Interlude 1

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"Tout le monde est prêt?"

Ma mère attachait dans mes longs cheveux noirs un ruban jaune, assorti à ma robe en mousseline, la plus belle que j'avais. On était dans ma chambre, moi assise devant ma coiffeuse, le dos droit et les bras posés devant moi, elle derrière, s'affairant à me rendre le plus présentable possible.

J'aimais beaucoup m'apprêter autant. On aurait pu me comparer aux princesses des histoires qu'elle me racontait.

"Tu en sera une." me promettait-elle tous les soirs, en me bordant dans mon lit.

Mon père et mon frère attendaient à l'étage en dessous, déjà prêts à s'en aller.

Après avoir doucement poudré de rose mes joues pour qu'elles perdent un peu leur pâleur, ma mère me relève doucement par la main, puis descends à ma hauteur et attrape le bas de mon visage entre ses doigts.

"La tête bien droite. Souris."

J'obéis.

"Tu es parfaite, ma puce."

Elle l'était aussi, dans sa robe verte, son châle de la même couleur couvrant ses épaules, et ses gants satinés recouvrant trois quarts de ses bras.

Elle ouvrît la porte, et descendit l'escalier en colimaçon, moi sur les talons.

Je marchais doucement, pour ne pas froisser ma robe.

Je ne l'avais jamais porté auparavant, et je la trouvais si belle, si majestueuse que je ne pouvais pas, ne serait-ce qu'imaginer, l'abîmer. Si on me l'avait fait mettre, c'était sûrement pour une grande occasion. Je ne savais pas trop laquelle.

Devant le carrosse, après avoir fait monter ma mère, mon père me fit faire un tour complet sur moi-même, après quoi il m'aida à grimper dans le véhicule, juste à côté de mon frère.

J'avais remarqué que toute ma famille s'était affairée, préparée et embellie, mais que de tous, j'étais la plus mise en valeur.

Mes jolis cheveux ébènes tombaient en bouclettes jusqu'à mes épaules, dénudées par la coupe de ma robe mettant en lumière mon teint clair et blanchâtre

Ce n'était pas un dimanche, nous n'allions pas à l'église. Ce n'était pas un anniversaire, ce n'était pas une grande occasion. Ce n'était pas un enterrement, non plus.

En fait, c'était un mardi. Une journée ordinaire, donc. Mais déjà, la veille, on nous avait couché tôt, en prévisions du réveil matinal d'aujourd'hui.

À table, les recommandations avaient fusé.

"Comportez-vous correctement et dignement. Je ne veux aucun caprice. Surtout venant de toi, Sang-Hae. C'est demain que tout commence."

On nous avait aussi fait empaqueter une bonne partie de nos affaires, comme si nous alliions déménager très loin, mon frère et moi.

Je ne sais pas si Seokjin savait ce qu'il se passait, mais moi, du haut de mes cinq ans, je n'en avais aucune idée.

Il avait trois ans de plus que moi : il était donc plus apte à comprendre les choses autour de lui, et les adultes lui donnaient souvent plus de responsabilités qu'à moi.

Mais aujourd'hui, je sentais une sorte de pression sur mes épaules, et c'était comme si nos rôles étaient inversés.

Aujourd'hui, je me devais d'être la plus responsable d'entre nous.

Mais pour l'instant, je ne savais même pas où allais-je me rendre. J'étais bien curieuse de le découvrir.

C'était un mélange d'impatience et d'appréhension, apparu parce que tout le monde me gardait la destination comme une surprise, et que le trajet semblait interminable.

Timeless [Taekook]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant