Partie 3 - Chapitre 4

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La salle était dans une ambiance très particulière : les murs étaient recouverts de boiseries, et des néons rouges illuminaient seuls la piste de danse. Au fond, un escalier menait à un carré VIP, et en face l'estrade avec le DJ.

Lola se dirigea droit vers l'estrade pour danser. Mory et Martin nous suivirent. La peau sombre de Mory s'éclairait des reflets rouges, et son sourire illuminait la piste. Martin regardait Lola danser son meilleur solo avec envie. Pourtant, il n'avait jamais rien tenté avec elle. Je me demandais si elle était au courant, elle ne lui adressait pas un regard.

Une jeune femme adressa un clin d'oeil à Mory qui l'invita à danser.

Je me décalai vers un groupe un peu trop chahutant, et je me rappelai mon dernier souvenir dans la foule du bar. J'étais mal à l'aise.

Un des garçons se retourna et commença à danser avec moi. Je ne le regardais pas, essayant de faire un regard explicite à Lola mais elle ne me voyait pas. Le danseur se rapprocha de moi, je ne savais plus trop ou m'éloigner. Je me retournais vers lui avec un petit sourire gêné, pour lui signifier que je voulais m'écarter. Il prit mes mains dans les siennes et me fit tourner comme une poupée. Mais merde, je n'étais pas une putain de poupée !

Je tirais sur ma main pour qu'il la lâche, ce qu'il fit immédiatement. Je me retournai, surprise, et je vis Federico face au danseur. Ce dernier fit le fameux geste de lever les mains en l'air, ce superbe geste de victimisation, et s'éloigna avec ses amis.

Je regardai Federico dans les yeux, désireuse de les lui arracher et de le remercier en même temps, même si j'aurai encore pu me défendre toute seule. Il m'indiqua une porte dans le fond, et je le suivis sans trop réfléchir.

Il composa un code sur la poignée et poussa la porte en bois. Nous atterrîmes dans une petite cour éclairée par un éclairage automatique. Je m'assis sur un plot en béton, et le regardais sans rien dire. Je ne le regardais pas vraiment, je nourrissais mes yeux de son image. Je l'avais presque effacé dans ma tête depuis Budapest. C'était tellement étrange de le retrouver ici. Il avait toujours son grand sourire, sa bouche charnue, ses dents étincelantes. Ses cheveux bruns, couleur chocolat chaud, sa peau bronzée, ses larges mains qui tenaient son téléphone. Il portait une fine veste, et plus son grand manteau d'hiver avec de la fourrure sur la capuche. Cette situation était vraiment étrange, comme si on ne s'était jamais quittés, et en même temps comme si on ne s'était jamais vraiment vus.

Il hésite un instant, puis rompt le silence.

- J'en déduis que t'es à Genève, dit-il.

Je le regardais, haussant un sourcil, le laissant avec un silence pour accueillir sa vieille blague.

- Je suis content de voir que tu vas bien, continua-t-il.

- Tu t'attendais peut-être à me voir me morfondre en me taillant les veines à cause de ton absence, ou alors te courir après et me jeter à ton cou telle une princesse en détresse ?

Il soupira.

- Je vois que tu n'as pas perdu de ta sale répartie.

Il me mit hors de moi. J'avais qu'une envie, déverser mes nerfs sur sa sale tête. Je voulais lâcher toute ma colère et ma frustration enfouie depuis plus d'un mois sur lui.

- N'essaye même pas de retourner la situation contre moi Federico. Vraiment.

- Ok. Qu'est-ce que tu viens faire en Suisse ?

Je levais les yeux au ciel.

- Vraiment ? Tu vas me faire la conversation comme si on était dans un salon de thé, là ? Va droit au but, j'ai autre chose à foutre.

- Oui j'ai vu ça.

- Pardon ?

- Tu as l'air très occupée.

- Parce que tu as cru que j'allais t'attendre tout ma vie comme Pénélope ? Mais t'es pas Ulysse espèce de chèvre, t'es pas parti dans une épopée, tu m'as juste ghostée comme une crotte.

Il souffla et se passa les mains dans les cheveux. Comme quand il est mal à l'aise.

- Tu vois, continuais-je, t'es là à me regarder comme un couillon, à me faire la conversation comme à une vieille amie de collège, à me lancer des vieux piques, mais t'es même pas capable de dire "je suis désolé de t'avoir laissée sans nouvelles Antonia". Ça serait le minimum pour venir me parler comme ça. Parce que sinon je n'ai rien à te dire.

- Je pensais qu'on pourrait être amis ?

Là c'était le pompon sur la Garonne.

- Pardon ? Amis ? Mais tu sais pourquoi on peut pas être amis ? Parce que les amis ont du respect et de la bienveillance les uns pour les autres. Et toi, mais regarde-toi. J'ai pas besoin d'amis comme toi.

- Ok, je suis désolé Antonia. Je n'aurai pas dû faire ça.

- Merci. Maintenant bonne soirée.

- Attends. Je suis vraiment désolé, je n'ai pas d'excuses. Je n'aurai pas dû te traiter comme ça.

Il me disait enfin les mots que je voulais entendre. Mais sans explications, ça n'avait pas vraiment de valeur. Je n'avais jamais voulu être son amie moi.

- Je te le confirme. Sauf que si tu n'as pas d'excuses, pas d'explications, qu'est-ce que tu veux ?

- Je...

Mon portable sonna. J'avais 5 message et 1 appel manqué. C'était Lola qui me cherchait.

- Je dois y aller. Je n'ai plus de temps pour toi Fed.

- Tu as bloqué mon numéro ? Me demanda-t-il.

- Oui.

- Mais pas sur les réseaux.

- Et alors ?

- Je vais t'inviter pour prendre un café demain, sois avertie.

Je haussais les épaules et parti retrouver mon amie.

Je retrouvais Lola au bar, elle resta un peu, attendant que Mory et Martin reviennent pour rentrer avec eux. Puis nous partîmes sans un regard en arrière.

Mais toute ma tête était envahie des images de Federico dans cette petite cour. Il était plus beau, plus charismatique que dans mes souvenirs. J'avais dû développer une force considérable pour ne pas me fondre dans ses bras. Mais ma fierté, mon amour-propre, et les semaines de souffrance m'en empêchaient.


Laisse tomber j'ai plus malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant