* 01 Prologue

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Partie I.
L'animal en cage

Une erreur.
Dans le milieu où j'ai grandi, elles coûtent cher, tout comme les histoires d'amour. Quand le sexe, la violence, la drogue et l'argent règnent, les sentiments deviennent une épée de Damoclès. On la craint, puis l'oublie jusqu'à ce qu'elle frappe. Romantiser les relations qui s'y passent dans ce milieu brise les cœurs sensibles. Les livres sont bien loin de la réalité. On m'a répété tellement de fois de mettre de côté cet organe battant qui n'a rien de rationnel, car il conduit toujours au désastre. Pourtant, je n'ai pas écouté.

Une erreur et vingt-quatre balles.
J'étais destinée à vivre une vie de douleur, mais il est dangereux de vouloir s'intégrer dans un monde dont les règles ont été faites par les hommes, pour les hommes. Je suis le grain de sable qui enraye la machine, la dernière goutte dévastatrice, la nouvelle Hélène de Troie qui ravage l'Italie. La plus forte des volontés ne peut arrêter les événements qui nous conduisent inévitablement vers un final tragique.

Une erreur et vingt-quatre balles, dont six mortelles.
Jusqu'à il y a quatre ans, je vivais dans un cocon, loin des regards et de l'attention de tous. Cependant, l'envie d'exister dans ce monde qui m'était refusé a tout brisé. Je voulais seulement lui plaire. Quand un homme possède tout, le surprendre relève du défi. Et je l'ai relevé, avec les conséquences qu'aujourd'hui, tous connaissent.

Une erreur et vingt-quatre balles, dont six mortelles.
Juste une. La mienne.
Je n'étais pas la progéniture d'un homme comme les autres. Mon père était tout sauf un saint. Son seul regard changeait les existences. Longtemps, les politiciens ont préféré négocier avec lui plutôt que de subir son courroux. Les ennemis se sont multipliés dans l'ombre, dans l'espoir de parvenir un jour à le détrôner. Mais ils n'ont pas eu besoin d'y mettre beaucoup d'efforts puisque je les ai aidés.

Mon erreur et il est mort.
Nous vivions dans le luxe discret. Mon père était de cette génération qui préférait cacher sa richesse pour ne pas attirer le mauvais œil et l'envie des autres, d'où cet immense immeuble qu'il avait aménagé comme QG au cœur de Rome. Les façades sont délabrées, le blanc du bâtiment a terni avec les années, les meurtres et l'abandon. Nous sommes une épine dans le pied du maire, un furoncle pour la société qui s'efforce de nous oublier. Tout le monde chuchote notre existence, mais se tait à notre passage.
Qui sommes-nous ?
La mafia.
Celle de la capitale, qui a toujours supplanté les autres, décuplant les jalousies.
Ma fierté parle pour moi. Je suis la fille de Don Ceon. Du moins, je l'étais. Mon existence n'était pas à plaindre. Je n'avais pas besoin d'user de caprices puisque j'étais choyée. Pourtant l'abondance matérielle ne remplaçait pas ce grand vide laissé par la charge de travail de mon père, l'absence de ma mère et la distance avec mon frère. Gianluca a toujours voué une admiration pour son modèle, celui qu'il souhaitait remplacer. Et j'ai peut-être un peu tout précipité.

Que peut désirer la princesse Ceon, destinée à un mariage et une vie de femme au foyer ?
Exister parmi les hommes.
Encore aujourd'hui, je possède tout et rien. J'obtiens ce que je désire après l'approbation d'un individu de l'autre sexe. L'argent ne transite jamais entre mes mains, comme si l'origine des billets pouvait me salir. Je suis à la tête d'un empire que je ne peux diriger, car aucune autre ne l'a jamais fait.
Le rêve est beau. Et grand. Mais j'ai encore une fois tout gâché.

Il m'a fallu un certain temps pour trouver le cadeau inestimable à lui offrir pour la fête des pères.
L'hellébore noir.
Une plante vivace à la floraison hivernale qui tient son nom de rose de Noël. Certains lui donnent une autre appellation plus obscure. Mets fin à mes tourments. Une sombre réputation pour un mafieux impitoyable. Quelle association parfaite !
Mon père était un monstre pour les autres. Sanguinaire, cruel et excessif. Je ne faisais plus attention aux chemises tachées de rouge que ses bonnes à tout faire détruisaient par dizaines. Quand on en vient à accepter l'horreur, le salut de l'âme est impossible. J'ai grandi dans une violence que je considère comme naturelle. Si j'en suis détachée, c'est parce qu'elle m'a jusqu'ici épargnée. Mais le karma frappe tôt ou tard et le mien a décidé de se déchainer.
Don Sergio Ceon m'a toujours offert le visage le plus aimant. Un tortionnaire attentionné envers la prunelle de ses yeux. Cependant, il accordait une inégalité de patience et d'amour avec mon grand frère, sans que je n'en connaisse les raisons. Ce qui poussait Gianluca à se surpasser dans le crime pour obtenir son approbation et la fierté que je recueillais avec un sourire.

Mais, tout comme la nuit succède au jour, même les monstres les plus terrifiants tirent un jour leur révérence. Et c'est dans le hangar que la lumière de ma vie s'est éteinte.
Par ma faute.
Trop excitée par ma trouvaille, je n'ai pas fait attention au véhicule qui me suivait. Je n'ai pas été aussi vigilante que d'habitude lorsque j'ai emprunté le raccourci que l'on m'avait récemment montré, chemin éloigné des gardes de la zone que je ne devais prendre qu'en cas de crise majeure. Et je n'ai pas réalisé que j'ouvrais la voie à une armada d'hommes déterminés à se venger.
Je n'ai eu le temps que de m'approcher, cette petite fleur noire à la main, avant que tout ne se produise. Comme à chaque fois que je pénétrais dans son périmètre, mon père a fait baisser les armes pour que je ne sois dans aucune ligne de mire. Et il s'est mis à découvert pour me rejoindre.
Puis son corps a encaissé la première balle.
J'ai mis du temps à comprendre pourquoi son sourire s'effaçait. J'entends encore aujourd'hui le sifflement des balles et je revois les secousses qui l'animaient. Mon père a toujours été la montagne d'acier que j'ai construit dans mon esprit, un rempart infranchissable qui me protégeait de la violence de ses actions. Et la seule personne devant qui il s'est agenouillé, c'est moi, comme pour me mettre face aux conséquences. Le sang lui coulait de la bouche, pourtant, à aucun moment son regard ne m'a quittée. Plus rien ne comptait, ni les hurlements de mon frère ni la réplique de ses hommes. Je me revois tendre le bras pour l'aider à se relever, mais tout ce que j'ai obtenu est une éraflure de balle perdue. Je ne sais aujourd'hui si j'ai eu de la chance d'en ressortir vivante, mais ce jour a marqué l'éclatement de la bulle dans laquelle j'évoluais.

Mes yeux se sont ouverts sur le monde qui m'entourait.
Celui que je souhaitais intégrer pour me racheter.
À chaque cérémonial pour l'honorer, je me suis forcée à garder mes larmes à l'intérieur et à observer les hommes qui m'entouraient. Je me suis persuadée que j'avais un rôle à jouer.
Aucun ne m'a reproché directement mon imprudence. Mais cette culpabilité et stupide naïveté ne m'ont jamais quittée. Si je n'avais pas cherché à jouer les écervelées avec ce cadeau ridicule, tout serait comme avant. J'aurais dû me contenter de lui écrire une lettre comme je le faisais chaque année. Lorsqu'on est la fille du plus grand criminel de Rome, on est aussi la première cible de ses ennemis.

Aujourd'hui, je piétine les fleurs que je trouve. Mais une plus grande volonté grandit en moi, le désir de ne plus être la victime, mais le bourreau. Les coupables vont payer, car je compte bien réparer mon erreur. 

***
Je me doute que certains seront déçus de ne plus voir la version fanfiction. Je pensais à la base procéder à cette réécriture de mon côté sans la partager, puisque j'avais retiré l'histoire de Wattpad. Je vous mets tout de même quelques chapitres.
Dites-moi si vous souhaitez découvrir cette nouvelle version, avec les pistes de modification que m'ont donné les ME. L'objectif final sera évidemment la publication.

LilouMeow

Mafiosa , l'empire des Ceon (TOME 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant