Le Chat de Nabeshima

Fin

Avec horreur, il se rendit compte de son erreur. Dans son aveuglement furieux, il avait voulu plonger ses serres dans le torse du démon-chat sans se rendre compte qu'il allait droit sur ce qu'il protégeait depuis tant de mois.

Sa main écailleuse traversa le mauvais corps, plongeant avec brutalité dans une cage thoracique. Des os se brisèrent comme du verre, certains furent littéralement broyés par l'impact. Dans son élan, son épaule rencontra l'épaule de sa victime. Avec effroi, il put voir sa propre main ensanglanté sortir du corps qu'il chérissait tant, rouge de sang et accompagnée d'un os épais et brisé. Il ouvrit ses yeux encore. Et sa bouche s'entrouvrit à son tour. Sa respiration, tantôt calme, s'affolait. Il ne se rendait pas encore compte. C'était trop rapide.

Il recula légèrement sa tête. Il allait sûrement apercevoir des cheveux blonds, et un regard émeraude. Oui, il devait avoir tué le chat de Nabeshima ? Il devait avoir gagné ? N'est-ce pas ?

L'horreur qui éclaira son regard était rousse. Rousse. Il tenait un roux entre ses anciennes serres. Sa vision s'embua. Ses lèvres se serrèrent. Sa respiration s'arrêta, puis reprit comme une folle. Non....il ne l'avait pas fait ? Il ne regardait plus son amant. Il laissa son regard se perdre loin devant lui. Des larmes roulaient le long de ses joues. Il sentait la respiration encore crispée de Nathaniel contre son épaule. Doucement, ses mains touchèrent le dos du blessé. Un dos humide, pâteaux, poisseux, brisé. Ses mains remontèrent jusqu'à sa nuque et palpèrent les cheveux de l'artiste. Qu'est-ce qu'il avait fait ?

Son côté surnaturel s'effondra en un instant lorsqu'il réalisa sa faute. Plus aucune écaille, ailes, plumes, griffe. Juste lui. Juste son âme contre sa jumelle.

Le corps étranger s'affaissa sur lui lentement, dans un souffle glacial. Il sentait des regards horrifiés sur lui, mais le plus terrifié était lui-même. Comment osaient-ils se pointer là eux ? Qu'est-ce qu'ils faisaient là déjà ? Pourquoi Nathaniel était-il blessé ?

_ Froid...., souffla Nathaniel dans son épaule.

Son espoir s'effondra quand il entendit un toussotement puis un liquide lui glissant sur l'épaule. Une tête rousse se posa dans sa nuque, sans aucun gémissement, aucun halètement. Juste une douleur sourde.

Les larmes continuaient de couler d'elles-mêmes. Pour avoir tué de nombreuses fois, il reconnaissait ce qu'il tenait en main. Des vertèbres, une partie de la colonne vertébrale. Les oiseaux étaient précis lors d'une attaque, il maudissait cette précision. Il maudissait ses pouvoirs. Il maudissait tout son être. Comment avait-il osé ?

Il s'effondra à genoux. Le corps appuyé contre lui suivit le mouvement. Il retira sa main sans préambules. Les chairs s'écartaient et se déchiraient un peu plus dans le geste brutal. Mais il ne servait à rien d'y aller doucement. La vie avait fait sa chienne. Les sanglots le prirent à la gorge, l'empêchant de respirer convenablement.

En quelques secondes, tout s'était déroulé si tragiquement.

_ Nath ?

L'appel d'un enfant terrorisé, un murmure détruit par le chagrin. Ses bras s'enroulèrent autour du corps, l'allongeant avec une grande délicatesse. La respiration entre ses mains rouges s'évanouissait, disparaissait et quittant son porteur à tout jamais.

_ Nathaniel...je...

Il n'eut jamais la force de continuer ses propos. Il n'eut jamais l'occasion de demander pardon. Il n'eut jamais la possibilités de réparer ses erreurs. Tout était...fini.

Son être se déchirait, hurlait à s'en casser les cordes vocales. Incomplet et complètement déboussolé il se sentait mourir comme l'être qu'il aimait. Ses joues humides et ses larmes se lamentaient en même temps que lui. Bon sang...pourquoi ? Pourquoi hein ? POURQUOI ?

Son cri humain se transforma en un hurlement d'oiseau à qui on avait brisé les ailes. Un oiseau à terre était un oiseau mort. Son hurlement s'échappa comme un râle au début, puis monta rapidement dans les aigus. Il s'arrachait les cordes vocales. Il perdait peu à peu sa capacité à parler. De toute manière, à quoi bon ? A quoi lui servait sa voix ? S'il ne pouvait plus le consoler, le rassurer, lui dire qu'il comptait pour lui. Il valait mieux pour lui de s'éteindre. Il allait dépérir à ses côtés.

Que tous ceux qui m'observent horrifiés aillent au diable. Disparaissez tous. Hors de ma vue, vieilles ordures, songea-t-il. Pauvres victimes de l'Amour. Je maudis l'amour. Je m'éteins, mais ma malédiction entravera vos sentiments, compliquera vos relations. Je disparais, mais mes paroles résonneront dans le fil du destin. L'amour ne pourra plus briller que dans la sincérité. Mais sa lueur portera à jamais le blasphème que j'ai été.

Éteint entre ses bras, il se laissait dépérir de secondes en secondes. Son âme imitait sa jumelle, la rejoignait dans l'au-delà.

Entre ses omoplates, ses ailes jaillirent une dernière fois, dans un ultime effort. Ses larmes en or se tarirent. Ces plumes colorés virèrent au gris sans valeur, se détachèrent alors qu'il s'affaissait aux côtés de son bien-aimé, les bras toujours enroulés dans un élan de protection.

Leurs spectateurs s'enlaçaient, observant un amour se fanant avec désarroi.

Il ne se releva plus, laissant échapper un dernier soupir. Souffrant pour l'unique et dernière fois.

Il était un Aitvaras, il était un humain. Ils étaient liés à la vie, à la mort, à l'au-delà.

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J'espère que cette histoire vous a plu ! Je l'ai écrite avec Lumière-blanche. A la base c'était un os dans mon recueil miraculous, et puis on m'a demandé une suite. Et taaada je me suis dit "Pourquoi pas" et la voici la voila !

N'hésitez pas à commenter, c'est la première fois que j'écris dans un style si surnaturel et parfois un peu horreur :)

By Kura