Beauté Mortelle

Beauté mortelle

Je m'étais toujours demandée comment une relation saine aux premiers abords pouvaient tourner au drame, devenir une succession d'insultes, une rouée de coups et parfois se terminer par la mort. Comment un homme et une femme en arrivaient-ils là ? Tout commençait par une rencontre, je supposais. Un bel homme, propre sur lui, qui donnait rendez-vous à cette femme élancée croisée au tournant d'un bar, avec cette femme dans leur regard s'étaient croisés. Le coup de foudre, comme on dit. La femme acceptait le rendez-vous, flattée par l'attention que lui portait cet homme qui semblait sincère. Les deux se rencontraient autour d'un dîner, créaient des affinités et se quittaient pour au final se revoir quelques jours après, finissant cette fois leur entrevue dans une chambre d'hôtel, sans vêtement. 

Oui, c'était comme ça que commençaient la plupart des relations. Par une rencontre romantique, atypique, digne d'un des plus grands films hollywoodiens. 

Alors j'avais planifié une rencontre. J'avais cherché un bar un peu huppé, moderne, aux couleurs vives, puis j'avais revêtu mon plus bel accoutrement. Un chemisier blanc légèrement transparent laissant entrevoir mon sous-vêtement rouge criard en dentelé délicat. Puis une petite jupe. Mignonne, mais courte. Une jupe noir à froufrous, légère, surmontée d'une ceinture en cuir à grosse boucle. Le tout complété par une paire de bottines à talons et un joli petit maquillage. Rouge à lèvre pétant, mascara, coiffure élaborée et sac discret. J'étais fin prête.

Dans le bar que j'avais repéré quelques jours auparavant, j'ai guetté l'arrivée d'un bel homme. Il est arrivé peu après, seul. C'était le cadre parfait. Chasse ouverte. 

Sa bière lui servant de seule compagnie, j'ai étendue mon immense sympathie jusqu'à lui pour engager le dialogue :

-Une bière ? Un homme buvant seul au bar est un homme triste ou tourmenté. Que vous arrive-t-il ?

C'était comme ça qu'on commençait une relation : faire bonne impression, séduire, intriguer, marquer les esprits. Il avait plongé ses prunelles aux couleurs tropicales au fond des miennes et avait souri. Souri. Les maille du filet venaient juste de se refermer autour de ma proie.

Chasse fermée.

-Rien de grave, Beauté.

Ce soir là avait été le soir de notre rencontre et le début de notre histoire. De notre histoire qui allait tourner au drame.

Conformément aux rencontres idylliques, nous nous étions revus quelques jours plus tard, dans un chic restaurant lors d'un dîner aux chandelles. Il avait payé, puis proposé de me ramener chez moi. C'était tout naturellement que j'avais accepté, un sourire hypocrite collé aux lèvres. Mais il n'y voyait que du feu. Le trajet en voiture jusque chez moi fut tendu. L'air ambiant était étouffant, saturé d'ondes sexuelles et de décharges électriques témoignant de l'attirance régnante entre nos deux corps qui s'appelaient. Comme je l'avais prévu, le retour chez moi ne s'était pas soldé par un simple au revoir bienséant et courtois. Non, cette rencontre était devenue débauchée et avait fini au milieu des draps, en deux corps nus échauffés s'unissant de la plus intime des manières. 

Puis il était rentré chez lui tout guilleret, satisfait de la tournure que prenait cette rencontre. Il pensait que nous pourrions construire quelque chose, que nous sortirions au restaurant tous les samedis, que nous regarderions des films sous un plaid bien au chaud dans notre canapé après une soirée pizza, ou encore que nous fêterions la Saint Valentin avec de jolis pétales de roses dans tout l'appartement. Loin de lui était l'envie d'imaginer une fin bien moins heureuse, un peu plus... Drastique.