Mafiosa , l'empire des Ceon (TOME 1)

05 Veni Vidi Vinci

"Everyone can start again, not through love but through revenge."
Lana Del Rey, High by the beach

Tout le monde peut recommencer, non pas grâce à l'amour mais grâce à la revanche.

***

Malgré son peu d'entrain pour cette soirée, Vince garde son sérieux et une certaine retenue sur le trajet. Conscient d'avoir ma vie entre ses mains, rien n'est laissé au hasard. Les rappels habituels pour les sorties quotidiennes me sont énumérés afin que mon attitude reste correcte, selon les règles établies par Gianluca.

— Pas de disparition surprise ou d'isolement avec un individu que je n'ai pas identifié. Tes déplacements doivent rester limités et discrets. Ton téléphone reste à portée de main avec l'obligation de décrocher dès les trois premières sonneries.
— Il est tout le temps sur vibreur.
— Comme précisé tout à l'heure, les contacts physiques en public sont restreints puisque possiblement filmés. Peu importe les connaissances sur place, tu limites la divulgation de ton nom et me signales tout comportement suspect.
— Tu as oublié de me rappeler les gestes d'autodéfense, le provoqué-je. Sérieusement, Vince ! J'ai passé l'âge de tous ces rappels.
— Et enfin, tout comportement irrespectueux envers ta personne ou notre clan se terminera dans la violence. Il est important que tu t'en souviennes.

Chaque tentative d'émancipation me renvoie à ce fameux soir où les versions et la culpabilité diffèrent en fonction des protagonistes. Les hommes de la cupola me reprochent ma fugue alors qu'ils sont ceux qui ont livré un innocent à mon frère. D'un signe de la main, je l'invite à se concentrer sur son stationnement, sans plus d'envie d'échanger sur le sujet. Vince serait un père exécrable, à psalmodier ses avertissements avant de reprocher les erreurs commises. Il agit avec un extrême dévouement, raison pour laquelle mon père le gardait en retrait. À trente-cinq ans, il est le plus ancien du cercle restreint, ceci explique peut-être notre difficulté à communiquer.
Le portail n'est pas encore passé que mon accompagnateur pianote sur son téléphone et m'expose ce qui le tracasse.

— Elle s'appelle comment ta Lina ?
— De Santis, pourquoi ?
— Parce que cette baraque appartient à la famille Ferrucci, d'après le registre de l'état civil. Tu m'expliques ?

Les ennuis commencent et mes justifications bancales se dévoilent plus tôt que je ne l'avais prévu.

— On est chez son petit ami, mais ça revient au même. On la croisera.
— On verra ce qu'en pense Don Ceon.

Le terme honorifique de mon frère ne sert qu'à me mettre un coup de pression alors que Vince est autorisé à l'appeler par son prénom dans le cadre privé. Cependant, je me satisfais du mensonge non détecté au milieu de la révélation du nom du propriétaire avant de déchanter. L'arrivée tonitruante de Lina alerte celui qui piste l'embrouille. Le consigliere se raidit devant l'accolade qui m'est faite et déshabille du regard l'intruse à la recherche d'une arme qu'elle pourrait dissimuler.

— T'es en retard, ma belle. Ils sont déjà tous à l'eau.
— J'ai du mal à croire que toutes les bières soient déjà parties.
— L'humour de vieux ne te va pas au teint, chérie. À qui ai-je l'honneur ? s'enquiert-elle en tendant la main vers mon voisin.
— À quelqu'un que tu ne voudrais pas revoir, chérie, réplique mon gardien.

Le ton glaçant employé suffit à refroidir les ardeurs de la jeune privilégiée. Se sentant analysée, elle ne laisse pas le malaise s'installer et trouve le premier prétexte pour nous laisser.

— Ne trainez pas de ce côté du jardin. Les gens vont jaser et finir par penser que tu n'es pas à la hauteur de ta réputation. Surtout que le beau Ferrucci désespère de te voir arriver. Tu te rappelles de qui je parle ? Ça commence par Aure et ça finit par liano.