Prologue

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Berlin, décembre 1941.




Une longue baguette fine en bois à la main, l'institutrice déambulait devant le tableau. Assise tout au fond, à gauche de la classe, mon regard s'était fixé à la fenêtre. Ma main soutenait ma tête, et mon coude était posé sur la table. Je contemplais les flocons de neige qui flottaient dans l'air. Je n'avais qu'une envie : sortir de la classe, de courir et de sauter dans la neige épaisse.


- ... Ainsi, notre armée libère les territoires de l'Est qui sont peuplées d'inférieurs et de sous-hommes pour le bien être de notre race... Fräulein ! Frau Wolf frappa soudainement sa baguette sur ma table, je sortis de mes pensées en sursautant. Je ne l'avais même pas vu arriver. La neige vous intéresse-t-elle plus que les triomphes de nos troupes ? Ses mains se rejoignirent derrière son dos.

Je me levai brusquement, en gardant la tête bien haute.

- Non Frau Wolf.


- A votre âge, vous devez vous
préoccuper de votre devoir au sein de votre patrie, pas du temps qu'il fait à l'extérieur. Asseyez-vous. Je repris ma place sans la quitter des yeux. La femme aux cheveux gris remontés en chignon sur sa nuque, s'éloigna de moi. Elle m'énervait tellement... C'est valable pour vous toutes. Vous n'êtes plus des enfants. Il est de votre devoir de servir la nation et la communauté, vous portez les valeurs du national-socialisme n'oubliez jamais cela.




- Oui Frau Wolf. Répondit toute la classe.



- Bien. C'est tout pour aujourd'hui Mesdemoiselles.




Je rangeai mes affaires dans mon cartable en cuir brun, puis attendis Henrike, ma meilleure amie devant la salle de classe. Elle était lente, très lente. C'était toujours elle qui sortait en dernière. Nous sortîmes de l'établissement avec qu'une seule hâte, celle de rentrer chez nous après cette longue journée épuisante. La neige craquait sous nos bottes noires. La châtaine marchait à mes côtés en serrant les bretelles de son cartable. Mais la fatigue ne pouvait pas nous empêcher de nous amuser.



- Henrike ? Dis-je en m'inclinant vers le sol afin de prendre de la neige pour la former en une boule.

- Oui ? Je m'arrêtai brusquement. Henrike fit encore quelques pas avant de s'arrêter à son tour et de se retourner. Le sourire aux lèvres, je jetai la boule de neige sur son visage, avant de me mettre à courir de toutes mes forces. Elle rit et fit de même. Sans le vouloir, je poussai une femme. Elle commença à râler, mais j'étais déjà très loin d'elle pour l'entendre davantage. Nous courûmes vers nos demeures sans nous arrêter. Henrike habitait dans une petite maison, quelque rue après la mienne. Haletantes, nous arrivâmes presque devant ma demeure, mais quand tout à coup, à quelque maison de la mienne, je glissai brusquement et tombai au sol.


- Oh merde ! S'écria mon amie en s'agenouillant près de moi. Est-ce que ça va ? Elle m'aida à me lever. Je tapotai mes mains et regardai mes genoux. Mes bas en laine grise s'étaient déchirés et il y avait un peu de sang sur mes genoux.


- Oui ça va. Combien de fois j'étais tombée ? Durant toute mon enfance à vrai dire. Ce n'était pas des écorchures accompagnées d'éraflures qui allaient m'empêcher demain d'assister au cour de gymnastique. Nous avançâmes lentement vers ma maison, mais nous fûmes interrompues par un groupe de trois garçons de la Hitlerjuged qui venait de traverser la route. Ils avaient peut-être dix-sept ou dix-huit ans, et ils étaient beaux, très beaux. Grands, les cheveux pommadés, leur regard fier et hautain... Je connaissais ces garçons de vue. Ils avaient pour habitude de se promener avec les aînées de notre classe.


- Où allez-vous les filles ?



- Chez nous. Répondis-je sèchement en regardant devant moi. Je serrai davantage les bretelles de mon cartable.



- Venez vous promener avec nous. Dit le brun. Il est encore tôt...



- Non. Le coupai-je. A ce moment précis, les garçons nous faisaient peur. Nous nous sentions comme deux agnelles au milieu d'une meute de loups. Henrike et moi, n'étions pas à l'aise avec les garçons, nous étions très timide, très réservées pour cela.

- Allez...

- Vous êtes sourds ? On vous a dit non ! Hurla presque Henrike. Elle prit mon bras, et me fis passer devant elle.


Me voyant boiter légèrement, leurs yeux descendirent sur mes genoux ensanglantés et un sourire malsain se dessina sur leur visage.



- Ernst, elle est passée dans ton lit ? S'exprima à nouveau le brun. Les garçons se mirent à rire bruyamment, sauf un. Celui qui était tout à droite. Le blond rougit et baissa sa tête. Ce garçon devait sûrement être Ernst, enfin peu importe. Je n'avais pas compris le sens de cette phrase, mais mon amie semblait avoir comprit. Nous continuâmes notre route, et le trio s'éloignèrent. Je me retournai pour voir le blond, mais il n'était plus là.



- Quels imbéciles... Cracha la châtaine. Arrivées devant la grille de ma demeure, j'aperçus ma sœur aînée Erika, me regarder derrière la fenêtre de la salle de séjour.


- Bon je te laisse Henrike... A demain. Dis-je sans quitter des yeux ma sœur.



- Au revoir Hilda.


J'ouvris la porte du portail, m'avançai vers le petit perron et ouvris la porte. Erika apparut les bras croisés. Elle regarda mes genoux et eut un sourire moqueur.


- Quelle gamine que tu es... Tu va bientôt avoir quinze ans et tu continue à t'amuser comme une enfant.


- En quoi tomber est mal ? Et j'ai le droit de m'amuser non ?


- Tu n'es plus une gamine Hilda. Sors rencontrer des garçons, sois un peu une femme !

Une femme ? Sérieusement ? Pourquoi tout le monde m'imposait d'aller voir des garçons ?


- Pour être une femme, je n'ai pas besoin de courir derrière les hommes comme toi.



Prise de fureur, je montai à l'étage en faisant en sorte que chacun de mes pas, fasse du bruit. Je sais que cela énervait beaucoup Erika, et c'est ce que je voulais faire, l'énerver.


J'étais très jalouse de ma sœur. Elle était cinq ans de mon aîné. Grande, les yeux bleus, les cheveux si clairs, qu'ils étaient presque blancs... Comparée à elle, je trouvais les miens pas assez clairs. Pourtant, mes cheveux étaient bel et bien blonds. Erika était à mes yeux la définition de la beauté. Tout les garçons lui courraient après, et elle en profitait.

J'avais pas le même caractère qu'elle. Je n'osais même pas regarder dans les yeux d'un garçon tandis qu'elle, les déstabiliser.


Ce jour là, nous étions seules dans notre maison. Notre mère travaillait dans une brasserie, à l'Est de la ville.
Et notre père... Notre père avait été mobilisé il y a quelques mois de cela au front de l'Est. Il me manquait terriblement. Mais je savais qu'il allait rentrer, j'avais espoir, puisque les nouvelles étaient bonnes.

Notre grande armée gagnait chaque jour davantage du terrain.

J'étais si fière de ma patrie, si fière du Führer... Grâce à lui, l'Europe se soumettait à nous.





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J'espère sincèrement que l'histoire vous plaira ! N'hésitez pas à me donner votre avis, merci ❤️

L'Ange de l'Enfer Où les histoires vivent. Découvrez maintenant