Les Fleurs promettent...

Une de ces soirées type...

C'était lors de l'une de ces balades passionnantes en plein levé de lune, l'un accroché au bras de l'autre comme si la régularité de ses pas en dépendait. L'aura tamisée du ciel anciennement d'un cyan grisé d'hiver débordait sur les toitures de tuiles pour s'écouler dans les rues comme la pluie circule en rasant les trottoirs. L'air bourdonait au passage des avions, les charrettes soulevaient des halos de poussière à ras du sol tandis que les quelques passants fusaient de ça de là à la recherche d'un endroit où se cacher pour la nuit.

- ....

La petite tête pâle déglutit en passant près d'un vieux et son chien. Le clébard grogna en les voyant s'approcher si près de son morceau de béton et aboya même par trois fois avant que son maître ne le fasse taire d'une claque fébrile mais sèche sur le côté de la gueule. Yuu se tenait au bras de son aîné pour garder sa direction en verrouillant son regard sur le fou cabot qui l'intimidait tant. Ils étaient sortis depuis le noir matin et avaient d'ailleurs passé le plus clair temps de la journée à passer un pied devant l'autre pour se rendre jusqu'à la boutique d'instruments de musique dans la ville voisine. Le frêle adolescent était mort de fatigue mais se devait de rester digne. Il y a bien pire que de traverser une contrée en geta (chausses japonaises en bois) pour un objectif aussi enthousiasmant que l'obtention d'un nouvel instrument ! Il était heureux cependant, malgré ses petites blessures et cloques, d'avoir parcouru ce chemin en bonne compagnie. Ce dernier d'ailleurs ne disait rien depuis un bon moment, trop occupé à guetter les moindres recoins où pourraient se cacher des soldats mal intentionnés. Un vent froid courrait entre les murs et les frappait tantôt par derrière, tantôt par dessous, les cabbats de commissions pour le lendemain se laissaient tanguer à son rythme. Yuu se crispait et baissait le menton dans son écharpe à chacun de ces soupirs du froid, c'était un réflexe qui lui coûtait de trébucher, petit être maladroit qu'il est.

- Tu ferais bien de redresser la tête et de regarder où tu mets les pieds, tu vas finir par tomber.

Trop concentrer à sonder les environs, il ne se rendait pas compte du ton hostile qu'il avait pris pour parler au plus jeune. Ce n'est qu'en entendant son soubresaut et les légers cliquetis qu'il émettait en claquant des dents, le visage relevé et le corps droit, qu'il compris qu'il s'était exprimé de manière assez inappropriée pour un jeune aussi sensible à l'autosuggestion.

- Ou peut-être veux-tu que je te porte pour que tu puisses regarder encore plus bas sans craindre la terrible chute qui t'attend ? Comme ce matin, qu'il s'empressa de rajouter avec un petit sourire.

Yuu pinça les lèvres et lui donna un coup dans le dos en gardant une pose de combat avant de recommencer à marcher, soulagé de l'avoir entendu rire. Il souffla sur ses mains mais eu les doigts toujours plus pétrifiés lorsque le vent planta ses aiguilles sur l'humidité que sa bouche avait propulsé sur sa peau. Une petite plainte désagréable s'échappa de sa gorge.

- ...? À ce point ? On ne peut pas s'arrêter maintenant, sinon nous serons en retard pour le dîner.

La véritable raison étant bien sûr son inquiétude d'être arrêté et suspecté pour n'importe quelle raison. Les soirs d'hiver, les soldats vont se réchauffer l'intérieur à l'alcool en se dispersant dans toutes les petites échoppes ouvertes et ont parfois la bonne idée de descendre faire une petite escapade en groupe pour harceler les habitants sans motif particulier. Et on échappe pas à la loi si facilement. Yuu détourna le regard et plongea ses main dans ses poches, aussi froides que le reste de son corps maigrelet.

- Ça devient dangereux pour toi à ce stade non ? Aller, approche. Viens, ne t'en fais pas.. on va faire une pause. J'ai peur que tu tombes malade aussi fort que les autres fois, ce n'est pas le moment.