Chapitre 18 - "Ce n'était pas ta guerre"

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Un cri de colère déchira le ciel derrière eux et un souffle puissant balaya la terre entraînant leurs corps par la même occasion. Pour la énième fois, Salomé fut projetée sur le sol, mais cette fois-ci, elle se retrouva hors du champ de bataille, dans un fossé sur le côté latéral. Le profil de Melchior, furieux, se relevait. Sélène avait rejoint Kal-El et tentait de l'aider à se mettre debout. Elle fut surprise du pouvoir que cette femme possédait. Était-ce son pouvoir de l'esprit qui s'était manifesté ? Une chose était sûre, elle veillait sur Kal-El comme une femme sur son mari. Comme une femme amoureuse de son mari.

Pendant ce temps, la machine verte s'était renversée, mais les hommes de Melchior se pressaient déjà pour la remettre sur pieds. Le calme ne dura pas longtemps. Son rayon inonda à nouveau le champ. Les yeux de Melchior exultaient de rage. Son visage entier se tordait sous sa fureur. D'un signe de tête il envoya plusieurs hommes se débarrasser de Sélène qui leur cracha à la figure. Elle lâcha Kal-El sous le poids des hommes et le tranchant de leurs lames.

Mais il ne s'effondra pas. Son corps debout, les épaules légèrement voutées, était tourné vers le commandant. Horrifiée, Salomé contempla la peau de ses mains et de son visage se détacher en centaines de petites poussières, sous l'effet de la kryptonite. Un rictus étira le coin de ses lèvres et, dans un dernier effort, ses yeux se teintèrent de rouge. Le rayon partit en même temps que le jet vert de l'arme de Melchior. Les deux faisceaux se rencontrèrent et s'affrontèrent. Autour, le combat s'était arrêté, tout le monde patientait. On attendait de connaître le dénouement de cet affrontement. On attendait de connaître le gagnant. Les Kryptoniens, effondrés, semblaient s'être vidés de leurs forces. Salomé aperçut Rhodri au loin, inerte. Comment Kal-El faisait-il pour rester debout ?

Sans hésiter, Salomé banda à nouveau son arc. Son coude, sollicité par le mouvement, lui arracha une grimace de douleur. Sa main tremblait. Elle décocha. La flèche fila tout droit et alla se planter dans le casque de Melchior. L'homme tituba, visiblement surpris, et posa un genou à terre sans baisser son arme. Une seconde flèche partit. Cette fois-ci, sa main, devant la matière en verre de sa bulle de protection, fut transpercée. Un rugissement de fauve s'en échappa. A quelques centimètres seulement de l'engin vert, il s'effondra sous la puissance du cristal et du rayonnement rouge des yeux de Kal-El qui le traversa. Il était mort.

Salomé eut à peine le temps de reprendre son souffle qu'elle sentit le regard de Kal-El sur elle. Ses yeux la fixaient d'une étrange lueur. Au même moment, des hommes en uniformes des forces spéciales alliées se ruèrent sur la machine verte et l'emmenèrent au loin alors que d'autres repoussaient les Kryptoniens dissidents dans leur retranchement. Plus ils éloignaient la kryptonite, moins la peau de Kal-El se désintégrait. Son regard, toujours planté sur Salomé, s'arrondit brusquement, comme s'il venait d'apercevoir un fantôme. Au même moment, la jeune femme sentit une lame s'enfoncer dans ses cotes. Surprise, elle laissa échapper un léger cri.

« Tu n'aurais pas dû faire ça ».

Le sang de Salomé se glaça. Elle fixait la bouche de Kal-El se mouvoir au loin, et tout son corps tenter de la rejoindre. Rhodri retira le poignard qu'il venait de dégainer du corps de la jeune femme. Sa voix avait raisonné étrangement. Il lui fit face, le visage fermé.

« Ce n'était pas ta guerre », répéta-t-il.

« Pourquoi ? », murmura-t-elle du bout des lèvres, stupéfaite.

« Nous ne sommes que des sous-hommes sur Oyessa... » commença-t-il. Mais il fut emporté avant de terminer sa phrase. Kal-El s'était jeté sur lui. Les deux hommes roulèrent sur plusieurs mètres, arrachant de longs lambeaux de terre sur leur passage. Kal-El prit l'ascendance et attrapa le col de Rhodri avant de le frapper puissamment. Son corps, roué sauvagement de coups, s'enfonçait de plus en plus dans le champ. Puis, il le souleva et s'envola avec lui, avant d'abattre un vigoureux coup de poing sur sa mâchoire. Rhodri s'étala de tout son long et ne bougea plus. Un rayon rouge s'abattit sur son torse.

Le corps de Kal-El, voûté sur celui sans vie de son ami, était secoué de tremblements. Les larmes montèrent aux yeux de Salomé. Un silence sinistre venait de tomber. Melchior était mort et maintenant Rhodri. La jeune femme, éreintée, se laissa aller contre le sol, à bout de souffle. Mais bientôt, une main puissante lui ôta précautionneusement son armure tandis qu'une autre la maintenait en position assise. Ce n'est qu'au moment où elle vit la main en sang de Kal-El qu'elle réalisa. Elle leva les yeux vers lui, anxieuse. Ses iris à lui, semblaient bouleversés. Son masque impartial s'était fissuré. Son front, plissé, donnait à son visage une image de gravité. Ses lèvres granitiques tressaillaient. Elle était blessée, mais elle ne souffrait pas. Elle ne sentait même pas son corps. Il la souleva dans ses bras.

« Glyn ! », rugit-il. Il marchait, mais ne savait pas où il devait aller. Le jour s'était installé et le vent rugissait à travers les arbres autour.

« Glyn ! », s'époumona-t-il encore. Sa voix, grave, semblait supplier.

Du bleu. Un bleu de méthylène, pigmenté, vif. Un nez droit, proche du sien. Un menton anxieux. Voilà à quoi ressemblait la dernière vision de Salomé avant que ses yeux ne se ferment.

Un avenir incertainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant