CHAPITRE 9 - Lise [4|4]

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La réponse me vint un matin, en me réveillant, pantelante, sortant d'un rêve où je me faisais entraîner dans un sous-bois par un jeune garçon. Il avait les cheveux bruns, les yeux verts, mais je n'arrivais plus à me rappeler qui il était, ce qu'il représentait pour moi. Aucune page de mon carnet n'en parlait. Alors que j'avais arrêté le traitement, je ne parvenais pas à retrouver son nom.

J'avais pourtant le sentiment de le connaître. Mais où ? Quand ? Je m'étais torturée l'esprit pendant des heures avant que de me remémorer. Il était notre leader. Un souvenir fragmenté avait ressurgi dans lequel il me chuchotait à l'oreille :

— Nous sommes une famille, Lise. Nous ne pouvons pas nous abandonner. Nous devons rester unis, parce que nous sommes des Sigmas et que nous avons autant besoin des uns que des autres.

J'avais alors repris mon but. J'avais découvert que je partageais bien plus que le même psychologue avec Zoé. Nous étions dans le même collège, seulement dans des classes différentes.

J'avais fini par mettre la main sur Aldo, après bien des difficultés. Il était aussi furtif qu'une ombre et n'avait rien en commun avec ma vie actuelle. Il habitait à l'autre bout de la ville, dans un pensionnat militaire, si bien que je n'avais pas pu l'approcher.

Loan, quant à lui, était plus jeune que nous et se trouvait être à moitié déscolarisé à cause du harcèlement qu'il subissait.

Seul Néo restait introuvable. Je m'étais même risquée à demander à mon psychologue pour savoir s'il le connaissait. Sans succès.

Je me reconcentrai et relus une dernière fois ma partition, repérant les passages difficiles, les notes spécifiques que je ne devais pas rater, avant de m'en détourner. À la demande de ma mère, je me retrouvais à donner mon premier récital au collège, durant une journée qu'ils aimaient appeler « Journées des Talents ».

Derrière les rideaux, j'entendais l'auditoire bruyant. Comme tout élève de cet âge, beaucoup chahutait ce qui créait un désordre des plus complets. À l'abri encore des regards, j'observai les visages, parcourant une à une les allées. Je savais pourquoi j'agissais ainsi, ce que je cherchais. Ou plutôt qui je cherchais.

Zoé.

Je n'étais même pas sûre qu'elle soit là. Ayant deux ans d'écart l'une avec l'autre, elle pouvait très bien être avec d'autres élèves de sa classe.

Au moment où je perdis espoir de la trouver parmi cette foule d'adolescents, je la vis, ses cheveux noirs cobalts auréolant son visage si doux. Je sentis une chaleur se répandre dans mon être. L''impression d'avoir retrouvé mon foyer, mes marques, m'envahit.

Zoé rigolait avec sa voisine, une brune aux tâches de rousseur. Un nœud se fit dans mon estomac. J'avais le sentiment dérangeant qu'elle m'avait remplacé. Je chassai cette idée de mon esprit en secouant la tête.

Un garçon entra sur scène, le présentateur sans doute, et commença à parler en amusant la galerie. Je ne lui prêtai qu'une oreille distraite. D'un geste qui trahissait quelque peu mon trac, je lissai ma robe noire. Ma mère l'avait acheté pour l'occasion. Elle rappelait les tenues des musiciens de l'orchestre philharmonique.

Je mis quelques secondes avant de me rendre compte que la foule s'était tue et que le jeune adolescent regardait dans ma direction. Gênée, je m'avançai, me doutant qu'il avait dû me présenter pendant que je n'écoutais pas. Je saluai mon auditoire poliment, me penchant respectueusement. En me relevant, je plongeai mon regard dans celui bleu-gris de ma petite Zoé, tentant de lui faire passer un message que je savais qu'elle ne comprendrait pas.

Je vais jouer pour toi, ma petite Zoé. Je vais jouer en l'honneur de notre amitié, de notre passé commun, de cette nostalgie qui m'étreint quand je pense à notre groupe. Je vais jouer en espérant que tu te souviennes qui je suis.

Je vais briller au nom de tous les Sigmas.

SIGMA ENERGY - T2 - Le Brasier de la RébellionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant