CHAPITRE 8 - Zoé [3|7]

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— Rex, lâchai-je d'une voix atone, consciente plus que jamais à quel point mon ami me manquait.

Ami devenu imaginaire dans ce monde...

— C'est ça ! Après maintes épreuves, vous vous retrouvez piégés par ce Segger qui vous fait énormément de mal via ses expériences.

— Mais pas seulement ! l'arrêtai-je pour rectifier la vérité. Ses soldats aussi nous faisaient souffrir. C'était de la torture pure et dure.

— J'allais y venir. Avant que tu ne te réveilles donc de ton coma, Lise était en train de se faire tatouer de force au fer rouge un S pour Segger ? J'ignorais avoir un tel jumeau maléfique, ajouta-t-il peut-être plus pour lui-même.

Le silence suivit son résumé. Cela semblait si simple dit comme ça, si rapide, comme si des années de survie pouvaient être narré en moins de cinq minutes...

— Me permets-tu de faire mon analyse personnelle de ta situation, Zoé ?

Je hochai de la tête, une nouvelle fois bien trop consciente que ce qu'il s'apprêtait à me dire me ferait mal. Car il renierait ce que j'étais, ce que je croyais être tout du moins. Une Sigma. Une amie. Une combattante. Après ça, je ne serais plus que Zoé. L'adolescente banale. La survivante des flammes.

Moi qui aspirais tant à une vie calme, maintenant que je l'avais, je me rendais compte que je haïssais ça. Je ne détestais pas la tranquillité des jours. Je ne supportais juste pas d'être seule. Ma vie se résumait dans ce rêve aux liens que j'avais tissé avec les Sigmas, à notre amitié, tout simplement. Mais, maintenant qu'ils n'étaient plus là, j'étais perdue.

— Ton histoire commence avec l'incendie, le même qui a ravagé votre appartement dans la vraie vie. Tu t'en veux énormément de ne pas être parvenu à t'en échapper, alors que le reste de tes proches l'a pu. Tu culpabilises de ne rien avoir pu faire aussi pour atténuer les flammes. Tu as porté alors la responsabilité du malheur de ta famille face à une telle perte, mais tu t'es sentie aussi faible et lâche de ne pas avoir pu t'échapper des fumées. Dans ce monde parallèle, tu as rendu ça réel. Tu as exprimé cette culpabilité en devenant l'origine même du feu et tu as compensé ta faiblesse par une force, ton don ! Tu me suis ?

Ça paraissait tellement évident, tellement logique, qu'on ne pouvait que le croire.

— Ensuite, il y a eu ta rencontre avec Rex. Rex, je dirais qu'il est le symbole, la représentation même que tu te fais de la fraternité... Tu dois savoir que Raphaël et toi n'entretenez pas une bonne relation ?

Je l'avais remarqué pendant ces dernières semaines, oui. Il était fuyant, abjecte parfois, accusateur, voire méprisant. La figure même de mon Raphaël dans l'autre monde me manquait plus encore.

— Rex a été le frère que tu n'as jamais eu, Zoé. Celui qui était là pour te montrer le chemin, pour te soutenir. Peu de personnes pensent pouvoir avoir un lien si fort avec un frère. Et quand il est mort aussi tragiquement, c'était un signal : Rex te disait indirectement qu'il fallait que tu te relèves et reprennes le court normal de ta vie. Pas celle que t'offrait ton esprit, mais la vraie.

Segger fit une pause, feuilleta le dossier d'un geste rapide avant de poursuivre :

— Il y a aussi moi-même et ce Segger du rêve. Je dirais que la haine que tu éprouvais pour ce dernier était celle que tu as ressentie lorsque nous nous sommes vus pour la toute première fois. Il faut dire qu'à cette époque-là, tu ne m'aimais pas, avoua-t-il, esquissant un léger sourire face à ce souvenir.

J'avais encore du mal à croire que je ne pouvais apprécier cet homme. Il était tellement plus respectable dans ce monde ! N'étant pas au courant de ce que je savais, il s'expliqua :

— Je ne sais pas si tu t'en souviens, mais lorsque tes parents ont divorcé, tu as mal vécu leur séparation. Alors ils ont décidé de t'emmener chez moi. Pendant deux ans, ils t'ont forcé à venir me voir, et tu détestais ça. Tu as reporté sur ma personne toute la frustration que tu ressentais vis-à-vis de leur divorce. Ne t'en fais pas, je ne t'en veux pas le moins du monde, c'est une réaction des plus normales !

J'étais ébahie face à la sollicitude dont il faisait part. Ce Segger-là me surprenait de plus en plus. Et dans le bon sens du terme. Les jours me paraissaient moins pénibles quand j'avais l'opportunité de lui parler. Toute ma méfiance envers lui s'était envolée, car je savais que je ne me trouvais pas face à la même personne. En fait, si je devais les comparer, je dirais qu'ils étaient deux extrêmes.

— Je crois que j'en ai assez dit pour te faire réfléchir. Je ne pense pas qu'on doive aller plus loin pour le moment. Tu n'es pas encore totalement prête à entendre tout ce que j'ai à te dire.

J'acquiesçai, étant de son avis. Je lui faisais confiance depuis le temps et s'il m'affirmait que ce n'était pas encore le bon moment, alors c'était qu'il avait raison. Je craignais toutefois que je ne sois jamais prête à entendre ce qu'il avait me dire.

SIGMA ENERGY - T2 - Le Brasier de la RébellionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant