Les fils du destin

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Les fils du destin.

Katelyn entrebâilla la lourde porte de chêne menant à la cuisine. Un sourire carnassier éclaira son visage.

La cuisine était une large salle au plafond voûté où des lanternes de cuivres pendaient. Sur les murs était accrochée une vieille tapisserie fleurie qui datait sûrement du Moyen Âge et le vieux parquet qui craquait faisait ressortir l'aspect bois de la pièce. Tout au fond se trouvaient des vaisseliers contenant de la porcelaine fine qu'on ne sortait qu'aux repas de famille et autres grandes occasions. Anne, la cuisinière mettait le couvert pour le déjeuner ce qui ne lui laissait que cinq minutes pour chercher ce qu'elle voulait. À pas de loups, Katelyn s'approcha d'un des meubles contenant la vaissellerie. Tout en haut, un bocal trônait rempli de bonbons et de chocolats. Sa mère avait récompensé Ernie des corvées qu'il avait effectué sans faire de bêtises. La petite fille n'y avait pas eu le droit à cause du pétard du docteur Flibuste qu'elle avait mis dans le jus de citrouille de sa mère.

Katelyn avait beau sauter et se mettre sur la pointe des pieds, le bocal était trop haut. Avec le sourire malicieux qui annonçait qu'elle allait faire une bêtise, elle cala ses cheveux de jais derrière ses oreilles et posa un pied sur l'étagère située le plus bas. Au fil de son ascension, elle s'inquiéta. Il fallait qu'elle se dépêche de filer avant que la cuisinière ne revienne. Enfin, elle attrapa les friandises et poussa un cri de joie. Katelyn se laissa tomber mais une assiette tomba avec elle et se brisa dans un grand fracas. La fillette murmura un juron que son père disait quand il était énervé.

-KATHELYN !

L'intéressée échappa un deuxième juron avant de courir vers la porte de sortie. Malheureusement, elle n'avait pas été assez rapide car elle tomba sur une Anne, rouge de fureur qui fonça sur elle pour l'attraper. Katelyn esquiva et monta debout sur le bar. Elle réussit à atteindre le couloir et ferma la porte brusquement pour ralentir la cuisinière. Sans vraiment savoir où aller, elle ouvrit une porte et pénétra dans la pièce. Elle s'arrêta une demi-seconde: c'était le bureau de son père et il lui était formellement interdit d'y pénétrer.

La pièce, se trouvant dans une tourelle du manoir, était ronde. Au fond se trouvait une cheminée où brûlait un bon feu ajoutant de la chaleur en ce mois de février. Sur les autres murs il n'y avait que des dossiers et de la paperasse. Au centre se trouvait le bureau. Il était en bois d'if, possédait des nombreux tiroirs contenant plumes, papier vierge, presse document...etc. Et un bout de parchemin trônait au centre couvert d'une écriture soignée. Et il y avait le fauteuil. Il était haut, en cuir et il avait l'air très confortable. Mais sur le fauteuil, il y avait quelqu'un.

Jimmy Macmillan, avec son nez droit, ses soyeux cheveux châtains, ses yeux noisettes, de la même forme que ceux de ses enfants, imposait le respect. À cause de son haut poste au ministère, beaucoup pensaient qu'il ne se souciait guère de sa vie de famille. Mais Katelyn savait que c'était faux. Son père adorait passer du temps avec elle et Ernie et chérissait sa femme au plus haut point. C'était un homme bon et généreux.

La petite fille se mordit les lèvres et avoua :

- J'ai volé les bonbons d'Ernie mais je les ai pas tous pris. Le truc c'est que j'ai cassé l'assiette préférée d'Oncle Bilius, celle avec le cœur d'une marguerite remplacée par une tête de femme et maintenant Anne me court après pour me punir... Je sais que ce n'est pas bien mais ils avaient l'air si bon mais s'il te plaît papa je peux me cacher derrière toi... implora Katelyn.

Elle fit ses yeux de chien battus qui faisaient craquer tout le monde sauf la cuisinière et son frère. Son père resta un instant interdit avant d'éclater de rire.

- Évidemment ma fille ! Dépêche-toi de te cacher ! J'étais pareil à ton âge, toujours à faire une bêtise...

Jimmy s'accorda un moment de nostalgie, les yeux dans le vague tandis que sa fille courut se cacher derrière le fauteuil en remerciant Merlin intérieurement. Il se reprit bien vite quand on toqua frénétiquement à la porte, faisant semblent d'être plongé dans son travail. L'homme annonça d'une voix claire que le visiteur pouvait entrer.

Au bord du gouffreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant