Chapitre 7

9 2 0
                                    

Nathaniel regardait son téléphone. Il le fixait longuement, sans bouger. Des fois, il l'éteignait brusquement, effrayé par son propre comportement. D'autres fois, soucieux, il le rallumait et filait vers la section SMS, avec la volonté d'envoyer un message à Adrien. D'après les informations qu'il avait amassé de son côté, le blond avait assez de pouvoirs pour pouvoir arrêter son ami...ou pas. Il ne savait vraiment pas. Mais s'il y avait bien une personne qui était apte à lui faire face, c'était bien le Chat de Nabeshima.

Nathaniel inspira. Et si... et s'il rédigeait simplement le message. Sans l'envoyer. Juste au cas où ? Il n'y aurait aucune complications par la suite, de toute manière, il était sûr de ne jamais l'envoyer. Marc était sans doute un être avec du bon sens contrairement à ce qu'il laissait croire, non ?

Le rouquin prit son téléphone et, les doigts tremblant d'angoisse et d'excitation en même temps, il se mit à taper ledit message. Il y donnait sa localisation ainsi que toutes les informations essentielles à la compréhension élémentaire du jeune blond. Et il espérait du fond du coeur qu'il pouvait lui faire confiance pour qu'il ne fasse aucun mal à Marc. Il était tellement inquiet au sujet de son ami qu'il réécrit l'incitation à ne pas toucher un de ses cheveux plusieurs fois pour être sûr d'être compris.

De la sueur coulait le long de son échine. Tous ces meurtres...il ne pouvait les considérer par sa faute car il n'avait jamais été l'instigateur de quoi que ce soit. Mais...c'était bien pour ''le protéger'' que Marc avait commis tous ces actes. Qu'est-ce qu'il pouvait en dire ? Rien ? Pas grand-chose ? Pris de doute, il réfléchit à nouveau. Etait-ce de sa faute ? De la faute de Marc ? De la faute des victimes ?

Ah si seulement Ivan ne lui avait pas donné cette tape amicale sur le dos au moment où Marc sortait de son cours de littérature ! Nathaniel, par sa faiblesse légendaire, s'était littéralement écrasé sur le sol. Et Marc n'avait pas supporté cette vue, même après avoir observé Ivan se fondre en excuses devant Nathaniel en essayant de l'aider à se relever.

_ Peu m'importent les circonstances, avait déclaré l'Aitvaras en passant par réflexe sa langue sur ses dents normales à ce moment-là. Si je te vois en position de faiblesse, je ne le supporterai pas et j'éliminerai le coupable de cette horreur sans faute. Tu peux compter sur moi.

On ne l'aurait jamais dit à première vue. Marc avait l'air d'être un petit humain inoffensif qui ne souhaitait de mal à personne. Et pourtant, il restait un dangereux Aitvaras, né de légende lituanienne. Mais contrairement à ce que la mythologie prétendait, il ne ressemblait pas à un coq blanc ou noir avec une queue ardente, semblable à une météorite. Il avait une apparence draconienne lorsqu'il se mettait dans une colère noire. Pas très grand mais si violent qu'il en faisait trembler même le vent et les arbres aux alentours.

Marc avait pris Nathaniel sous son aile, de manière définitive et totalement arbitraire. Dans la légende, un Aitvaras fournit à sa famille d'adoption de l'or volé et des céréales, et provoque fréquemment des problèmes dans la maisonnée. Pour Nathaniel, ce n'était pas des problèmes mais des catastrophes.

Un bruit léger se fit entendre dans la maison de Nathaniel. Ce dernier releva la tête et découvrit Marc, debout, pieds nus, devant lui, un doux sourire aux lèvres. Sur les bras, il tenait une boîte de bonbons qu'il tendait à Nathaniel avec une mine pleinement réjouie.

_ Où est-ce que tu l'as eu ? demanda Nathaniel suspicieux en cachant brusquement son téléphone derrière son dos, sans l'éteindre.

_ Qu'est-ce que tu crois ? Je l'ai acheté, répondit le garçon un peu étonné par la figure de son ami.

_ Ah, laissa le rouquin échapper.

Un peu dubitatif, Marc s'avança vers son ami et s'assit sur le même lit, en tailleur. Ses pieds nus étaient noirs charbons de poussière mais il ne s'en souciait guère tant que Nathaniel ne lui faisait aucune remarque là-dessus.

_ Qu'est-ce qu'il t'arrive Nathaniel ? Quelqu'un t'a fait du mal ? Dis-moi qui c'est, je m'occuperai de lui apprendre de quel bois se chauffe Nath !

_ Personne ! l'interrompit brusquement son interlocuteur. Personne ne m'a touché. Personne ne peut me toucher tant que je reste enfermé ici !

Marc cligna un instant des yeux, un peu surpris avant de rétorquer tout doucement :

_ Mais tu n'as pas à rester cloîtré ici. Sors si tu le souhaites, je te protégerai...

_ Non ! Ne me protège pas ! Laisse-les tranquilles !

L'Aitvaras fronça violemment les sourcils. Il avait la furieuse impression que quelqu'un avait menacé son ami. Ou que quelqu'un lui avait fait du mal. Et il n'arrivait pas à l'accepter. Un feu connu que de sa personne s'alluma et brûla le reste de son bon sens. Ses yeux clignèrent une, puis deux fois et changèrent d'expression. Mais il sursauta et revint à la normal en entendant Nathaniel faire ce qui lui semblait être une crise d'hystérie :

_ Non ! Arrête Marc arrête ! Ne va nulle-part, ne tue personne, je t'en conjure ! Personne ne m'a parlé ces deux derniers jours. Rien ni personne !

Marc attrapa délicatement la main de son ami et lui souffla :

_ Pourquoi tu te comportes comme ça alors ? On dirait que quelqu'un te fait du mal. Qu'est-ce qu'il t'arrive Nathaniel ? Comment est-ce que je peux t'aider ?

Ce dernier tourna la tête violemment de droite à gauche et retira sa main puis serra les poings. Involontairement, le message d'alerte s'envoya. Une petite notification tinta lorsqu'Adrien vit l'SMS.

Nathaniel écarquilla les yeux et mit le téléphone devant lui et vit que le message s'était envoyé, indépendamment de sa volonté. Son visage perdit des couleurs, une sueur froide le foudroya et le rouquin jeta son téléphone loin de lui et recula, dans un coin de son lit, désespéré et au bord des larmes.

Intrigué, Marc jeta un coup d'oeil inquiet au roux avant de se lever silencieusement et de ramasser le téléphone de son ami. Il le déverrouillage facilement et aperçut la conversation numérique. Et ce fut à son tour d'écarquiller les yeux...du stupeur puis de colère.

Marc lut puis relut le message. Il n'arrivait pas à y croire. Ses sentiments ne brûlaient pas, ils étaient en incandescence jusqu'à en faire fondre ses os. Sa mâchoire se serra violemment avant de se relâcher sur un regard neutre et sans plus aucune émotions.

Le garçon tourna le regard vers Nathaniel qui arrêtait de pleurer dans son coin et fixait son ami d'un regard ferme. Marc ne dit rien. Nathaniel non-plus. Chacun portait cette fois-ci en son coeur une détermination de fer à protéger l'autre. Mais les instincts naturels de Marc étaient beaucoup plus puissants que n'importe quelle fureur humaine. Le téléphone de Nathaniel se brisa en mille morceaux sous le poing rouge ou noir de colère de l'Aitvaras.

_ Nous sommes dans une société empêtrée dans une jungle. Ses habitants agissent comme tel. Il n'y a aucun mal à ce que je protège une personne parmi tous les habitants de Paris. Pourquoi est-ce que tu es aussi récalcitrant ?

C'est ainsi qu'il fila et claqua violemment la porte en sortant. Nathaniel entendit des grattements dans les murs qui suggéraient qu'il s'était retransformé en dragon. Mais pour une fois, le rouquin se leva également et sortit en trombes, déterminé à l'arrêter et à lui faire comprendre une bonne fois pour toute qu'il n'était pas un enfant et que ses instincts à la con, il allait devoir les calmer. A coup de méditations ou de baffes, tant que ça marchait, ça lui allait.

Pourquoi une telle détermination à ce moment précis ? Il ne savait pas trop. Mais il sentait que c'était parce qu'il avait franchi un point sans retour et que Marc avait formellement besoin de son aide. Aux côtés d'Adrien une multitude de compagnons. Aux côtés de Marc, Personne. Il devait s'occuper de lui. A tout prix. A tout prix...

Marc n'avait pas attendu une seconde, Nathaniel le voyait bien aux escaliers à moitié détruits de l'appartement. Il n'imaginait pas comment il allait annoncer la nouvelle au concierge. Le message avait dû lui faire perdre tout sens moral :

''Celui que vous cherchez est Marc, le dernier aitvaras. Ne lui faites aucun mal, il a fait tout ça dans le but unique de me protéger. Ne prononcez pas mon nom si vous comptez essayer de l'arrêter, lorsqu'il se met en colère, la terre peut se mettre à trembler. Ne faites pas de mal à Marc.''

Le Chat de NabeshimaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant