se révélait être mon psy. Et je le connaissais depuis longtemps, paraît-il. Plus jeune, j'aurais mal vécu la séparation entre mon père et ma mère. Pour y remédier, ils m'auraient emmené pendant des années à son cabinet pour m'aider.

Mes parents m'avaient raconté que je ne l'avais jamais aimé, parce que je rejetais sur lui toute la frustration que je détenais en moi. Ce Segger-là était pourtant différent de celui que j'avais connu dans le coma. Il était plus calme, plus posé et très gentil. Il y avait encore quelques jours, j'avançais à reculons pendant ses séances. Mais les choses avaient changé.

Segger incarnait en fait mon seul réel soutien. Mes parents eux-mêmes étaient mi-figue mi-raisin en ma présence. Et, comme j'avais perdu tous mes souvenirs, je ne trouvais personne avec qui échanger. Même Lise, ma meilleure amie, ne me reconnaissait pas. Quoi de plus normal après tout ? Pourquoi le ferait-elle alors que je ne la connaissais qu'à travers une sorte de rêve étrange ?

Pour toutes ces raisons, Segger était devenu ma bouée de sauvetage : il était le seul à me comprendre, le seul à qui je pouvais parler sans paraître démente.

Je pris place dans la salle d'attente, attendant que la secrétaire autoritaire me fasse signe d'entrer. J'entendis la voix du psychologue, à travers la porte, se rapprocher : il devait avoir terminé avec son rendez-vous précédent. Le battant s'ouvrit et Lise en sortit, aussi indifférente envers moi qu'à l'habitude. Toutes les semaines, je la croisais ici et c'était toujours aussi douloureux. J'avais envie de lui parler, mais pour dire quoi ?

Je me levai et quittai ma place quand la secrétaire, qui faisait office de cerbère de la porte, me fit signe. Je rentrai dans la salle de consultation, serrant au passage la main de Segger. Je ne pensais pas croire qu'un jour, je ferais une chose pareille. Il me laissa m'installer sans un mot avant de commencer :

— Alors comment vas-tu aujourd'hui, Zoé ? Ton passé a commencé à revenir ?

— Maussade comme d'habitude, lui répondis-je en haussant des épaules. Et, non, toujours rien...

— Il ne faut pas perdre espoir, cela te reviendra un jour.

— Oui, mais quand, Docteur ? désespérai-je. J'ai l'impression de passer à côté de ma vie !

— On ne sait pas. Ça peut prendre une semaine ou des mois. Ne reste pas focalisée là-dessus pour le moment, mais essaye d'aller de l'avant.

Il saisit un dossier déjà bien épais. Sans jeter un seul œil dessus, il débuta :

— Reprenons ce que nous disions la dernière fois. Suite à l'incendie, tu es entrée dans une phase de rêve paradoxal par le biais de ton coma. En moins d'un mois, tu as vécu l'équivalent d'une vie. Dans ce qu'on va appeler cet autre monde, tu m'arrêtes si je me trompe, tu es une sorte de hors-la-loi. Pas aux yeux de la justice, mais plutôt au regard de la société. Tu as développé très tôt dans ta vie des facultés, un don qui est celui de maîtriser les flammes, c'est bien cela ?

J'acquiesçai lentement. Ses paroles devaient lui sembler si irréalistes alors qu'elles étaient pour moi une vérité, un quotidien dont je m'étais accommodée depuis longtemps.

— Là-bas, tu vis loin de ta famille que tu as quitté suite à un incendie que tu as malheureusement déclenché dans votre maison, reprit-il. Tu te lies d'amitié avec d'autres jeunes qui ont les mêmes aptitudes que toi, les Sigmas, et vous formez alors un groupe uni face aux épreuves que vous traversez. Mais il y a une seule ombre sur le tableau, c'est moi-même. J'incarne un scientifique fou, avide de savoir, qui veut s'accaparer vos capacités. Alors tu fuis sans cesse avec Aldo, Loan, Lise, Néo et... comment s'appelait-t-il déjà ?