°𝐿𝑒𝑡 𝑚𝑒 𝑝𝑙𝑎𝑦 𝑎𝑚𝑜𝑛𝑔 𝑡𝘩𝑒 𝑠𝑡𝑎𝑟𝑠° 𝕟.𝕛𝕞 𝕩 𝕝.𝕛𝕟

One

Le jeune homme se réveilla, une fois de plus, en sursaut. Son cœur battait à tout rompre, et une boule d'angoisse vint se former dans sa gorge. Ses mains tremblaient d'une manière incontrôlable, il tenta de les arrêter mais la crise ne cessera pas avant dix minutes. C'était toujours comme ça.
Il s'assit en tailleur dans son lit, tourna ses yeux embués de larmes vers le balcon. Il tenta de chasser les images dans sa tête, en vain. Elles étaient trop vives et trop récentes pour lui, bien que cela fasse plus de sept mois que l'événement avait eu lieu.
Pourtant il revivait la scène encore, encore et encore, chaque nuits. Il revoyait son corps tomber dans le vide, puis s'écrasant sept mètres plus bas. Il se souvenait de tout, ses sens se souvenaient de tout ; la chute, le bruit de l'impact, la douleur dans sa poitrine, le goût de sang dans la bouche. Et le cri qu'il avait poussé.

Il avait été témoin du suicide de son meilleur ami.
Ami qu'il avait aimé plus qu'un supposé "ami".

Les psychologues disent qu'il a subi un "choc post-traumatique suite à événement émotionnel violent" mais pour lui, il avait juste perdu une partie de lui-même quand la vie avait quitté son ami. C'était comme si lui aussi avait sauté de cet immeuble cette nuit de février.

Vivant et mort en même temps.

Quelles étranges sensations contradictoires coincées dans un même corps !
Pourtant il fallait "continuer de vivre", comme son entourage le dit tellement bien.
Ils ne comprenaient rien à ce que pouvait ressentir Jeno.

Son meilleur ami, son amour secret était mort !
MORT !!
JAEMIN ÉTAIT MORT !!!

Et rien ne pourra jamais le ramener ! Les morts ne revenaient pas à la vie et Jeno le savait. Tout le monde le savait néanmoins si son esprit avait compris, ce n'était pas le cas de son cœur, qui espérait inlassablement que ce ne sois qu'un cauchemar. Et des fois, Jeno espérait lui aussi que la tombe en dessous du cerisier où était écrit 《 En mémoire du bien-aimé petit-fils, fils et meilleur ami Na Jae Min 》 ne fusse qu'une mauvais blague. C'est alors que la réalité le rattrapait, plantant sa dague dans sa poitrine, et il se rendait compte de sa stupidité.
Ce n'était pas faute d'avoir tenté de le convaincre ; tous lui avait expliqué comme à un enfant perdu et tous avait par se lasser devant l'espoir farouche qui donnait encore un éclat dans ses yeux épuisés.
Malgré tout cette lueur avait fini par mourir elle aussi, car pour qu'un espoir vive il lui faut quelque chose à quoi s'accrocher, n'est-ce pas ? Or quand plus rien ne subsiste c'est terminé.

N'est-ce pas ?

Jeno n'avait plus le goût de rien, si ce n'est qu'il éprouvait un certain comfort dans les étoiles et la Lune. Mais même là, il y trouva des ressemblances à Jaemin ; les étoiles qui avaient brillé de malice dans son regard, le calme du ciel pareil à la sensation que lui procurait la présence de son ami.

Jamais il ne pourrait le revoir de son vivant.

De son vivant...

Ces mots claquèrent dans la tête du jeune homme dont la respiration s'était calmée.

De son vivant.

Si il ne pouvait le voir de son vivant alors peut-être qu'ils pourraient être de nouveau réunis dans l'Autre Monde. Or il allait devoir attendre longtemps.
À moins que...
À moins que ce soit lui qui en décide... À peine cette idée lui effleura l'esprit qu'il se crispa.

Non ! Il se devait d'être fort !
Sauf qu'il ne l'avait jamais été. C'était Jaemin qui était fort, pas Jeno.
Mais même Jaemin avait faibli alors qu'est-ce qu'il l'empêchait de faiblir et de se laisser aller ? Les autres s'en remettraient, eux étaient courageux.
Alors il le fera, il allait s'enlever la vie, se sui-...cider. Il allait rejoindre son amour perdu.
Soudain il se leva, alla à son bureau et commença à rédiger sa "lettre de départ" à ses proches. Il leur écrivit à quel point il était désolé, qu'il les aimerait pour toujours, et qu'il allait aller mieux lorsqu'il sera parti.
Il plia soigneusement la missive, regarda une dernière fois sa chambre et sortit.
Ses pieds le guidèrent jusqu'au toit de l'immeuble. Le vent faisait voleter ses vêtements et plaquait ses cheveux.
La fin était proche.
Il avança lentement vers la bordure qui l'évitait de dégringoler dans le vide, puis il arriva devant et monta dessus.
Il était prêt à partir et bizarrement aucune larme ne coula. Il ne ressentait rien, il était comme amorphe.
Il était penché à plus de douze mètres, debout sur un petit muret.
L'ironie du sort était qu'il allait finir exactement comme son meilleur ami. Un mince sourire vint étirer ses lèvres.
Puis d'un coup il se laissa tomber dans le vide, il ferma les yeux pour la dernière fois. La chute lui paraissait lente et étrangement douce. Puis le choc vint enfin et l'obscurité l'engloutit.

Cette nuit-là, à Séoul, un ange chuta d'un immeuble, déployant des ailes imaginaires pour rejoindre son amour.

~𝙵𝚒𝚗~