CHAPITRE 8 - Zoé [6|7]

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— Tout va bien, Zoé ? me demanda Kate, soucieuse.

Me disait-elle ça à cause de mes yeux rouges ? Sans aucun doute. Après mon passage dans la chambre numéro 202, j'avais tant bien que mal tenté de faire désenfler mes yeux sous l'eau froide. Mais rien n'avait suffi. Je lui offris un sourire en lui rétorquant d'une voix que j'espérais pleine d'entrain :

— Je crois que je dois faire une allergie. J'ai mes yeux qui me grattent depuis ce matin, je ne sais pas pourquoi !

Cela parut la convaincre, du moins, pour le moment. Je sortais de mes analyses urinaires et sanguines. Les médecins, eux, n'avaient même pas vu mes yeux de lapins russes, bien trop concentrés sur les résultats des tests que leur avait fait parvenir un scientifique, le Professeur Selkins lui-même.

Il ressemblait en tout point en celui de mon monde. Le dos voûté par les heures passés devant son microscope, des lunettes aussi grosses que celle de Loan, le petit air de rat rusé qui essayait de voler aux autres leurs heures de gloire.

— Je ne savais pas que tu faisais de l'allergie, ce n'est pas marqué dans ton dossier, constata-t-elle en tournant les pages du dit-document.

— Mais moi non plus ! rétorquai-je en riant faussement. C'est la première fois que cela m'arrive.

Plutôt mourir que lui dire la vérité. Malgré la gentillesse dont elle faisait preuve avec moi, elle me prendrait pour une folle elle aussi...

Nous nous trouvions toutes les deux à proximité du bureau d'accueil dont s'occupait à présent une autre infirmière. Kate finissait de remplir mon dossier avec les nouveaux résultats d'analyse.

Je me tenais immobile, parcourant la pièce du regard. Je vis Erik, le regard dans notre direction. Car oui, ce dernier travaillait aussi à l'hôpital en tant qu'agent de sécurité. Je compris en moins d'une seconde que son regard n'était pas fixé sur moi mais sur la belle Kate, les sourcils froncés par la concentration.

Cela se voyait comme une évidence qu'il l'aimait. Cela me réchauffa le cœur. Au moins, une chose de bien avait changé dans ce monde. Kate était en vie et elle était avec Erik.

Tandis que certains s'étaient perdus de vue, d'autres s'étaient retrouvés...

Cette dernière finissait de rédiger quelques lignes quand je vis un bracelet dépasser de la manche de sa chemise de travail blanche. Je sursautai avant de l'étudier de plus près.

Composé d'une simple pierre ronde et lisse, il était en or, et la boule en pierre précieuse semblait en quartz rose. Sa forme ne trompait pas. J'avais en face de moi la réplique quasi exacte, même si plus sophistiquée, du bracelet que nous avait imposé le Segger de l'autre monde pour annihiler nos pouvoirs.

— Quel magnifique bracelet Kate ! m'exclamai-je pour attirer son attention sur ce dernier, espérant recueillir quelques informations.

— Merci Zoé ! me sourit-elle. C'est mon fiancé qui me l'a offert pour nos deux ans de rencontre.

— Ton fiancé ? Erik ? demandai-je, espiègle, tentant de dissiper ma propre peine par de bonnes nouvelles.

— Erik ? Tu veux dire l'agent chargé de la sécurité ? demanda-t-elle tandis que j'acquiesçais, inquiète de la suite des événements. Ah non, Erik et moi sommes de simples amis d'enfance ! Non, je parle de Lillien, mon chéri ! Tu ne le connais pas, mais...

Je n'entendis pas la fin de sa phrase. En fait, je ne voulais plus rien entendre. Comment ? Comment était-ce possible que ces deux-là ne soient pas ensemble ? Alors qu'ils s'aimaient ! Cette nouvelle finit de me plomber, tandis que Kate m'acheva, involontairement.

— Allons-y, Zoé, le Docteur Ranian est prêt à te recevoir.

Et c'était parti pour une séance d'enfer entre ce psychologue de malheur et moi...

Et c'était parti pour une séance d'enfer entre ce psychologue de malheur et moi

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Encore une moitié de semaine était passée. J'en avais marre. Je voudrais retourner dans le coma. Dans mon monde. Mais je savais que c'était impossible, quelques soient mes efforts. Il y avait quelques jours, le psychologue Ranian m'avait prescrit des antidépresseurs. Lui avait remarqué mes yeux rouges et selon lui c'était une preuve de plus de l'inefficacité de Segger.

Encore une fois il était loin de la vérité...

J'avais refusé de les prendre, mais ma mère ne m'avait pas laissé le choix. Elle me forçait à les avaler matin et soir. Je n'avais pas l'impression que ces cachets m'aidaient, bien au contraire. Je me réveillais les yeux collés, embourbés dans le sommeil. Mon corps entier me paraissait lourd, aussi mou que du flan. Tout effort me semblait insurmontable. Selon ma mère, c'était normal, c'était l'un des premiers effets secondaires, d'après les dires du pharmacien.

Je n'avais qu'une envie : que ça s'arrête une bonne fois pour toute. J'étais scotchée dans mon lit, incapable de me lever. Je voulais m'endormir, retourner dans le coma. Même si ce n'était pas réel. Rêver de cette autre vie m'était suffisant. Je sentis mes paupières devenir lourdes, tandis que je priais pour retrouver mon monde chimérique.

SIGMA ENERGY - T2 - Le Brasier de la RébellionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant