LETTRE 6 (J+40)

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Très chère Niki,

Ils cherchent à nouveau des coupables, et je déchante. Ne comprendront-ils jamais qu'il a autant de coupables que d'innocents ?

Je ne suis pas un spécialiste du harcèlement scolaire, mais je l'ai vu, je l'ai observé de nombreuses années, je l'ai évité, je l'ai esquivé comme on fuit une maladie contagieuse qui finira de toute manière par nous toucher.

Je l'ai caressé aussi, je l'ai embrassé quand il avait pris foyer au creux de ton coeur trop grand, trop accueillant. Je l'ai haï de m'avoir enlevé une amie hors pair. Puis finalement, j'essaie de l'oublier.

Ce n'est pas le bon comportement, tu te le dis peut-être .

Mais je vais changer de lycée, et c'est un choix de mes parents après tous ces drames. Pourquoi ont-ils fait ce choix ? Eh bien, c'est en lien avec quelque chose que j'ai fait et que je n'aurais peut-être pas dû faire. Il paraît que je suis encore trop jeune pour le regretter...

Il y a exactement quarante-six heures, je suis sorti de chez moi, et je crois que j'avais un peu bu. Je suis allé au bahut. C'était si silencieux... Les élèves gardaient le même silence que celui qu'ils avaient maintenu le lendemain de ton suicide.

Je ne ressentais pas le besoin de te rendre justice. Non, c'était à moi que je devais rendre justice, et comme j'étais la cause de mes propres ennuis, je suis allé le voir.

Je ne sais pas son prénom, je ne sais pas non plus s'il est aussi mauvais qu'il ne semble l'être, mais je l'avais vu se battre avec Andrew. Il savait se battre. Que demander de plus ?

Je l'ai poussé, et je l'ai insulté.

He bien, tu aurais peut-être du mal à imaginer la scène, tu m'as toujours connue pacifique, mais j'avais besoin que quelque chose se passe, une étincelle pour me réveiller de ma léthargie. Tu as toujours été mon unique étincelle, alors je devais trouver une autre étincelle.

Il m'a frappé en retour. Il était plus fort que je ne le serai jamais, mais je me défendais peu. Je crois qu'il m'a fait mal, mais je ne lui en veux pas. Je le méritais, je suppose.

Huit points de sutures, une côte cassée, une dent en moins et un oeil au beurre noir.

Et après tout cela, tu t'éloignais au loin, sereine. Ton profil se dessinait dans les abysses de mes cruelles songeries. Où es-tu maintenant ?

Je ne sais pas exactement ce qui te rendait lumineuse, mais une chose était certaine, ta lumière interne surpassait tout Soleil... C'était toi, le soleil de ma vie, et tu t'es éteinte comme meurt le jour, disparaissant dans les reliefs pâles de notre idylle. Où es-tu maintenant ?

Ton odeur encrée en moi avait déclenché plus d'un tempête, plus d'un naufrage... Cette odeur, qui avait tantot arrosé les lilas du paroxysme de notre passion, qui avait tantôt noyé les coquelicots au creux de mes larmes ....

Et à présent, j'hésite entre oublier toute cette histoire, ou vivre à jamais dans ce passé qui commence à me ronger de l'intérieur. Tu sais, ma pire hantise, serait que ton prénom ne m'évoque plus toute l'affection qu'il évoquait dans le passé, et que le visage que tu as figé à l'aide de quelques maudites pillules, appelle au secours dans mes cauchemars jusqu'à la fin des temps.

Je t'aime.

Et je ne cesserai jamais de t'aimer.

En mettant fin à tes jours, tu as fait de moi un fantome qui vit sur les traces de ton trépas. Je ne t'en veux plus.

Mais je ne peux plus me permettre de respirer au souvenir du ryhtme de tes respirations. Tous ceux qui l'ont fait, aujourd'hui sont tombés plus bas encore qu'ils ne l'étaient lorsqu'ils se moquaient de toi.

Je t'aime Niki...

... Mais ceci est un adieu.

SANDY .

très chère NikiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant