CHAPITRE 8 - Zoé [4|7]

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Les jours continuaient à passer aussi lentement que les nuages noirs qui planaient au-dessus de ma tête. Le temps était pluvieux depuis quelques heures et je n'attendais qu'une seule chose : que l'orage craque enfin. Je voulais voir les éclairs strier le ciel menaçant.

Cela rendrait peut-être les choses plus réelles ? Ce monde plus réel ?

J'avais repris les cours une semaine plus tôt et ça avait été une véritable horreur. J'avais appelé Segger, paniquée, cachée dans un recoin de l'établissement. Je ne savais plus comment se comportait les jeunes de mon âge et un tel décalage entre eux et moi-même me terrifiait.

J'avais l'impression que tout le monde me regardait comme une bête bizarre. Le monde dans les couloirs m'effrayait tout autant. Après une semaine d'enfer, ma crainte s'était calmée. Mais elle n'avait pas disparu. Les vieilles habitudes avaient la peau dure...

Depuis que j'étais revenue de mon coma, je sentais que je n'étais plus la même. Dans mon rêve, j'arrivais à être heureuse malgré le Segger fou, nos pouvoirs, nos problèmes du quotidien. Ici, je ne souriais plus. Le monde me paraissait terne, fade, comme éternellement gris. Je me demandai quand est-ce ma vision redeviendrait normale, quand est-ce que je recommencerai à vivre. Ce jour seulement viendrait-il ou espérais-je l'impossible ?

Je me sentais tel un bateau à la dérive en pleine mer.

J'avais dû apprendre à arrêter de me soucier de tout, à cesser de courir dès que quelqu'un me suivait de trop près dans la rue, à ne pas avoir une réaction disproportionnée quand quelqu'un posait sa main sur mon épaule. Ça avait été un long processus. Difficile, mais nécessaire.

Parfois, je ne comprenais pas mon problème. J'aurais dû être heureuse ici, la vie était parfaite. Certes, mes parents étaient divorcés, mais je les avais au moins près de moi. Raphaël, malgré le fait qu'il ne m'accordait aucune attention, était en sécurité. Dans cette nouvelle réalité, personne ne me menaçait, je ne risquais pas de brûler qui que ce soit avec mon pouvoir. Ce dernier me manquait, je ne pensais pas le dire un jour. Je sentais un vide en moi à chaque fois que j'essayais de faire appel à lui.

Je poussai la porte d'entrée de l'hôpital. Comme chaque mercredi, j'avais l'obligation de passer des tests aux urgences pour évaluer mes capacités physiques. Je ne savais pas ce que j'encourrai suite à cet incendie, mais ils semblaient vouloir éviter toute complication. C'était depuis une habitude.

Je devais aussi me présenter pour un entretien avec un psychologue. Ce n'était toutefois pas Segger, mais un autre. Froid. Rigide. Il était là pour noter mes résultats.

Dès que je l'avais vu, je savais que je ne l'aimerais pas. Le visage disgracieux d'une personne qui ne sourit jamais, les cheveux poivre et sel plaqués par du gel et séparés par une raie droite, de petits yeux vert kaki scrutateur.

Face à lui, j'avais l'impression d'être une proie petite et frêle, dominée par un prédateur aux crocs d'acier.

Cet homme ne m'inspirait aucune confiance. Il ne cherchait d'ailleurs pas à me rassurer ou à m'aider à sortir de mon malaise. Il était persuadé que Segger n'avait fait aucun progrès notable avec moi, ce qui me faisait enrager. Car il était de loin le pire psychologue qu'il m'avait été permis de croiser.

Certes, j'étais toujours mal. Mentalement, c'était le chaos. Mais, ce n'était pas la faute de Segger ! C'était la mienne uniquement... J'étais celle qui ne faisait aucun effort pour sortir du rêve dans lequel j'avais été. Je me raccrochais à cette autre réalité. J'avais peur de les oublier, mes amis comme tous les bons moments que nous avions passé ensemble. Même si rien n'était réel.

Je patientai dans la salle d'attente calmement, observant les personnes autour de moi. Il y avait beaucoup de familles. Certains patients n'étaient là vraisemblablement que pour de la bobologie, d'autres pour des raisons plus graves. Aujourd'hui, Kate était l'infirmière d'accueil. Elle restait telle que je l'avais vu la première fois : souriante, douce, rassurante.

Je la regardai aller vers un enfant qui devait avoir à peine un an ou deux de moins que moi, les cheveux blonds coiffés soigneusement. C'était sûrement le travail de la femme, élégante à côté de lui, qui lui tenait la main. Sa mère sans doute.

Le jeune adolescent m'évoquait quelque chose sans que je ne parvienne à saisir quoi. Pourtant, je ne connaissais personne avec de telles lunettes ! Ces dernières lui mangeaient tout le visage, énormes, rondes. Je les épiai tandis que Kate demandait à l'enfant de les retirer. Celui-ci se rétracta, reculant un peu plus dans son siège, comme paniqué ou effrayé.

— Excusez-le, bafouilla sa mère, mon petit Loan a une timidité maladive que nous ne parvenons pas à lui défaire. Allons chéri, fais-moi plaisir, enlève ces lunettes.

SIGMA ENERGY - T2 - Le Brasier de la RébellionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant