Silencieuse

82 5 1
                                    


Je voulais juste te dire ces choses que je n'ai jamais pu te dire de vive voix, parce que j'aurais voulu te le dire quand tu pouvais m'entendre, quand tu voulais m'entendre.


Comme un petit point dans l'espace infini. Je me suis perdue dans ce « nous » que tu me répétais. Tu étais belle comme un ciel étoilé, je t'aimais. Tu m'a sauvée, de la méchanceté humaine, tu m'a sauvée de moi même. Je voulais mourir mais tu m'as montré que la vie était plus belle que ce qui n'y paraissait. Tu m'as prouvé qu'un avenir était toujours possible. « Nous en sortirons, ensemble ! » Voilà ce que tu me disais, puis, tu m'embrassait. Je fermais les yeux et je me laissait emportée dans ton monde de couleurs, tes lèvres m'invitaient à te suivre.


Tu disais que mes lèvres étaient comme du miel, tu les aimais même si elles n'arrivaient plus à prononcer le moindre mot. Et ça tu le comprenais, tu n'essayais pas de me forcer à parler comme tout le monde le faisait.


Les gens ne nous aimaient pas, nous étions sales, différentes. Parce que toutes les deux, nous avions vu Madame la Mort de très près, toi contre ton grès, et moi parce que j'avais tenté de la rejoindre. Parce que tu étais aussi bavarde que j'étais muette. Parce que nous nous aimions, parce que ce n'était pas naturel. Mais tu t'en fichais tu souriais et tu m'embrassais, tu te fichais des regards mauvais, des commentaires désagréables et des insultes.


Et puis il y a ce premier jour que je n'oublierais jamais, nous étions toutes les deux assises au bord de la mer, nous nous tenions la main. On se regardait, un sourire flottait sur tes lèvres, je me suis noyée dans le bleu de tes yeux. On s'est embrassés et j'ai compris à ce moment là que je dépendais de toi. Notre premier baiser à durer une éternité. Ensuite, tu t'es levée, tu m'as entrainée dans l'eau, nous étions toutes habillées mais tu t'en foutais. Tu m'as portée dans l'eau comme une princesse et tu as regardé ce corps, maigre et abîmé qui moi me répugnait tant. Tu m'as appris à l'aimer. Tu as ris, tu m'as éclaboussée avec ta chevelure blonde. C'était beau. Tu m'as murmuré à l'oreille que tu m'aimais et j'ai acquiescé. Tu m'as envoutée. Je t'aimais. J'aurais tant voulu te le dire...


J'ai mal. Tu n'es plus là et ça fait mal, plus mal que tout ce que j'ai vécu depuis que je suis sur terre. Tu m'as fait croire qu'un avenir était possible, tu m'as menti. Tu m'as abandonnée. Je suis seule maintenant, vraiment seule. Mon cœur est meurtris, il saigne. Pourquoi ? J'ai mal de toi...



Elle avance, elle est maigre et peu de gens l'auraient qualifié de « jolie », pourtant c'était la petite amie de la défunte, elle ne parle pas, elle est bizarre. Cela doit être la raison pour laquelle le prêtre la regarde d'un air mauvais. Ses cheveux noirs cachent son visage, qui affiche une expression neutre. Elle s'approche du cercueil, elle regarde les dessins d'enfants posés sur celui-ci. C'est la petite sœur de la jeune fille allongée dans la caisse en bois qui les a dessinés.
La fille aux cheveux noirs s'accroupit, elle sort la lettre et la déchire en petits bouts, elle les disperse sur le cercueil. Elle se penche et murmure pour la première et dernière fois :

« Je t'aime Hanna... »

C'était la première fois qu'elle parlait depuis des années. Puis la fille s'enfuit en courant, elle sort de l'église, elle va à la mer. Elle court sur la plage et les larmes sortent enfin, elle hurle de douleur. Tous les mots qui étaient coincés en elle depuis si longtemps sortirent d'elle dans un long hurlement...



Tombe et meurs...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant