I. Quel meilleur jour que celui de sa naissance !

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Le développement psycho-physique à l’enfance n’est pas inné, d’ailleurs les dernières études en la matière le démontrent,  au vingt et unième siècle l’on dit que c’est un traumatisme insurmontable que de simplement sortir par cet orifice sentant tant tôt le poisson pourri, tant tôt le vomissement physique involontaire. Ce dernier est celui qui caractérise mon arrivé dans ce fabuleux monde que nous vivons. C’est le 19 août 1969 que j’ai fais mon apparition, jour pour jour le mois suivant le premier pas de l’homme sur la lune. Le traumatisme du vomissement n’en a pas été un pour moi, ou plutôt selon les thérapeutes, « une première confrontation à la peur du non-amour inconditionnel ».

Castillos, Uruguay, laissé pour mort et enfermé à ma naissance dans un poulailler au fond d’un terrain vague appartenant à ma grand-mère biologique, d’ailleurs c’est l’endroit où j’ai perdu mon cordon ombilical. Elle a dû me lancer là par peur de me tuer directement, je pense.

Inconsciemment j’ai dû apprendre la survie. Heureusement même à la naissance j’étais plus grand qu’une poule, de plus elles avaient peur de moi je crois. Un enfant qui n’est pas stimulé est normalement un enfant mort. Personnellement j’étais plutôt silencieux, attendant je ne sais quoi, je ne sais qui.

Les poules sont souvent associés au terme papa poule ou maman poule et cela à joué en ma faveur car effectivement elles réagissent de la sorte, j’ai été donc couvé et nourri par elles, mais mon plus grand apport nutritionnel journalier a été grâce à une personne qui me nourrissait en cachette. Elle devait se battre parfois avec mes mères du moment pour pouvoir m’approcher, tout en faisant attention de faire le moins de bruit possible, pour que ma grand-mère ne se rende pas compte de l’intrusion. Une fois cette personne c’est fait prendre la main dans le sac, elle a pris ses jambes à son cou. Devinez qui est resté tout seul devant la bête.

Ma grand-mère était une femme aux traits marqués et de forte corpulence, elle portait des robes de tissu à fleurs mal coupées, sa ménopause ne lui posait aucun problème apparent, sauf une moustache grise qu’elle ne tentait pas d’épiler, elle avait, je me souviens aussi des mains de camionneur et sentait la lavande d’un parfum bon marché. 

Après cette parenthèse sur ma super grand-mère, nous en étions où elle a découvert qu’une personne me nourrissait en cachette, ce jour là, elle m’a saisi violement par un bras puis m’a lancé sur une vieille chaise à bascule. Il valait mieux pour moi de me tenir à carreau. J’avais simplement l’impression que l’amour c’était ça, enfin j’avais chaud, et pour moi cela suffisait. Elle m’a gardé comme cela pendant deux ou trois jours, me lançant au grès de son humeur quelques trucs à manger, jusqu’au moment où ma vessie ne tenait plus et je me suis déversé sur sa vieille chaise. J’ai été littéralement tabassé, puis retour case départ, pour ne pas dire dans ma chambre « le poulailler ».

Je n’ai jamais appris à marcher pour des raisons évidentes, ni n’ai pu apprendre à parler. Ne sachant ni marcher, ni parler, c’est à l’âge de trois ans que je suis sauvé in extremis d’un incendie qui ravagea la totalité du poulailler et ses alentours. Je me suis longtemps demandé que serrais-je devenu aujourd’hui si le feu ne s’était pas déclenché, bref, enfin ça bouge et heureusement pour moi cette personne de l’hombre signala ma présence au fond du terrain.

Je suis alors remis aux autorités qui décidèrent de m’euthanasier. Effectivement sous une instabilité politique en Uruguay depuis le début des années soixante il n’y a pas de place pour un individu ne sachant ni se déplacer ni communiquer. En décembre 1972, Osmarino, le président du Club Juventud de Castillos, Uruguay, apprend l’histoire de ce gamin qui a failli mourir brûlé et qui se trouvait au commissariat du village. Il décide de l’acheter aux autorités pour le donner à l’adoption. Sa fille, Raquel, l’adopte. Vous aurez compris dès lors que tout ne faisait que commencer. Raquel ma maman est mariée à un homme alcoolique qui pour seule distraction aimait aller au bistrot du coin et descendre une multitude de « chupitos » « de coups à boire » et me mettre un pain ou deux avant de sortir de la maison en claquant la porte, ma maman ne supportait plus cette situation de femme battue et décida pour ma sécurité et la sienne de partir à l’étranger pour trouver une meilleure vie.

L'ENFANT SOUS LA MAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant